I n t r o d u c t i o n
Couple et
divorce
Les dernières statistiques sont alarmantes : les études prévoient que 67 % des couples mariés après 1990 divorceront. C’est beaucoup plus que les 50 % des années 60-90 et sans commune mesure avec le 10 % du début du siècle. De plus, ces divorces surviennent de plus en plus tôt après la cérémonie du mariage : si, en 1975, la septième année constituait l’année charnière des couples, c’est, aujourd’hui, les 4e et 5e années qui deviennent le difficile cap à franchir. Ensuite, le taux de divorce diminue, sauf après le départ des enfants où nous observons une recrudescence des séparations pour les parents qui voulaient éviter à leurs enfants les affres de leur divorce.
Toutefois, en analysant plus en profondeur ces statistiques, on observe un phénomène intéressant : de moins en moins de couples acceptent de vivre le pire une fois que le meilleur est passé. Ce sont donc les couples qui, auparavant, se seraient résignés et livré une guerre froide pendant 30, 40 ou 50 ans qui viennent augmenter les statistiques sur le divorce.
Cette augmentation significative du taux de divorce a coïncidé avec l’avènement de la pilule, laquelle a permis une plus grande liberté sexuelle tant aux hommes qu’aux femmes. Cette augmentation est aussi directement reliée à l’émancipation féminine et à l’autonomie financière de plus en plus grande des femmes. Quoique nous ne possédions pas de statistiques sur le sexe de celui ou celle qui demande le divorce, il semblerait que ce soit les femmes qui, refusant de vivre une relation insatisfaisante comme l’auraient probablement fait leurs grand-mères, prennent l’initiative de mettre fin à cette relation. Le taux de divorce reste très faible dans les pays où les hommes ont encore la main-mise sur le couple, où la femme demeure dépendante financièrement de son mari et où seuls les hommes ont le droit de répudier leur femme.
Pourtant, si les couples divorcent, ce n’est pas faute d’amour des partenaires. J’ai maintes et maintes fois reçu des couples en thérapie conjugale qui essayaient jusqu’à la dernière minute de sauver leur union. Ces hommes et ces femmes que j’ai accompagnés dans ces moments difficiles étaient viscéralement partagés entre l’amour et la haine de leur partenaire : ils aimaient encore l’autre, mais ne pouvaient plus vivre avec cet autre devenu si différent avec les années. Ils auraient voulu continuer d’aimer l’autre, mais l’accumulation des frustrations avait creusé un fossé d’incompréhension insurmontable et dépassé leur capacité à rallumer la flamme ayant déjà existé entre eux. Non, ce n’est pas faute d’amour, car l’absence d’amour se traduit par de l’indifférence et non par les luttes acharnées que se livrent souvent, lors du divorce, les ex-amants au sujet des enfants et du partage du patrimoine ; ces luttes signifient qu’un lien d’amour, quoique frustré, subsiste encore.
La bonne volonté ne peut pas non plus être mise en doute. Même si l’un et l’autre s’accusent mutuellement de mauvaise foi et de « faire exprès » pour ne pas satisfaire les besoins de l’autre, pour amorcer des disputes ou pour ne pas comprendre, je sens souvent que l’un et l’autre sont foncièrement convaincus de faire ce qu’ils croient devoir faire pour que le couple fonctionne. Les hommes ont toujours cru, et croient encore, que leur implication dans le couple se limite au sexe et à l’amélioration du domaine matériel ; les femmes, quant à elles, croient que la communication et l’affection peuvent tout arranger. Les deux s’impliquent à fond dans le couple en fonction des priorités propres à leur identité sexuelle.
Pour devenir psychologue et sexologue, j’ai dû suivre cinq années d’études universitaires et des centaines d’heures de formation et de supervision post-universitaires. Pour devenir professeur et conférencier, j’ai suivi une formation et des stages en pédagogie pendant une autre année. Pour apprendre à vivre à deux, je n’ai eu que mes parents comme exemple qui, eux, avaient pris exemple sur mes grands-parents. Pour apprendre à faire l’amour, j’ai été laissé à moi-même, à mon inexpérience et à celle de ma première partenaire. Pour être père, là aussi, j’ai été laissé à moi-même, quoique mes études en psychologie ont certainement dû m’aider.
Aviez-vous remarqué que nous sommes seuls pour apprendre les choses les plus importantes de la vie : l’amour, la relation homme-femme, la communication, être père ou mère, la relation sexuelle… Comment se surprendre alors du taux élevé de divorces et de la violence conjugale et familiale ; comment se surprendre du nombre de décrocheurs scolaires, d’alcooliques, de délinquants sexuels, de drogués, de suicides…
Grâce à l’avènement de la technologie moderne, grâce au mouvement d’émancipation féminine, grâce à un meilleur contrôle des conséquences de la sexualité, grâce à l’autonomie financière des femmes, grâce à la diminution des heures de travail1, grâce à bien d’autres choses…, les hommes et les femmes passent maintenant beaucoup plus de temps ensemble. Et ce temps passé ensemble démontre de plus en plus que l’homme et la femme ne sont pas faits pour vivre ensemble… longtemps.
Les études sur la psychologie différentielle des sexes démontrent que la femme met davantage l’accent sur la relation interpersonnelle et la dimension émotive de sa vie alors que l’homme donne la priorité à l’action et à la dimension physique de son être. Cela se manifeste, entre autres, dans le fait que la femme veut faire la paix avant de faire l’amour alors que l’homme propose de faire l’amour pour faire la paix. L’action physique permet à l’homme de se libérer de ses tensions et émotions ; la femme le fait par l’expression verbale. Le jour et la nuit, quoi !
Les études neurologiques révèlent aussi que le fonctionnement du cerveau est fortement influencé par le sexe. Alors que celui de la femme fonctionne comme un radar, ce qui lui permet d’avoir une vue d’ensemble, celui de l’homme fonctionne plus comme un microscope ou un téléscope, ce qui lui permet une concentration plus facile et plus approfondie sur un sujet particulier. Les femmes interprètent cette capacité comme un désir de l’homme d’avoir le dernier mot ; l’homme interprète la capacité féminine de voir plusieurs aspects d’une situation comme l’incapacité de se faire une idée.
Ces différences neurologiques et psychologiques, ajoutées aux différences hormonales et aux valeurs culturelles, nous permettent de plus en plus de comprendre et d’expliquer les différences minimes, soit, mais tellement significatives, qui sont à la base du dilemme de la vie à deux : nous sommes trop différents pour nous comprendre, mais… nous ne pouvons nous passer l’un de l’autre. L’autre nous est nécessaire pour la satifaction de plusieurs de nos besoins.
La femme parle en chinois, l’homme parle en japonais ; les deux croient parler le même langage et les deux cherchent à prouver à l’autre qu’il est préférable de parler et d’agir comme une Chinoise ou comme un Japonais. Vu de l’extérieur, nous avons aussi l’impression que les deux parlent le même langage parce qu’ils utilisent les même mots. Mais rien n’est plus faux. Savoir parler et communiquer en chinois et en japonais, comprendre les subtilités des deux langues et les accepter ne peut qu’enrichir le couple et lui permettre de travailler en complémentarité et en collaboration plutôt qu’en compétition. Les psychologues ont raison de dire que la communication est nécessaire pour se comprendre dans un couple ; encore faut-il parler le même langage et donner la même signification aux mêmes mots.
Lors de mes conférences sur le couple, je demande souvent aux personnes présentes de me dire le premier mot qui leur vient à l’esprit en pensant au mot Amour. Les deux mots les plus souvent cités par les femmes sont affection et intensité ; les deux mots les plus souvent cités par les hommes sont sexe et paix. Le verbe aimer ne se conjugue pas de la même façon dépendant du sexe de la personne qui aime : l’homme aime avec son corps et considère la relation sexuelle comme le « repos du guerrier » ; la femme aime avec son coeur et recherche la fusion intense de deux coeurs, avant celle des corps.
À mon avis, les principales causes du divorce résident dans le manque de connaissances des différences existant entre les hommes et les femmes, dans l’ignorance des dynamiques inhérentes à la vie de couple et dans la non-compréhension ou le refus de la manière de l’autre de s’investir dans le couple. Vous le savez par expérience, les disputes prennent leurs origines dans les petits détails, dans l’interprétation que l’un fait des paroles ou des comportements de l’autre. À partir de situations parfois insignifiantes, ce sont deux mondes étrangers l’un à l’autre qui entrent en collision.
Le but de mes propos est d’amener le couple à voir et à comprendre ces différences, à les percevoir uniquement comme telles et à cesser de les interpréter comme une baisse ou une absence d’amour ou, pire encore, de la mauvaise volonté ou une intention délibérée de faire mal à l’autre et de vouloir le contrôler.
Les vingt chapitres suivants veulent jeter un peu de lumière sur les modes féminin et masculin de voir et de vivre la vie à deux. Comprendre les dynamiques inconscientes qui se développent dans tous les couples vous permettra, je l’espère, de dédramatiser certaines situations conjugales inévitables. Je me répète, mais mon expérience personnelle et celle des centaines de couples que j’ai eu l’occasion de rencontrer me confirment que la principale cause de divorce et de mésentente conjugale réside dans l’ignorance, le refus ou le rejet des différences homme-femme.
Apprendre à jouer, s’amuser et utiliser nos différences pour augmenter notre plaisir d’être plus longtemps avec l’autre, tel est l’essentiel de mon message. Biologiquement, le couple existe pour assurer la survie de notre espèce et l’éducation de nos petits, mais psychologiquement le couple existe pour la satifaction des besoins affectifs et sexuels de chacun, aussi différents puissent-ils être.
Dans cette seconde édition de S’aimer longtemps, j’ai réorganisé la présentation des thèmes en trois parties afin d’améliorer l’enchaînement des chapitres. J’ai remplacé deux chapitres (Quelques mythes sexuels et Sexualité et massage) par trois nouveaux : Amour, Sexe et Nature, Les étapes de la vie amoureuse et L’infidélité. J’ai ajouté du texte à chacun des autres chapitres afin de mieux traduire ma pensée, tenir compte des récentes découvertes de la psychologie (conjugale et sexuelle) et répondre aux nombreux commentaires de plusieurs lecteurs et lectrices. J’ai apporté beaucoup de changements, j’ai coupé ou ajouté, mais j’ai conservé l’essentiel, à savoir qu’il est possible de vivre heureux ensemble si, en plus de l’amour et de la bonne volonté, on ajoute des connaissances à nos efforts de communication. J’ai aussi conservé les savoureuses réflexions à la fin de chaque chapitre.
Vous pouvez lire ce livre de multiples façons : de la première à la dernière page, en commençant par n’importe laquelle des trois parties ou par le chapitre qui vous intéresse le plus. Quoique reliés entre eux, chaque chapitre est complet en lui-même. Vous pouvez aussi utiliser ce livre comme livre de références et le lire à deux pour en discuter par la suite.