«L’enfance n’est jamais bien loin.
Elle attend en silence qu’on la reconnaisse et qu’on en prenne soin.»
Louise Portal
Les Éditions du CRAM 1030 Cherrier, bureau 205, www.editionscram.com |
Conception graphique Édition et correction Illustration de couverture |
Crédit illustrations:
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II est illégal de reproduire une partie quelconque de ce livre sans l’autorisation de la maison d’édition. La reproduction de cette publication, par quelque procédé que ce soit, sera considérée comme une violation du droit d’auteur.
Dépôt légal — 1er trimestre 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Copyright © Les Éditions du CRAM inc.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Distribution au Canada: Diffusion Prologue
Distribution en France et en Belgique: DG Diffusion
Distribution en Suisse: Transat Diffusion
ISBN epub 978-2-89721-148-6
Versions numériques
ISBN mobi 978-2-89721-149-3
ISBN pdf interactif 978-2-89721-147-9
Catalogage avant publication de Bibliothèque et
Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Guilmaine, Claudette, 1949-
[Contes pour parents et adultes soucieux du bonheur des enfants]
Contes à l’usage des parents et autres adultes soucieux du bonheur des enfants
Deuxième édition.
(Psychologie)
Publié antérieurement sous le titre: Contes à l’usage des parents et adultes soucieux du bonheur des enfants 2002.
Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).
ISBN 978-2-98721-146-2 (couverture souple)
ISBN 978-2-89721-147-9 (PDF)
ISBN 978-2-89721-148-6 (EPUB)
ISBN 978-2-89721-149-3 (MOBI)
1. Parents et enfants. 2. Enfants - Psychologie - Problèmes et exercices. 3. Adolescents - Psychologie - Problèmes et exercices. I. Tremblay, Josée, 1969-. II. Titre. III. Contes à l’usage des parents et autres adultes soucieux du bonheur des enfants. IV. Collection: Collection Psychologie (Éditions du CRAM).
HQ755.8.G85 2018 |
306.874 |
C2017-941113-6 |
Imprimé au Canada
À Hélène, ma sœur chérie, artiste-peintre des âmes et fée des enfants
À Ginette et Céline, nos petites sœurs de cœur
À Aimé qui, à 94 ans, se montre toujours soucieux du bonheur des enfants et joue comme un poète avec les mots
Claudette
À mon amoureux et à nos enfants qui me soutiennent dans mes projets
À mon papa qui m’a transmis un grand amour de la lecture et son envie de créer
Josée
La petite histoire des Contes…
Ces contes ont connu une longue grossesse et sont nés dans la joie grâce à la collaboration de plusieurs talents…
Josée et moi, travailleuses sociales engagées, nous nous sommes connues à titre de médiatrices familiales. Nous avons aussi la passion de l’écriture. Jouer avec les mots et proposer des outils ludiques aux parents et aux intervenants? Quelle idée porteuse!
Voici donc que les éditions du CRAM adoptent ce projet. Guillaume Lavigne, Marie Desjardins et Audrey Phillips conjuguent leurs expertises pour que le bébé soit «le plus beau du monde!»
Et Lyne Lévêque, illustratrice, ajoute sa touche artistique pour accrocher le regard du lecteur dès qu’il se pose sur la couverture…
À Lyne, Guillaume, Marie et Audrey, un grand merci, doux comme un rêve d’enfant!
Et à vous, chers lecteurs, petits et grands, nous espérons que ces contes combleront vos attentes et qu’ils continueront de vous accompagner, pas à pas, sur le surprenant chemin de la vie! Bonne route!
Claudette
Ces contes sont pour vous, chers parents, et après tout pour vos enfants bien-aimés
Voici quelques questions abordées dans ces contes ou minicontes.
Kourageof et les sept fantômes, par Josée Tremblay |
Page 19 |
Vous êtes en lutte contre toutes ces émotions qui vous hantent… La visite de la maison aux sept fantômes vous amènera peut-être à faire la paix. |
La ballerine, par Claudette Guilmaine |
Page 25 |
Avez-vous parfois l’impression de marcher sur la pointe des pieds pour éviter de réveiller la peine? |
Le gobelet, le tonneau et la source, par Claudette |
Page 27 |
Vous avez une grande soif d’amour et l’impression d’avoir trop peu reçu… Vous gagnerez à visiter la boutique du tonnelier et à marcher dans les pas de Loïc. |
Jumpy, le kangourou, par Josée |
Page 35 |
Auriez-vous tendance à surprotéger votre enfant? Kim, la maman kangourou, vous fera part des problèmes de son fiston. |
Le dragon, par Claudette |
Page 43 |
Le feu de la colère menace-t-il les vôtres? |
Le combat nourricier, par Claudette |
Page 45 |
La tâche de nourrir votre enfant devient-elle parfois un cauchemar? Surveillez Bambin-Têtu et reprenez votre souffle. |
Monsieur Petirond, par Josée |
Page 55 |
Doutez-vous parfois de la force de l’exemple? |
Éliane ou la dangereuse croissance, par Claudette |
Page 59 |
Craignez-vous de mettre des limites à votre enfant même si vous sentez parfois qu’il vous envahit? Voyez comment madame Springfield a aidé les parents d’Éliane à mieux diriger la croissance de leur enfant. |
Les pissenlits, par Claudette |
Page 71 |
Êtes-vous prêt à abandonner l’objectif de la perfection? |
La course aux trésors, par Claudette |
Page 73 |
Le quotidien vous stresse? Souhaiteriez-vous participer avec votre aîné(e) à une course aux trésors? |
Madame Futurodrama, par Claudette |
Page 79 |
Avez-vous tendance à aspirer à l’avenir ou à regretter le passé tout en négligeant le présent? Madame Futurodrama a fait ça toute sa vie, et une vie, ça passe vite. |
Omar change de peau, par Claudette |
Page 81 |
L’arrivée de l’adolescence vous inquiète? La mésaventure du fils Omar vous éclairera sûrement sur cette étape importante. |
Le hibou, par Claudette |
Page 89 |
En quoi le hibou et le taureau nous donnent-ils des exemples différents d’attitude envers l’autre parent? |
Peterpaon, par Claudette |
Page 93 |
Vous souhaiteriez parfois que votre enfant réalise vos rêves du passé. Peterpaon s’est retrouvé dans de beaux draps à cause de cela… |
La vache qui n’avait plus de lait, par Claudette |
Page 101 |
Vous vous demandez si vous avez le droit de penser aussi à vous… La vache Ortense peut vous encourager, car elle a vécu cette expérience. |
Tristetan, par Claudette |
Page 109 |
Avez-vous envie de vous protéger sans vous coincer? |
La mésange tachetée, par Josée |
Page 111 |
La réaction de votre enfant à la séparation vous inquiète… Sensibles aux besoins de la mésange tachetée, ses parents ont trouvé une formule qui risque de vous inspirer. |
Le pantalon déchiré, par Claudette |
Page 119 |
Préférez-vous trouver un pantalon déchiré plutôt qu’une vérité rapiécée? |
Le long sommeil du jardinier, par Claudette |
Page 121 |
Vous souhaitez depuis longtemps un rapprochement avec votre enfant… Pourquoi ne pas suivre Hector, le jardinier, sur le sentier difficile des retrouvailles? |
Fido a deux modèles, par Claudette |
Page 129 |
Les différences parentales vous donnent le frisson et votre enfant s’y adapte difficilement… Vous pouvez consulter les parents de Fido, qui ont su mettre fin aux problèmes de sa vie de chien. |
Antonio Déchiro, par Claudette |
Page 139 |
Voulez-vous que votre enfant s’envole dans la vie en toute confiance? Antonio a une mise en garde à vous faire… |
Le beau château, par Claudette |
Page 147 |
Si d’intenses conflits parentaux mettent vos enfants en danger, le fou du roi peut vous aider à sauver vos précieux trésors. |
Renardeau, l’agent double, par Claudette |
Page 157 |
Vous vous sentez en rivalité avec l’autre parent, et votre enfant joue le rôle de l’espion ou celui du messager… Renardeau, l’agent double, peut venir à votre secours pour briser ce cercle malicieux. |
Les crapauds, par Claudette |
Page 161 |
Attention aux petits crapauds vulnérables… |
Sallie et le contrepoison, par Claudette |
Page 163 |
Êtes-vous intoxiqué(e) par une guerre conjugale qui perdure? Sallie, la sorcière, a conçu un contrepoison efficace qui vous permettra de guérir les vieilles blessures et d’être les parents dont vos enfants ont besoin. |
Le petit capitaine, par Claudette |
Page 171 |
Vous constatez que votre enfant prend auprès de vous la place du conjoint absent… Partez en mer avec Justin, qui vous fera découvrir l’île aux naufrages et le chemin du lâcher-prise. |
Bing-Bang cité, par Claudette |
Page 181 |
En avez-vous assez des accidents de parcours? Le phénomène est frappant à Bing-Bang cité. |
La poupée russe, par Claudette |
Page 183 |
Vous aimeriez parfois tout effacer du passé de l’enfant dont vous avez la responsabilité? La poupée russe en a long à vous raconter. |
Le Petit Poucet de l’an 2075, par Claudette |
Page 191 |
Avez-vous quelquefois envie de faire disparaître toute trace de votre propre passé? Petit Poucet a failli en perdre son chemin… |
Étincelle jongle avec ses souvenirs, par Josée |
Page 193 |
Vous avez tendance à idéaliser le passé? Pour vous aider à finaliser votre deuil, une jeune jongleuse vous invite au cirque de son enfance. |
Désordre au Nirvana, par Claudette |
Page 201 |
Croyez-vous parfois être le (la) seul(e) à traverser autant de difficultés? |
Le sapin de Noël, par Claudette |
Page 207 |
N’est-il pas normal de souhaiter sauter des étapes? |
L’autobus magique, par Josée |
Page 209 |
L’arrivée de nouvelles personnes dans votre vie bouscule-t-elle la place de chacun? Fredon vous propose une façon d’agrandir le cœur sans avoir à choisir. |
Léo Malméné, le petit poisson qui a vaincu sa peur, par Claudette |
Page 217 |
Que votre enfant ait tendance à menacer les autres ou à se laisser intimider, comment pouvez-vous déceler ce qui se passe et faire cesser les comportements inappropriés? |
Il y a toutes sortes de grands-parents, par Claudette |
Page 225 |
Y a-t-il des grands-parents dans la vie de votre enfant? Trop? Pas assez? Trop proches? Trop loin? Trop différents? |
Johnny le cowboy, par Claudette |
Page 231 |
La mort de personnes chères peut nous faire perdre pied. Comment remonter en selle? |
Guimauve sauve Noël, par Claudette |
Page 235 |
Le temps des Fêtes est-il devenu un casse-tête à organiser avec les différentes familles? |
À vous tous, donc, qui êtes soucieux du mieux-être des enfants
Ces contes s’adressent à vous, parents, mais également à vous tous qui côtoyez ces enfants et êtes attentifs à leur bonheur. Que vous soyez des grands-parents, des parrains, des marraines, des gardiens, des voisins ou des amis bienveillants, vous pourrez puiser dans ces contes des pistes de réflexion et d’échange pour aborder avec les jeunes des sujets de préoccupation rattachés à leur vécu personnel ou familial. Cette nouvelle édition offre d’ailleurs des versions de contes adaptées à un jeune public et enrichies de petits dessins suscitant l’attention. Bien que le conte et les pistes de réflexion qui s’y rattachent s’adressent d’abord aux adultes, ces versions pour les petits ont été ajoutées à la demande de parents et d’autres adultes pour faciliter l’échange. Le volet didactique intitulé Pistes d’échange avec les JEUNES offre quelques balises pour entamer ou poursuivre le dialogue avec les enfants après la lecture du conte.
Nous avons aussi pensé à vous, professeurs, animateurs, entraîneurs sportifs, éducateurs dans les services de garde, les centres de jeunes ou les organismes communautaires, étant donné le contact privilégié que vous avez avec les enfants. Nous croyons que les intervenants qui œuvrent auprès des parents (personnel médical, médiateurs familiaux, travailleurs sociaux, psychologues ou thérapeutes) pourront faire référence aux thématiques abordées et s’en inspirer pour aider leurs clients ou encore recommander la lecture de certains contes.
La consultation des contes par thèmes permet de choisir ceux qui s’appliquent le mieux aux situations qui vous préoccupent et qui vous semblent affecter davantage le développement et le bonheur de l’enfant. Idéalement, lorsqu’on entreprend cette démarche de lecture auprès du jeune, il serait intéressant que les parents lisent eux aussi les contes sélectionnés afin d’être en mesure d’amorcer une réflexion personnelle et d’inviter ensuite le jeune à la discussion.
Les «pistes d’échange» se veulent de simples suggestions pour aller à la rencontre du jeune et de son vécu. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il ne s’agit pas uniquement de faire parler l’enfant, mais surtout de l’écouter et de communiquer. Le fait de mettre des mots sur les émotions permet par ailleurs de normaliser, de dédramatiser ou de déculpabiliser. C’est une occasion privilégiée d’apporter un soutien et de renseigner le jeune, voire, de temps à autre, d’ajuster des perceptions ou des interprétations erronées. Une attitude chaleureuse, sans jugement, favorise l’ouverture d’esprit sans forcer le rapprochement ou les confidences. Dans ce lieu d’intimité et de partage, vous aurez peut-être envie d’explorer davantage avec l’enfant un volet ou l’autre du thème choisi en y intégrant des activités ludiques. Plusieurs moyens peuvent s’y prêter, qu’il s’agisse de changer l’histoire, d’imaginer une suite, d’inverser les rôles, de dessiner le conte, de mimer ou de jouer certains personnages, de parler des émotions, d’exprimer des demandes, etc.
Nous espérons que ces contes seront un plus dans votre boîte à outils d’aidant(e), qu’ils prendront vos couleurs, qu’ils s’enrichiront de votre créativité, et surtout qu’ils serviront aux enfants.
Kourageof et les sept fantômes
À l’intersection des rues Ombre et Vampire, des arbres centenaires surveillent une vieille demeure recouverte de planches de bois d’un gris cendré. Des araignées accrochent à tous ses recoins leur dentelle ajourée. Cette maison est restée inhabitée pendant plusieurs années et les enfants du comté ont imaginé des centaines d’histoires effrayantes à son sujet. Peut-être n’avaient-ils pas tort?
Personne n’osait plus s’approcher de la demeure hantée jusqu’au jour où le professeur Kourageof décida d’en devenir le propriétaire et d’aller à la rencontre des esprits maléfiques qui y séjournaient peut-être. Il avait de grands projets pour rénover et rajeunir la maison empoussiérée, mais Kourageof n’eut pas le temps de mettre ses plans à exécution. Dès sa première nuit sous le toit lugubre, son caractère changea catégoriquement. D’ordinaire jovial et attentionné, le professeur est devenu maussade et terriblement préoccupé. Les yeux rougis, le front plissé en permanence, il marchait la tête baissée comme si ses chaussures étaient sur le point de lui révéler un secret.
Les élèves adoraient Kourageof, seul professeur du comté. Ils étaient tous attristés de constater que son humeur virevoltait maintenant comme une feuille au vent. Ils essayèrent de lui en parler, mais ce dernier n’admettait pas qu’il avait changé. Il clamait haut et fort qu’il n’avait besoin d’aucune aide, ce qui fermait la porte à toute discussion. Toutefois, les enfants remarquèrent que, chez Kourageof, les jours de la semaine se coloraient d’émotions différentes. Le professeur devenait comme une marionnette actionnée au gré de ses humeurs.
Le lundi, il était envahi par une colère monstre. Il disputait les écoliers sans raison et sans arrêt. Il lui arrivait même de crier et de briser sa règle en la frappant contre un pupitre.
La culpabilité au cœur, Kourageof passait le mardi caché derrière mille excuses. Sa crainte d’être tenu responsable le paralysait. Il était incapable de prendre une décision ou une initiative, ce qui désolait ses élèves.
Tous les mercredis, le cœur du professeur était déchiré par la haine. Son désir de vengeance envers tout un chacun était si grand et aveugle que ses élèves se méfiaient constamment de lui.
Le jeudi, la jalousie du professeur prenait toute la place. Il désirait s’approprier tout ce qui l’entourait. Il enviait les autres et avait une crainte maladive de tout perdre, même sa place à l’école et celle qu’il occupait dans le cœur de ses élèves.
Le vendredi, Kourageof manifestait des attentes excessives envers ses étudiants et se montrait incapable de fonctionner sans eux. Sa dépendance était totale et les enfants devaient le traîner comme un boulet.
Le samedi, Kourageof devenait inconsolable et tout était prétexte à verser des larmes. En le voyant se traîner lamentablement les pieds dans la rue principale, les élèves avaient l’impression qu’il était profondément déprimé.
Pour ce qui est du dimanche, c’était pire encore! Un de ses étudiants avait osé l’espionner derrière une fenêtre de sa demeure. Le visage de Kourageof, déformé par l’angoisse, avait découragé l’enfant de faire preuve de plus d’audace. Le maître passait toute la journée seul, prisonnier de son mal de vivre.
Un bon matin, à la recherche d’une solution, les étudiants convoquèrent une réunion. Afin de résoudre le mystère, ils décidèrent d’aller consulter le sage de la montagne. Après avoir marché dans des sentiers accidentés, puis grimpé des heures durant, ils arrivèrent devant une maisonnette, à flanc de montagne. La petite maison surplombait la vallée. Elle était modeste, recouverte d’un toit de chaume et ornée d’un balcon où trônait une chaise berçante. Cet observatoire de choix était le refuge du sage depuis bientôt cent ans. La vallée n’avait plus de secret pour lui.
Le sage écouta attentivement le récit des élèves et répondit:
–Je vois que vous êtes réellement préoccupés du bien-être de votre professeur. Je vais tenter de dissiper pour vous le mystère de la maison aux sept fantômes. La nuit, les fantômes rôdent autour du propriétaire et ils envahissent son inconscient toute la journée. Afin de rompre ce sortilège, vous devez réveiller votre professeur et l’inciter à faire face aux fantômes. Kourageof pourra alors cesser de nier les sept sentiments qu’ils représentent. En les reconnaissant, il pourrait s’en faire des alliés.
Tirant une bouffée de sa pipe, le sage regarda les enfants s’éloigner.
Cette nuit-là, remplis d’espoir et de détermination, les jeunes se présentèrent devant la maison hantée. Ils lancèrent une brique dans une fenêtre, ce qui réveilla le professeur. Celui-ci se retrouva nez à nez avec Volcan, le fantôme de la colère. Phosphorescent et déformé par des crises à répétition, Volcan suscite deux types de réactions. Plusieurs en ont très peur et l’enferment au plus profond d’eux-mêmes, à l’abri des regards. D’autres le voient se présenter dès la moindre frustration. Volcan mit des heures à convaincre le professeur que la colère n’était pas si effrayante, et ce dernier passa un agréable lundi avec ses élèves.
La nuit suivante, le professeur rencontra Mea-Culpa, le fantôme de la culpabilité. Avec son sourire malicieux, celui-ci prend plaisir à rendre nos malheurs encore plus atroces. En plus, nous y serions pour quelque chose! Convaincant, il se faufile dans toutes les fissures, semant instantanément le doute au cœur. Perplexe, Kourageof écouta Mea-Culpa. Comment un seul sentiment pouvait-il avoir autant de force? Le professeur dut se rendre à l’évidence en se rappelant son inconfort des derniers mardis.
Le mercredi, le rendez-vous nocturne fut très pénible car le professeur ne désirait pas faire la connaissance de Venin, le fantôme de la haine. Toujours bien dissimulé, Venin observe les moindres faits et gestes de ceux qui se placent sur son chemin. Il se prépare à contre-attaquer et ses lancées acerbes sont surprenantes et cruelles. Kourageof comprit que lui-même, dans certaines circonstances, pouvait éprouver de la haine et que la vengeance n’améliorait en rien la situation.
Envieux, le fantôme de la jalousie fit son entrée jeudi. Préoccupé du bonheur et des succès des autres, il a le don de faire miroiter ce dont il est privé. Avec acharnement, il collectionne les désirs frustrés. Kourageof essaya de restreindre les ambitions d’Envieux, prétextant que ce dernier était responsable de bien des problèmes qui empoisonnent les relations humaines. Mais Envieux eut le dernier mot. Il répliqua que chacun était libre de laisser la jalousie s’infiltrer en soi et contaminer les rapports avec les autres. Kourageof comprit qu’il fallait rester vigilant et empêcher la jalousie de croître au point que la situation devienne irréparable.
Les yeux cernés et le teint pâle, Kourageof entama une longue conversation avec Désillusion, le fantôme de la dépendance. Ce dernier est un véritable caméléon pouvant se camoufler tantôt dans une boîte de médicaments, tantôt dans une bouteille d’alcool. Comédien habile, il se présente aussi bien sous les traits d’un amoureux que sous les attraits d’un ordinateur. En se remémorant ses vendredis des dernières semaines. Kourageof se rendit compte à quel point il était facile de s’accrocher aux autres ou aux choses pour combler un vide ou se sécuriser. En repensant aux réactions de ses élèves, il comprit qu’il en serait venu à les épuiser. Aspirer à un peu d’indépendance et à un meilleur équilibre personnel serait certainement préférable.
Lorsque le samedi arriva, Kourageof rencontra Cafard, le fantôme de la tristesse. Grisâtre, effiloché et dégageant une odeur âcre de poussière, celui-ci rampe sur le sol. Il surprend parfois les gens au détour de quelque pièce et les fait trébucher. Kourageof apprit qu’il avait le droit de tomber. Même très déprimé, il pourrait toujours surmonter les difficultés. Il est faux de croire que la peine est un abîme sans fond.
Le dimanche venu, Kourageof sortit la tête des couvertures à la recherche de Tourment, le fantôme de l’angoisse. Le professeur eut beaucoup de difficulté à le trouver. Il s’était glissé dans le coin le plus sombre et le plus reculé de la maison. Kourageof crut même, pendant quelques instants, qu’il était insaisissable. Le professeur constata qu’il était difficile d’identifier et de reconnaître l’angoisse. Il avait l’impression que Tourment transportait un intense mal de l’âme. Sincèrement, il aurait bien voulu oublier son expérience difficile des derniers dimanches, alors qu’il ruminait ses malheurs dans une solitude accablante. Mais en connaissant mieux l’angoisse et ses effets, il pourra dorénavant cerner plus rapidement sa présence, en parler et réduire l’inconfort qu’il ressent.
À la suite de ses rencontres nocturnes, l’enseignant retrouva son sourire et invita ses élèves à déjeuner afin de les remercier. Les enfants furent très surpris de constater que Kourageof n’était pas seul. En effet, ses nouveaux alliés frémissaient de plaisir en les accueillant.
Le professeur enseigna à ses élèves qu’il n’y avait ni bons ni mauvais sentiments, mais une variété d’émotions qui aident à découvrir tous les aspects de la vie. Après un repas copieux et animé, ils commencèrent les travaux de rénovation. Inutile de le dire: ensemble ils formaient une merveilleuse équipe.
Thèmes
Amitié, expression des émotions, mécanismes de défense, négation/conscience des sentiments (colère, culpabilité, tristesse/dépression, dépendance, jalousie), sagesse, temps.
Pistes de réflexion pour les ADULTES
•Quels sont mes fantômes non apprivoisés, mes zones d’ombre, les émotions que j’ai le plus de difficulté à gérer?
•Est-ce que je permets à mon enfant d’exprimer sa peine? sa colère? sa jalousie?
Pistes d’échange avec les JEUNES
•À quel moment de ta vie te sens-tu peiné(e)? en colère?
•Qu’est-il plus facile pour toi d’exprimer: ta peine ou ta colère? Comment le fais-tu?
•Y a-t-il quelqu’un près de toi à qui tu peux parler librement de ce que tu vis?
La ballerine
Angélique, la vaillante ballerine, s’entraîne sans répit. Ses petits pieds meurtris sont tout recroquevillés dans ses chaussures à pointes, et son gros orteil est devenu gris. Jamais une plainte, jamais une expression de douleur. Angélique se concentre pour camoufler sa souffrance. Après tant d’efforts, son visage est devenu figé et inexpressif, et aucun sourire ne réussit à s’y accrocher.
C’est difficile de ne pas pleurer, presque autant que de ne pas sourire; pourtant, les larmes et le rire font tant de bien au cœur.
Le gobelet, le tonneau et la source
La boutique du tonnelier surplombe la ruelle des artisans. On la dirait jaillie du passé, avec son toit de tuiles rouille et ses fenêtres biseautées. À longueur de jour, Auguste s’y affaire dans des nuages de poussière de bois et d’éclats métalliques. Que de clients ravis il a vus sortir de sa boutique en emportant des tonneaux de différentes tailles! L’artisan maîtrise aussi bien les formes que les dimensions. De plus, il diversifie sa production selon les besoins de sa clientèle; il fabrique des gourdes de tout format et aussi de tout petits gobelets à peine plus grands qu’un dé à coudre.
Le village d’Auguste est situé dans une région torride où l’eau est l’un des biens les plus précieux, car elle est aussi vitale que l’amour. Difficile à trouver, elle est d’autant plus convoitée. Vous comprendrez donc que tous les villageois se doivent de posséder les récipients nécessaires pour recueillir et conserver cette denrée rare. Auguste est très occupé et, toute la journée, un joyeux tintamarre retentit de son chantier. Il suit religieusement le rituel de fabrication et de distribution.
Voyons cela de plus près. Tiens! Voici justement un jeune garçon qui entre dans la tonnellerie. C’est sa première visite. Comme la tradition l’exige, elle coïncide avec son douzième anniversaire. Loïc se réjouit déjà du fait qu’il n’aura plus à emprunter le contenant de ses parents et espère secrètement qu’il saura, mieux qu’eux, satisfaire sa soif. Auguste vérifie d’abord dans son grand livre à tranche dorée de quelle famille est issu le jubilaire. Puis, il fait asseoir Loïc en retrait et se concentre sur la seconde tâche, la plus ardue. À l’aide de savants calculs et d’instruments bizarres, Auguste dessine alors dans son cahier le produit auquel il donnera bientôt corps. Loïc jette des regards curieux dans la direction de l’artisan tandis que celui-ci se met à l’œuvre. À sa grande surprise, le maître lui présente un minuscule gobelet orné d’un anneau! Auguste regarde s’éloigner l’adolescent, l’air intrigué, avec son cadeau en main. Pourtant, s’il ne s’est pas trompé dans ses calculs, Loïc devrait pouvoir profiter grandement de ce don.