Table des matières
REMERCIEMENTS 5
PROLOGUE 6
PREMIÈRE PARTIE 7
CHAPITRE PREMIER 8
CHAPITRE DEUXIÈME 11
CHAPITRE TROISIÈME 14
CHAPITRE QUATRIÈME 20
CHAPITRE CINQUIÈME 22
DEUXIÈME PARTIE: 24
CHAPITRE PREMIER 25
CHAPITRE DEUXIÈME 30
CHAPITRE TROISIÈME 33
CHAPITRE QUATRIÈME 43
CHAPITRE CINQUIÈME 47
CHAPITRE SIXIÈME 49
TROISIÈME PARTIE: 50
CHAPITRE PREMIER 51
ÉPILOGUE 53
NOTES DE L’AUTEUR 57
L’Entretien
Shawn Foster
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Foster, Shawn, 1999-, auteur
L'entretien / Shawn Foster.
Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).
ISBN 978-2-924849-35-4 (couverture souple)
ISBN 978-2-924849-36-1 (EPUB)
ISBN 978-2-924849-37-8 (PDF)
I. Titre.
PS8611.O789E57 2018 C843'.6 C2018-941741-2
PS9611.O789E57 2018 C2018-941742-0
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.
Conception graphique de la couverture: Trahko, Shawn Foster et Jim Lego
Photo couvert arrière : Jim Lego
Direction littéraire: Marie-Louise Legault
© Shawn Foster, 2018
Dépôt légal – 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Imprimé et relié au Canada
1ere impression, septembre 2018
J’aimerais remercier des gens qui, à leur insu, m’ont inspiré certains aspects de ce récit.
Tout d’abord, merci à Tania; à la base, c’est votre prose et votre singulière éloquence qui ont influencé la façon dont Charles, mon protagoniste, s’exprime... je n’y ai ajouté qu’une petite touche personnelle! Par ailleurs, si je suis, aujourd’hui, philosophe, c’est grâce à vous! Je ne vous remercierai jamais assez de m’avoir initié à cette discipline… de m’avoir initié à la vie.
En deuxième lieu, merci à Gabriel; c’est ta prestigieuse carrière au sein d’un des plus grands cabinets d’avocats qui a inspiré le métier de Charles.
Encore une fois, je suis fier de pouvoir remercier Sabrina; en plus d’être à mes côtés, et ce, depuis la création de Local 013 (on en a fait du chemin!), tu m’as inspiré le personnage de la psychologue. Merci d’être ma muse!
Ensuite, je remercie Murielle; (Béni soit le fruit! Et que le Seigneur ouvre!) si ce n’était de tes commentaires constructifs relativement à mes écrits précédents, je ne crois pas que j’aurais su augmenter mon niveau d’écriture, de style et de création. Que la paix soit avec toi!
Finalement, je tiens à remercier Les Éditions La Plume D’or de m’avoir à nouveau donné la chance de partager mon art avec le reste du monde. Je suis choyé!
«Hélas! tout penseur semble avide D’épouvanter l’homme orphelin! Le savant dit: Le ciel est vide. Le prêtre dit: L’enfer est plein.»
Victor Hugo – Cæruleum Mare (1839)
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C’est dans mon bureau que je l’ai vue pour la première fois. Elle était là, derrière mon portable, tantôt assise sur ma chaise, tantôt debout à côté de ma bibliothèque. Pensant que j’hallucinais, j’essayai de la faire disparaître, mais mes tentatives demeurèrent vaines: la bête noire était perspicace. Elle me faisait voir des choses. Des choses que j’appréhendais. Des choses si biscornues, que je croyais être en train de devenir complètement cinglé. Cela me terrifiait. Ces épisodes, si je puis les appeler ainsi, se produisaient à tout moment de la journée et chaque nuit depuis une semaine, soit depuis le jour de mes trente ans. C’est une cause qui m’a alors été confiée qui, je crois, l’a réveillée.
Au début, je pensais que c’était mon métier d’avocat qui me faisait perdre la tête: toutes les heures travaillées et le stress engendré par celles-ci, mais ce n’était qu’une conjecture qui ne s’est pas avérée. En fait, c’est ce que docteure Lafrenière m’a révélé lorsque j’ai commencé à la consulter.
L’idée de rencontrer une psychologue n’était pas la mienne, mais celle de mon collègue, maître Renaud, qui s’inquiétait pour moi. C’est lui qui m’a suggéré de consulter cette dame, car outre être psychologue, elle était psychanalyste. Elle a réussi à faire ressurgir mon passé dans ma mémoire, un passé qui ne semblait guère m’appartenir. Un passé si abscons et mélancolique, que c’était la raison pour laquelle il avait, supposément, été chassé de mes souvenirs. Je n’en savais pas beaucoup, hormis une chose: qu’une horrible créature s’était indubitablement... réveillée, et que cette horrible créature viendrait me chercher, me prendre et me ramener au point de départ.
Laissé à moi-même, pris dans une sorte de dédale, à la recherche d’une sortie, j’étais. Cette sortie, je devais me dépêcher de la trouver, car je n’étais pas seul: la bête se tenait tout près. Il s’agissait donc de décaniller de ce labyrinthe avant qu’elle me trouve. C’était pour moi l’unique façon de survivre.
Or, ma psychologue me ressassait que le but de ces entretiens n’était pas de fuir la bête, mais bien de tenter de la dompter, de l’assujettir et de ne plus la laisser me tyranniser. Que d’inepties elle m’a racontées! Je l’ai prévenue... hélas, personne ne m’a cru. Ni elle ni personne. Mes dires frôlaient la folie et c’est ainsi que je me suis retrouvé ici, en train de vous parler, de vous narrer mon histoire.
Si vous me croyez fou, c’est que vous ne connaissez rien. Nul médicament et nulle thérapie ne peuvent me faire altérer les faits.
En m’écoutant, gardez un esprit ouvert, mettez de côté la rationalité, car ce que je vais vous raconter sort de la réalité. Et n’oubliez jamais… je ne suis pas fou.
Charles Ford
«Ni le réel n’est entièrement rationnel ni le rationnel tout à fait réel.»
Albert Camus – L’Homme révolté (1951)
Le commencement
«L’homme a besoin de ce qu’il y a de pire en lui s’il veut parvenir à ce qu’il a de meilleur.»
Friedrich Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra (1883)
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Comme lors de mes anniversaires antérieurs, j’ai passé la journée au bureau. Sauf qu’aujourd’hui, c’était un jour spécial: on venait de me faire un cadeau en me déléguant la cause d’un associé. Celle-ci consistait à assurer la défense d’un client accusé du meurtre au premier degré d’une jeune femme. «C’est chouette, on me confie enfin des causes moins triviales», songeai-je.
Jusque-là, je ne me doutais nullement de ce que ladite cause allait me faire ressentir et revivre.
«Pierre Lamoureux, accusé du meurtre prémédité de Nadia Parent. Cette dernière n’aurait pas voulu entretenir de relations sexuelles avec lui. Dans le passé, des plaintes pour agressions sexuelles avaient déjà été portées contre le prévenu, qui fut condamné quelques années. Ses victimes prétendent qu’il coifferait sa tête de cornes avant de passer à l’acte et qu’il se prendrait pour un animal», pouvais-je lire sur la note que mon supérieur avait laissée à mon intention.
Après avoir lu la moitié du dossier, un frisson fit son chemin le long de ma colonne vertébrale, mon cœur se mit à battre impétueusement et ma tête, à tourner. Je tremblais, j’avais froid, mes respirations s’écourtaient et ma vision s’embrouillait. «Respire, expire; respire, expire», me répétai-je dans ma tête.
Avec précaution, je me suis levé, histoire de faire circuler le sang dans mes veines, et, lentement, j’ai marché. Me sentant toujours terriblement mal, j’ai pris une bouteille d’eau à même le réfrigérateur de mon bureau, et c’est en retournant à ma chaise que je l’ai vue. Pris d’effroi, je laissai tomber ma bouteille, qui dégomma son contenu sur mes souliers, et reculai tranquillement. Pas de doute, j’avais retrouvé tous mes sens. Plus alerte que jamais, je percevais un danger. Je ne l’imaginais pas: une forme que seule une bête pouvait avoir se trouvait devant moi. Tentant néanmoins de me convaincre du contraire, je fermai les yeux trois secondes, et en les rouvrant, elle n’était plus là. Quel soulagement je ressentis. Mais ce ne fut que de courte durée, car en retournant à ma chaise, je me rendis compte qu’elle s’était déplacée devant ma bibliothèque. Ainsi, c’était réel. Je n’étais pas fou. Quelque chose se trouvait vraiment dans la pièce avec moi. Quelque chose, un «ça», car je n’aurais pu qualifier, par une quelconque épithète, ce dont il s’agissait. Mes symptômes reprirent: ma vision s’obscurcit, tout devint lourd et je m’écrasai sur mon bureau.
***
– Charles… Charles… réveille-toi… est-ce que ça va?
– La bête!!! m’exclamai-je en sursautant.
– Pardon? de répondre maître Lamoureux, qui attendit quelques secondes avant d’enquiller en disant que je m’étais évanoui et que deux sociétaires étaient allés le chercher.
– Oh, repris-je d’un ton angoïssé. C’est sûrement parce que… je me suis levé trop rapidement.
– Tu es sûr que tout va bien, mon ami?
– Oui, je t’assure… ce doit être pour cette raison.
– L’un des sociétaires affirme que lorsqu’il est passé devant ton bureau, tu fixais le vide d’un air blême et… tu parlais seul.
– Merci, mais ne t’inquiète pas… je vais bien. Puis-je retourner à la besogne, à présent? ai-je répliqué en faisant fi de cette dernière réplique.
***
Au cours des semaines subséquentes, ma situation n’a pas cessé de se détériorer. Des choses, je voyais, des bruits, j’ouïssais et de l’insomnie, je faisais. Lorsqu’occasionnellement, j’arrivais à m’abandonner aux bras de Morphée, mes nuits étaient hantées de cauchemars. Dans ceux-ci, je vivais moult scénarios dont j’étais le protagoniste et dont la bête, que je voyais tout aussi fréquemment le jour, était mon antagoniste; celle qui, hélas, prévalait sur moi. Toutefois, il n’était point question de laisser ces folies me léser et me transcender. Pour me rassurer, je me réitérais que cela résultait de la fatigue, et qu’une fois la cause gagnée, je prendrais des vacances et me reposerais. J’avais tort. Si seulement j’avais su plus tôt... su qu’il ne fallait pas attendre plus longtemps. Su que j’aurais dû céder ma cause à un collègue au lieu de nourrir subrepticement la bête.
C’est qu’il y avait un lien entre cette dernière et ladite cause; plus précisément à ce qui avait trait aux conjonctures entourant celle-ci. Était-ce le meurtre commis par mon client? Était-ce la capacité qu’avaient les deux, à savoir la bête et mon client, pour perpétrer de monstrueuses choses qui leur était analogue? Je ne pouvais rien avancer avec certitude, sinon que les circonstances de l’affaire que j’allais plaider étaient congrues à ce que la bête voulait m’ébruiter. De cela, j’étais certain. Du moins, c’était l’hypothèse la plus sensée; celle que j’avalisais par-dessus tout. Du fait que cette bête s’est manifestée le jour même où l’on m’a confié ce procès, c’est ce que j’avais inféré.
Néanmoins, tout ne demeurait qu’une spéculation. Et c’est avec une telle idée qui me tarabustait et qui ruminait sempiternellement en moi, que j’ai dû passer au travers des semaines menant au jour J: le procès de mon client.
Désespérément en quête d’élucidations, j’en ai cherché lorsque des événements inusités se produisirent derechef, mais n’en ai guère trouvé.
Distant et flegmatique, je devenais; je ne me reconnaissais plus. Cette chose, ce «ça», m’épouvantait, et ma nervosité commençait à transparaître. Seul et dépourvu de toute défense, je me sentais. Ne pouvant présager la prochaine manifestation, le prochain cauchemar ou la prochaine hallucination, mais sachant qu’ils surviendraient tôt ou tard, je passais mes journées aux aguets, à épier mon entourage. Si j’étais sûr d’une chose, c’est qu’il ne s’agissait que d’une question de temps avant que la bête ne vienne pour moi.
La Cour
«Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.»
Charles Baudelaire – Fusées (1897)
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Si la partie défenderesse était prête prononcer son discours final, furent les seuls mots dont je me souvienne avoir entendu le juge articuler, tant je me sentais mal à l’aise. Le reste du temps, je n’ai rien fait d’autre que de gamberger à mon discours de fermeture, aux mots justes à employer, le ton sur lequel je les prononcerais, la réfutation des preuves... J’ignorais pourquoi j’étais aussi nerveux. À vrai dire, c’était la première fois qu’au tribunal, je tremblais légèrement, que j’avais froid et que les mots ne voulaient pas sortir. Heureusement que j’avais un collègue avec moi, juste au cas où! Normalement, d’’’