Rodney Saint-Éloi
Je suis la fille
du baobab brûlé
Je suis celle qui porte les fleurs à sa tombe
Je suis la fille de Satan
Je suis la fille de cette nuit ensorcelée
La fille de ma conscience
Mon ami c'est moi-même
Je suis plus ancienne que les gens
Je suis le vin de mes veines
Je suis celle qui porte les fleurs à sa tombe
Et elle pleure de la dureté du poème
Au dessus de ma vie se construisent les palais
Ils se complaisent dans mon sang
Et les anémones sont les sœurs du bien-être
De mon champ sont arrachés mes exils
Daed Haddad
Je suis la fille du baobab brûlé. Ceci n’est pas un poème. L’arbre cherche son visage. Je suis à la fois la fille, l’arbre et la route. J’accompagne celle qui offre à la nuit sa fable et ses entrailles. Je voudrais aller jusqu’au bout sans connaître le chemin. Je trébuche, dérive et délire. Qu’importe. Un oiseau bat le tambour dans ma tête, une sorcière parle par ma bouche, ou un amour chagrin me tourmente. Tempête je m’appelle tourbillon. Je ratisse les ombres. J’ai rendez-vous avec la première étoile qui tombe. Mon ventre accouche des histoires qui recommencent à l’infini. Il y a toujours une vie à faire ou à refaire. On ne sait rien de ce qui ronge ou exalte. Je scelle mon alliance avec l’exil et la folie. Je suis la fille du baobab brûlé. Pour recouvrer mon visage je dois confier mes secrets aux vents. Je ne connais ni l’appétit ni la prison de ce qu’on appelle vivre. Laissez-moi marcher à l’intérieur des songes. Je pleure pour me rappeler que j’existe et que j’aime. Je ris trop fort, parle jusqu’à épuisement touche les horizons avec la patience de la bergère et l’angoisse des marins. Je suis belle, flamboyante et insolente. J’ai dans une main le soleil et dans l’autre la terre. C’est ma manière de guetter l’éternité. J’ai des seins qui rient de la mort. Je suis la fille du baobab brûlé. Je quête parole d’aube. Je hurle. Je divague. Je swingue. N’écoutez pas cette voix multiple. C’est mon âme qui craque. Le poème ou ce qui reste de mon identité demeure une vérité empêchée. Consumée. Je suis la fille du baobab brûlé.
Je suis la fille du baobab brûlé
Ceci est mon nom d’aube
Je ne suis ni Marie ni Altagrâce
Je n’aime pas le destin des vierges
Ni leur visage gravé dans le bois de tilleul
Elle murmure de sa claire voix
Je suis la fille du baobab brûlé
J’ai rendez-vous avec le soleil
Le ciel bat les ténèbres
Les horizons sont fatigués
Le cœur pointe le jour
Dans la poussière d’or
Je ne suis pas morte
La mort m’atteindra au cœur gauche
Quand j’aurai donné au temps mon sang
Je ferme les yeux pour dormir
Je ferme les yeux pour pleurer
Je suis la fille du baobab
Qu’une étoile insoumise
A enfantée sur une terre d’épices
Je n’ai pas d’identité certifiée
Je ne suis pas l’étrangère
Je ne suis pas l’ennemie
Les pays me divisent en sept nations
Je ne sais rien de mon visage
Les miroirs ne se retournent pas sur mon passage
Elle jette son corps sur le sable blanc
Elle suit la gazelle qui lèche sa peau
Quatre directions l’horizon
Le cœur bat fragile
À chacun ses navires de papier
Ses ciels aux trompettes bleues
Et ses comptes en souffrance
Le temps des promesses d’amour
La grossesse des vents d’est
La détresse des mers frappées
Le suicide des abeilles au printemps
Les arbres s’effeuillent aux sept forêts
Des barques de légendes s’enflamment
Qui suis-je que je ne sais pas
Quelle coïncidence ce message d’erreur
Je dis je quand vient l’orage
Je dis je quand la mer est mauvaise
Je suis la fille du baobab brûlé
Je vends à crédit mes légendes