Elle avait fait sa recherche comme elle le faisait toujours avant une entrevue, alors elle le connaissait. Trente-deux ans, diplômé de Stanford, voyageur aventurier, et milliardaire qui avait réussi plus ou moins par ses propres moyens et avait depuis longtemps cessé de compter les zéros. Excentrique également, mais il y en avait tant dans le monde des entreprises en développement. Peut-être même un peu plus qu’excentrique depuis la mort de sa femme. Mais ces rumeurs se limitaient à d’obscurs blogues dans le cyberespace, et il était impossible de les confirmer.
Non pas qu’elle se soit souciée des excentricités de l’homme dans le cadre de sa vie privée. Elle était ici parce que son entreprise l’avait recrutée au mit1 et le fait de travailler pour les Entreprises Knight, la société de capitaux à risque la plus innovatrice du monde, représenterait la réalisation d’un rêve.
Arrivée la veille de la côte est, elle s’attendait à rencontrer l’un des lieutenants de Dominic Knight au siège de l’entreprise à Santa Cruz, mais elle avait reçu, tôt le matin, de nouvelles directives par courrier électronique. Et c’est ainsi qu’elle se trouvait maintenant sur une tranquille rue résidentielle bordée d’arbres à Palo Alto.
Le chauffeur de taxi s’arrêta, puis fit un geste de la main.
— C’est là.
Elle regarda par la fenêtre, parcourant en esprit les souvenirs de son cours d’Art 101 et décida qu’il s’agissait d’une des rares demeures du tournant du siècle de Greene and Greene. La structure était entourée d’un magnifique aménagement paysager de style japonais d’un siècle plus tôt, précisément adapté au design de l’immeuble. C’était un endroit inhabituel pour une entrevue, mais on ne lui avait donné aucune explication à propos du changement de lieu. Toutefois, compte tenu de la possibilité de se voir offrir l’emploi de ses rêves, qui était-elle pour en remettre les raisons en question ?
Elle resta un moment sur le trottoir pendant que le taxi s’éloignait, observant le petit édifice en séquoia. Au cours de sa première année d’université, elle avait habité dans un village de montagne au Japon, dans une auberge-temple très semblable à cette demeure pendant ce qui n’aurait dû être qu’une longue fin de semaine, mais elle avait été tellement enchantée par son isolement paisible qu’elle y était demeurée une semaine. Étrange qu’une rue si proche d’un important quartier métropolitain soit si tranquille ; elle regarda autour d’elle, ne sachant trop pendant un moment si elle rêvait tellement ses souvenirs étaient intenses.
Puis, une tondeuse à pelouse démarra quelque part derrière elle. Elle sortit de sa rêverie et se mit à marcher d’un pas léger vers l’entrée du 630, Indigo Way.
On avait installé au centre du hall d’entrée un bureau de réception. Une secrétaire qui était en train de lire déposa son livre et leva les yeux. Il aurait pu s’agir d’une adolescente prenant une journée de congé scolaire : queue de cheval, jeans, t-shirt court et tongs. Elle ressemblait étonnamment aux photos de Dominic Knight bien que, d’après sa biographie, il n’avait pas d’enfant.
Intéressant.
La jeune fille sourit.
— Vous devez être la personne avec qui Dominic a rendez-vous à 16 h. Il n’est pas encore arrivé, mais il m’a dit de vous faire entrer.
Elle pointa un doigt dans la direction générale d’un corridor et retourna à son livre.
« Dominic plutôt que M. Knight. Encore plus intéressant », pensa-t-elle.
Comme si cela avait de l’importance, se rappela-t-elle, puis elle s’éclaircit la gorge pour capter l’attention de la fille.
— En fait, j’ai rendez-vous avec Max Roche. Je m’appelle Katherine Hart.
Kate demeura immobile pendant un moment, quelque peu mal à l’aise pendant que la fille terminait apparemment sa phrase avant de lever les yeux de nouveau.
— Je pense que c’est Dominic que vous allez rencontrer. Laissez-moi vérifier.
Elle glissa un crayon dans le livre en guise de signet, puis cliqua sur une souris d’ordinateur. L’écran d’un moniteur aux lignes pures s’éclaira et elle le parcourut brièvement des yeux.
— Non, pas Max. Dominic, fit-elle avant de pointer de nouveau un doigt. Le long du corridor, dernière porte. Je suis censée vous demander si vous désirez un café.
Puis, elle sourit et reprit sa lecture.
Il n’était pas nécessaire d’être télépathe pour savoir que le café n’était pas une option, alors Kate suivit le chemin désigné. Le corridor était éclairé par des fenêtres à claire-voie, la splendide lumière illuminant une galerie de photos représentant des voiliers ; certaines grandes, d’autres plus petites, toutes représentant de magnifiques voiliers de course en pleine action, voiles gonflées, filant dans le vent. Elle s’arrêta un moment et se pencha vers une photo de deux voiliers ensemble. Tous deux étaient complètement gréés, l’un gîtant tellement à tribord que les vagues effleuraient presque la rambarde. Et, penché à quelques centimètres au-dessus de l’eau, une main sur la rambarde, l’autre tirant un câble, ruisselant d’embruns, se trouvait le président et chef de la direction des Entreprises Knight, plus jeune, complètement trempé, un grand sourire exultant sur son beau visage.
— C’était une Coupe du monde au large de la Nouvelle-Zélande. Désolé de vous avoir fait attendre. C’était inévitable.
La voix riche et profonde s’était fait entendre près de son oreille. Se redressant brusquement, elle se retourna, bouche bée, en murmurant « merde », puis rougit. Dominic Knight se trouvait devant elle dans toute sa beauté sombre et sensuelle, tout près, son regard vif l’évaluant de la tête aux pieds d’une manière si nonchalante qu’elle aurait dû s’en trouver offusquée plutôt que d’éprouver un profond sentiment de plaisir. Elle faillit retenir son souffle, mais se rattrapa à temps parce qu’il aurait été extrêmement embarrassant et inutile de saliver devant Dominic Knight. Il se tapait des mannequins, de jeunes aristocrates et des prostituées de luxe. En faisant ses recherches sur sa vie personnelle, elle avait eu l’impression de lire Entertainment Weekly.
Dieu du ciel, il n’avait pas encore bougé. Mettait-il à l’épreuve son sens de l’espace privé ? Était-ce une sorte de test de pouvoir psychologique ? Si c’était le cas, il l’emportait haut la main parce que son grand corps puissant, élégant dans son costume marine à rayures fines, était beaucoup trop proche, à une distance beaucoup trop intime. Le cœur de Kate battait à toute allure, elle avait du mal à se concentrer, les synapses entre son cerveau et sa bouche avaient des ratés et, à moins qu’elle ne se reprenne en main, elle allait gâcher cette entrevue.
« Respire, expire. Maintenant, dis quelque chose de normal », se dit-elle.
— La… température… est géniale ici, balbutia-t-elle.
Merde.
Son petit sourire s’élargit.
« Espèce de salaud arrogant. »
Mais ayant finalement retrouvé son aplomb, elle n’exprima pas ses pensées.
Le regard amusé, comme si les femmes haletantes constituaient la norme dans sa vie, il dit calmement :
— Je suis d’accord. Votre vol s’est bien passé ?
Avant qu’elle puisse répondre, le téléphone de Dominic
sonna.
Il jeta un coup d’œil à l’écran lumineux, fronça les sourcils et grogna :
— Entrez. Je dois prendre cet appel.
Troublée par sa réaction devant un homme qui était encore plus sexy en personne qu’en photo, se sentant davantage comme une admiratrice de 13 ans devant Justin Bieber qu’une diplômée avec honneur du mit, elle sermonna l’adolescente dérangeante en elle tandis qu’elle marchait vers le bureau.
« Sérieusement. Qu’est-ce qui se passe ? Tu n’as jamais vu un bel homme, auparavant ? Reprends-toi ou, mieux encore, va-t’en », se réprimanda-t-elle.
La porte sculptée à la main au bout du corridor était légèrement entrouverte. Dominic Knight menait ses affaires d’une manière décontractée. C’était rassurant. Elle n’aimait pas tellement les règles et le protocole. Ouvrant la porte, elle pénétra dans une pièce au plafond bas présentant une vue si spectaculaire sur les jardins que toutes ses pensées à propos de sa rencontre embarrassante avec le pdg des Entreprises Knight s’évanouirent.
Elle laissa tomber son grand sac à bandoulière entoile sur une chaise, marcha jusqu’à l’immense fenêtre la plus proche et parcourut des yeux les jardins qui lui rappelaient certains jardins royaux qu’elle avait vus au Japon : du gravier soigneusement raclé formant des motifs traditionnels en forme de vagues ; une grande carpe au corps irisé visible dans l’eau limpide d’un étang voisin ; des rochers disposés avec art ; des ifs et des pins âgés, parfaitement taillés. Un petit pont à arches d’un rouge brillant attirait le regard au loin. Le jardin était une œuvre d’art de qualité muséale, minutieusement entretenu. Dominic Knight savait reconnaître la beauté.
— Je vais personnellement te clouer au mur, si tu me baises là-dessus ! Tu ne me dis pas non ! Personne ne me dit non ! Maintenant, fais ton foutu boulot !
Elle tressaillit en entendant la fureur dans la voix de Dominic Knight. Chaque mot était implacable, chargé de rage, le ton lui rappelant de manière inattendue des souvenirs depuis longtemps réprimés. Bon Dieu, elle n’avait plus pensé à tout cela depuis des années. Son estomac se noua comme il l’avait fait quand elle était enfant et elle sut : ce boulot n’allait pas fonctionner. Les gens qui s’emportaient étaient mauvais pour son karma.
Il y avait un tas d’autres entreprises qui lui faisaient la cour. Elle n’avait qu’à choisir. Reprenant sa bourse sur la chaise, elle avait presque atteint la porte quand il entra.
— Pardonnez-moi encore une fois. Il semble que je n’arrête pas de vous faire des excuses avant même que nous nous soyons rencontrés.
Mais il était encore distrait. Il s’était arrêté, avait passé une main dans sa chevelure noire, le regard vague.
— Ça va, répondit-elle en accrochant son sac sur son épaule. Ça ne va pas marcher, de toute façon.
Il parut surpris. Puis, une seconde plus tard, il baissa les yeux sur elle, en la fixant.
— Sottises. Vous allez travailler à l’étranger. Je ne serai pas là. Tout devrait bien aller.
Au moins, il ne faisait pas semblant d’être déconcerté. Il paraissait savoir pourquoi elle avait des réserves à propos du fait d’accepter cet emploi, ou peut-être qu’il ne s’en souciait tout simplement pas.
— On m’a dit que vous étiez la meilleure, et c’est ce dont j’ai besoin.
— Nos besoins sont incompatibles.
Elle s’efforçait de garder une voix calme tandis qu’il se dressait devant elle, son charisme sexuel émettant pratiquement des vagues de chaleur, son air autoritaire intimidant — tous deux affectant gravement son rythme cardiaque.
— Dites-moi ce dont vous avez besoin, euh… je ne suis pas sûr qu’on m’ait dit votre nom.
— Ça n’a pas d’importance.
Il la regarda comme s’il lui avait poussé une autre tête, puis soupira.
— Écoutez, pourrions-nous revenir à la case départ ? Je m’appelle Dominic Knight. Vous êtes… ?
Il haussa les sourcils d’un air interrogateur, une touche d’humour dans le regard.
— Ce n’est pas drôle, M. Knight.
— Je pourrais appeler quelqu’un et obtenir votre nom.
— Dans quel but, je vous prie ? fit-elle en le regardant droit dans les yeux de son air le plus sévère.
— Vraiment, « je vous prie » ? dit-il en souriant. Jane Austen vous inspire ? fit-il d’une voix à peine audible, cette fois. Quant au but, répéta-t-il d’un ton légèrement moqueur, pourquoi pas à notre satisfaction mutuelle ?
Sa voix descendit d’un cran.
— Maintenant, dites-moi votre nom.
Son ton profond, doucereux, la fit fondre en un instant, émoustillant tout ce qui pouvait l’être en elle, encore. Wow. Qui eut cru qu’utiliser son vibrateur avant une entrevue deviendrait une nécessité ?
— Je suppose que vous avez un nom, insista-t-il tandis qu’un petit sourire se dessinait aux coins de sa bouche.
« Connard. »
Était-il en train de se moquer d’elle ? Ou est-ce qu’un président d’entreprise d’une beauté à faire saliver serait convaincu que chaque femme se pâmerait devant lui, s’il souriait ? Elle se pinça les lèvres.
— Si vous devez le savoir, je m’appelle Katherine Hart. Épelé H, A, R, T.
Son regard était froid, tout comme sa voix.
— Parfait. Merci.
— Mlle Hart, pour vous, ajouta-t-elle en jetant un coup d’œil vers la porte.
Il le remarqua, et l’ignora.
— Comme il vous plaira, Mlle Hart.
Il desserra sa cravate couleur miel, détacha son bouton de col.
— La journée a été longue, ajouta-t-il.
Il fit jouer les muscles de ses larges épaules avec une grâce digne d’un maître zen, expira lentement, visiblement détendu.
— J’ai dû écouter trop de gens bavards dans trop de réunions assommantes. Avez-vous déjà remarqué que ceux qui travaillent le moins se plaignent le plus et que ceux qui en savent le moins parlent le plus ?
Il soutint son regard, sourit presque.
— Maintenant que puis-je faire pour que vous changiez d’avis ?
Dieu du ciel, comment ce soudain calme profond pouvait-il être si sexy ? Ou peut-être le fait qu’il soit grand, sombre et beau l’ébranlait parce qu’elle était accro à l’adrénaline — une exigence essentielle dans son domaine de travail — et que le seul fait de regarder cette magnifique masculinité éveillait ses sens.
— Rien, vraiment, répondit-elle rapidement.
Elle avait besoin de partir, et ça ne relevait pas seulement d’un mauvais karma. Les hommes ne l’ébranlaient pas à ce point. Ou, en tout cas, ça ne s’était jamais produit.
— J’ai simplement changé d’idée.
Elle fit un pas à droite pour le contourner.
Il bougea sur la gauche pour la bloquer.
— Changez encore.
Il était comme un mur solide de machisme contre lequel elle butait. Elle essaya d’empêcher sa voix de trembler.
— Je ne peux pas… Désolée.
Il reconnut le petit trémolo dans sa voix, se demanda s’il devait répondre, puis décida de s’en abstenir.
— Disons les choses simplement, fit-il brusquement. J’ai besoin de vous à Amsterdam, alors ne refusez pas.
Bon Dieu, c’était soit intimidant, soit foutrement intimidant.
— S’il vous plaît, laissez-moi passer, croassa-t-elle.
— Dans une seconde, dit-il avec un bref sourire en ayant le sentiment que cette jeune femme difficile avait peut-être finalement saisi le message. Dites-moi ce qu’il faudra pour que vous acceptiez. Donnez-moi votre prix, si c’est là le problème. Max dit que vous êtes exceptionnellement douée même pour une jeune louve et j’ai besoin de vous à Amsterdam. C’est important.
— Pour vous.
— Oui. C’est justement ça. Vous ne pouvez pas dire que vous ne voulez pas travailler pour les Entreprises Knight. Tout le monde le veut.
— Pas tout le monde.
Petit réflexe d’étonnement encore. Il n’était vraiment pas habitué à la dissension.
— Écoutez, je suis désolé si j’ai dit quelque chose qui vous a offensée.
Toutefois, il n’y avait pas l’ombre d’une excuse dans son ton. En fait, il était de toute évidence agacé. Il passa rapidement une main sur son visage comme pour effacer le sentiment qu’il avait d’être trahi.
— La balle est dans votre camp, Mlle Hart.
— Et si je disais que je veux partir ?
Il garda le silence pendant si longtemps qu’elle éprouva un court moment de panique jusqu’à ce qu’elle se souvienne qu’ils étaient au XXIe siècle.
Son regard bleuté se fit glacial.
— Je vous fais peur ?
— Non.
Elle n’allait pas lui accorder cette satisfaction.
Il hocha légèrement la tête et sourit d’une manière impitoyablement désarmante.
— Bien. Alors, si vous voulez bien vous asseoir, dit-il en lui indiquant une chaise, nous pouvons discuter de mon problème, de vos aptitudes et de la façon dont nous pourrons collaborer.
Décidant que la possibilité de sortir par la force de son bureau était de mince à inexistante, elle s’assit.
— Vous n’acceptez vraiment jamais un refus, n’est-ce pas ?
— J’ai bien peur que non, répondit-il en se laissant tomber dans un grand fauteuil de cuir noir derrière son bureau. C’est assez courant pour un homme dans ma position.
Un argument pertinent, mais elle choisit de ne pas en tenir compte.
— Vous me placez dans une situation difficile en insistant.
— Au contraire, c’est vous qui me placez dans une situation difficile. Je vous offre un excellent boulot. Max a mentionné certains de nos problèmes dans ses courriels. Le marché noir s’infiltre dans quelques-unes de nos entreprises marginales. Il faut y mettre fin. De toute évidence, vous êtes intriguée, sinon vous ne seriez pas ici. Pourquoi ne pas accepter ?
— Conflit de personnalité. Je vous ai entendu dans le corridor.
— Peut-être que vous ne comprenez pas la structure organisationnelle de la compagnie, dit-il avec une exquise retenue. Je doute que nous nous revoyions de nouveau.
— Je ne suis pas d’accord. Je crois comprendre que la structure organisationnelle des entreprises Knight en est une de direction autoritaire. Vous mettez la main à la pâte. Vous exigez une obéissance absolue de la part de vos subordonnés.
Il se pinça les lèvres.
— Vous avez fait vos devoirs.
— Je les fais toujours. Et j’ai plusieurs autres offres d’emplois, M. Knight. Compte tenu du degré de corruption dans le monde entier, l’expertise comptable judiciaire est très recherchée.
Elle sourit, certaine de sa position prédominante dans son domaine de compétence tout au moins.
— Votre entreprise n’est pas la seule qui perde de l’argent au profit du marché noir.
Un sourire impudent illumina ses yeux, et Knight la regarda pour la première fois comme si elle était davantage qu’un simple obstacle sur sa route. Elle ignorait comment s’habiller, mais de toute façon les vêtements des jeunes dans le domaine des technologies de l’information n’étaient ni de haute couture ni colorés. Les tons neutres allaient de pair avec les fonctions de leur cerveau gauche. Mais les cheveux de Kate formaient une profusion de boucles rousses et ses yeux étaient d’un vert intense. Étrange choix de mots. D’un vert lumineux, se corrigea-t-il. Et sous son blouson et son pantalon d’un vert kaki terne, il pouvait percevoir des indices d’un corps mince et souple qui convenait bien à la beauté innocente de ses grands yeux.
Son regard descendit très légèrement.
Hmmm. Il n’y avait pas songé auparavant parce qu’il était trop occupé à lui faire partager son point de vue. Une tâche plutôt difficile avec Mlle Hart. Elle n’était ni docile ni obligeante.
Une pensée qui ne le laissait pas indifférent.
Mais il était d’abord un homme d’affaires. Il y aurait suffisamment de temps pour d’autres choses quand Mlle Hart aurait fait son travail. Depuis qu’il avait perdu Julia, les femmes lui étaient indifférentes pour quoi que ce soit d’autre que le sexe et cela, il pouvait en trouver partout. La fonction sexuelle de Mlle Hart était sans importance.
Ce qui l’était se trouvait à Bucarest et, d’après Max, Mlle Hart représentait la solution à leur problème.
— Nous pourrions trouver un compromis, dit-il, résolu comme toujours à l’emporter. Vous pourriez vous joindre à nous en tant que contractuelle. Quand vous aurez fini ce travail à Amsterdam, vous pourrez partir. Vous avez obtenu votre diplôme en décembre et la plupart des grandes firmes ne commenceront pas à embaucher avant encore quelques semaines. Vous seriez encore dans la partie.
— Je devrais refuser mes offres actuelles.
— Je serais heureux de faire quelques appels et obtenir quelques brefs délais pour vous. Je connais tout le monde dans ce domaine.
« Personne ne me dit non », effectivement. Jusqu’à quel point voulait-elle faire enrager l’un des hommes les plus puissants du monde ?
— Vous êtes obstiné, fit-elle avec un sourire poli.
— C’est ce qu’on m’a dit. Vous avez une famille ?
Il préférait des employés peu attachés à une famille. Ils étaient plus susceptibles de travailler pendant les longues heures qu’on exigeait d’eux.
— Vous ne pouvez pas demander ça, répondit-elle platement.
— Allez-vous me poursuivre ? demanda-t-il en affichant un sourire moqueur.
— Ce ne sera pas nécessaire si je ne travaille pas pour vous.
— Vous pouvez être une vraie garce, dit-il en serrant les dents. Poursuivez-moi pour ça aussi, si vous le voulez. Maintenant, pourrions-nous arrêter ce jeu ? Je ne vous poserai aucune question personnelle, sauf « allez-vous accepter mon offre d’emploi ? ».
S’appuyant contre le dossier de son fauteuil, il déboutonna son veston, tira ses manches de chemise, attendit sa réponse.
Elle ne put s’empêcher de remarquer son ventre plat sous sa chemise blanche faite sur mesure. Et le fait qu’il ne portait pas de boutons de manchettes. Ça lui plaisait. Elle avait toujours considéré les boutons de manchettes comme des objets prétentieux.
« Ce n’est qu’une observation, fit innocemment une petite voix dans sa tête. Personne n’essaie de te persuader de quoi que ce soit. »
— Quoi ? demanda-t-il en plissant les yeux.
— Rien.
Puis, Kate indiqua l’extrémité de ses manches.
— Vous ne portez pas de boutons de manchettes. Est-ce autorisé quand on est pdg ?
Il haussa les épaules, lui jeta un regard bleu impassible.
— Tout est permis, en ce qui me concerne. Mon entreprise est privée.
Kate se raidit. Au moment où elle ouvrait la bouche pour parler, il l’arrêta en leva un doigt, prit son téléphone et appuya sur un bouton.
— J’appelle Max. Il doit s’envoler à 19 h. Il vous donnera tous les détails en route, tout comme Werner à notre bureau d’Amsterdam. Maintenant, de la manière la plus gentille possible, j’aimerais vous inviter à travailler pour nous. Seulement sur cette mission à Amsterdam. Oui ou non, Mlle Hart ? J’en ai assez de tourner autour du pot. Une minute, Max.
Il soutint son regard.
— Vous voulez tout régenter, grommela-t-elle.
— C’est un oui ?
Silence.
— Deux semaines, un mois, c’est tout. L’argent n’a pas d’importance. Allez, maintenant, acceptez.
Il sourit d’un air qu’il savait charmant.Pourquoi avait-elle l’impression que son sourire lui offrait le monde entier et ses plaisirs ?
« Une idée complètement folle, de toute évidence », pensa-t-elle.
— Très bien, dit-il doucement dans le silence qui s’étirait, son regard bleu sévère. Accordez-moi deux semaines de votre temps. Je n’en demanderai pas plus.
Une pause, une dernière petite grimace, un hochement de tête à peine perceptible.
Son sourire immédiat aurait pu faire fondre en moins d’une minute la calotte glaciaire tout entière.
— Bienvenue à bord, Mlle Hart. J’ai hâte de travailler avec vous.
Il lui lança un petit sourire.
— À distance, bien sûr.
Il était beaucoup trop doucereux, beaucoup trop beau et beaucoup trop habitué à obtenir ce qu’il voulait mais, au fond d’elle-même, de manière irrationnelle, elle voulait ce travail plus que tout. Et elle était trop perspicace pour se laisser envoûter par lui. Il n’était jamais sage de baiser le pdg.
Comme si ça pouvait arriver, de toute façon.
De plus, le mot « bondage » était apparu sur un des blogues les plus troubles en Europe. Se pouvait-il que ce soit vrai en ce qui concernait un homme aussi riche et puissant ?
Tout était possible.
1. N.d.T.: Massachusetts Institute of Technology.