Illustrations : David Baudemont
Conception de la maquette couverture : Francine Couture
Mise en page : Plaines
Imprimerie : Hignell Printing Ltd.
2e tirage
Données de catalogage avant publication (Canada)
Baudemont, David
Les beaux jours / David Baudemont ; illustrations, David Baudemont.
ISBN 2-921353-83-0
I.Titre.
PZ8553.A836B42 2003 LC843'.6 C2003-910112-6
PZ23.B38e 2003
© David Baudemont, Éditions des Plaines, 2003, 2006
382, rue Deschambault
Saint-Boniface (Manitoba) R2H 0J8
Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Canada,
Bibliothèque provinciale du Manitoba et Bibliothèque nationale du Québec.
2e trimestre 2006
Les Éditions des Plaines remercient le Conseil des Arts du Canada et le Conseil des Arts du Manitoba du soutien accordé dans le cadre des subventions globales aux éditeurs et reconnaissent l'aide financière du ministère du Patrimoine canadien (PADIÉ et PICLO) et du ministère de la Culture, Patrimoine et Tourisme du Manitoba, pour ses activités d'édition.
L'auteur désire remercier les élèves des classes de 7e et 8e année 2000-2001 de l'École canadienne française de Saskatoon qui ont participé pendant trois mois à la construction des « beaux jours » à partir d'un résumé de quatre pages seulement. Merci à Gillian Allen, Joël Caron, Martine Corbeil, Sascha da Silva, Hawa Diané, Daphné Dubois, Jean-Michel Ferré, Maria Ferré, Bianca Fontaine, Joël Jeanneau, Anne Kelly, Georges Laguë, Camilia Lemire, Jaclyn Lesko, Alicia Lévesque, Roxanne Lizée, Philippe Mainville, Rachel McDougall, April Mireau, Tiffany Morissette, Melissa Normand, Pierre Rivard, Patrick Rivard, Erika Sawchuk, Marc-André Smith, Jérôme Smith, Rachael Stewart, Zénon Valois.
Merci également à Marilyn Denis-Slywka et Yves Plouffe, enseignants, Brigitte Corbeil, aide-enseignante et Michael Martin, artiste visuel.
L'action se déroule sur la côte atlantique du Nord de la France, dans la commune d'Hardelot, 90 km au sud de Calais.
À Mamie...
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
— 6 sur 20 en math... Ça va chauffer à la maison ce soir...
Silvain n'arrivait pas à éloigner son esprit du cours du matin. Même le cerf-volant qui frémissait au vent d'automne n'arrivait pas à le distraire. La remarque du prof y était certainement pour quelque chose.
« Monsieur Silvain Fournier, vous n'avez pas encore compris qu'en multipliant un nombre positif par un nombre négatif on obtenait toujours un nombre négatif. J'ai bien peur que ce soit vos notes qui passent bientôt sous zéro! »
Ils avaient tous ri, ces traîtres, et le prof en avait rajouté, comme si cela ne suffisait pas. « Je ne sais pas quoi faire avec vous, Fournier. Les mathématiques vous sont aussi étrangères que l'anglais pour une vache espagnole ».
C'est à ce moment-là qu'il avait commencé à regarder dehors. Il avait regardé la mer tout le reste de la journée. Et dès que la cloche avait sonné, il avait couru vers la plage.
Le vent avait forci, comme s'il était en colère, lui aussi. Il avait chassé la brume de la matinée et on pouvait voir le bout de la plage immense et les collines tout au fond, à l'horizon. Des crêtes blanches apparaissaient au sommet des vagues et la couleur un peu mauve du ciel annonçait la pluie. Silvain penchait de plus en plus vers l'arrière, accroché aux deux poignées du cerf-volant. C'était un vrai combat; ça lui faisait du bien. Si seulement il pouvait avoir la force du vent, il saurait quoi leur répondre au lieu de rester muet comme une carpe.
Pendant un moment, il rêva de se laisser aller, de ne plus résister au vent et de se laisser emporter. « Comme ça, au hasard. Peut-être que j'arriverais dans un pays où il n'y a pas d'école! » songea-t-il.
Une violente bourrasque vint le secouer et instinctivement, il jeta tout son corps vers l'arrière. C'en était trop pour les cordelettes qui se brisèrent avec un claquement sec.
— Mais qu'est-ce que c'est... ! cria-t-il en tombant à la renverse. Les yeux pleins de sable, il vit son cerf-volant s'envoler vers la digue à une vitesse vertigineuse.
« Je peux lui dire adieu. » pensa-t-il en le regardant s'élever vers les nuages. Quelques instants plus tard, il reprit un peu espoir en le voyant redescendre, poussé vers le bas par une mystérieuse force qui avait l'air de s'opposer au vent.
« Si seulement. » se mit à espérer Silvain en le voyant s'approcher des toits. Il le vit frôler le haut d'un immeuble moderne et continuer sa course sans prendre d'altitude vers une grande maison du bord de mer. Silvain serra les poings. La longue queue du cerf-volant glissa sur le toit rouge et...
— Oui!!! cria-t-il en bondissant de joie. Elle venait de se coincer sur un coude de la gouttière. Au-dessus, le cerf-volant continuait à virevolter comme un énorme papillon surpris d'avoir été arrêté dans sa fuite.
Silvain se mit à courir, plein d'espoir. Il gravit la pente de la digue comme il ne l'avait jamais fait auparavant et continua au même rythme sur la promenade.
— Excusez-moi! Attention! criait-il en slalomant autour des promeneurs surpris. Les yeux toujours levés vers le toit de la grande maison, il faillit renverser un petit enfant en patins à roulettes qui venait en sens inverse.
Il atteignit une grande place qui servait de parking et de terrain de jeu pour les adeptes des planches à roulettes. Quelques garçons s'exerçaient sur des tremplins de formes variées. Il évita de peu un adolescent qu'il n'avait pas vu s'élancer.
— Dégage petit mec, ici c'est pas pour les piétons, t'as compris?
Le ton était menaçant, mais Silvain était déjà loin et gravissait les escaliers qui menaient à la porte d'entrée. Il sonna, impatient, un œil vers le toit. Sur la façade, on avait gravé en grosses lettres blanches « Les beaux jours ». La maison était très grande, mais elle avait quelque chose d'amusant avec son grand toit rouge et ses innombrables fenêtres. C'était comme si l'architecte s'était amusé à bâtir un jouet géant.
Après un long moment, la porte s'ouvrit doucement avec un grincement pénible. Une vieille dame apparut dans l'entrebâillement.
— Qu'est-ce que c'est? fit une voix un peu tremblante.
— Excusez-moi, madame, j'ai...
— Bernard! l'interrompit-elle en ouvrant tout grand la porte.
Silvain resta muet de surprise.
— Mon petit frère... ! ajouta-t-elle avec émotion.
Silvain finit par ouvrir la bouche.
— Euh! ... non Madame, je m'appelle Silvain et je viens récup...
La vieille dame sembla se réveiller.
— Quelle bêtasse je suis!
— Vous avez un petit frère de mon âge? s'étonna Silvain.
— Mais non! C'était il y a longtemps. Puis elle ajouta brusquement : Qu'est-ce que tu veux? Hein? Je n'ai pas d'argent pour les tombolas.
Elle claqua la porte au nez du garçon. Silvain hésita et se mit à se ronger un ongle. Le cerf-volant s'agitait de plus belle, secoué par le vent qui semblait plus fort que jamais. S'il attendait plus longtemps, la corde allait finir par lâcher. Il rassembla son courage et sonna une deuxième fois. Cette fois la porte s'ouvrit presque immédiatement.
— Tu es encore là? Je t'ai dit que je n'avais pas d'argent.
— Mais je ne veux rien vous vendre madame, c'est pour le cerf-volant là, se défendit-il en pointant du doigt le toit de la maison.
— Ça fait longtemps que je n'ai plus de cerf-volant petit, je suis désolée. Va voir dans les immeubles d'en face.
— Mais non, enfin! C'est de mon cerf-volant dont je parle! Il est parti tout seul comme un planeur, là.
— Un planeur? Où ça?
Elle semblait attentive cette fois. Silvain en profita. Il la prit gentiment par la main et la conduisit sur le perron, au bord de l'escalier.
— Là, vous voyez? Il s'est coincé sur un coude de la gouttière.
— Ah! Mais ça n'est pas un planeur, ça, c'est un cerf-volant. Il est à toi?
— Oui, c'est pour ça que j'ai sonné.
Elle le regarda des pieds à la tête l'air un peu méfiant.
— Bon! Rentre! fit-elle sèchement.
Le couloir était sombre. Sur la droite s'ouvrait une grande salle éclairée qui devait être le salon. Une petite fille jouait tranquillement avec une poupée toute rose. Elle portait une grande robe blanche avec un col de dentelle. « Quel drôle d'habillement! se dit Silvain, ce n'est pourtant pas Carnaval! »
— C'est votre petite fille? demanda-t-il en se tournant vers la vieille dame.
— Quelle petite fille?
— Celle qui joue au salon, là. Mais! .
Il n'y avait plus personne dans la grande pièce. Il s'avança un peu. Il n'avait pas rêvé pourtant.
— Eh dis donc! Où vas-tu? Tu n'as rien à faire par là-bas. Les escaliers sont droit devant.
— Excusez-moi, j'avais cru voir quelqu'un.
— Il n'y a personne d'autre que moi ici, fit-elle d'un ton irrité. Il y a bien la petite voisine qui vient jouer avec des vieux jouets. Mais seulement le dimanche et encore, pas tous les dimanches. Mais je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça; ça ne te regarde pas. Allez! viens maintenant; montons au premier étage.
« La pauvre vieille ne se souvient même pas que sa petite voisine est chez elle », se dit Silvain. Il avança dans un long couloir sombre et monta les escaliers derrière elle. Ça sentait la poussière, comme le grenier de l'ancienne maison de sa grand-mère avec ses grosses malles remplies de vieux magazines. Il y passait des heures à lire les vieilles bandes dessinées sur les aviateurs de la Première Guerre mondiale. C'est à cette époque qu'il avait commencé à s'intéresser aux avions.
— Par ici mon garçon. C'était ma chambre ici pendant longtemps, mais maintenant, j'ai un peu de mal avec les escaliers. Je pense que tu pourras attraper ton cerf-volant depuis cette fenêtre. D'ailleurs, j'en vois la queue.
La pièce n'avait pas dû changer beaucoup, car tous les meubles, les lampes et les objets semblaient venir d'un magasin d'antiquités. Silvain aperçut la longue corde qui s'agitait devant la fenêtre. Celle-ci n'avait pas été ouverte depuis longtemps et Silvain dut se battre pour tourner la poignée rouil-lée et décoincer les montants. Il attrapa son cerf-volant et se retourna, souriant.
— Merci bien, madame. S'il y quelque chose que je peux faire pour vous aider, dites-le-moi; je le ferai avec plaisir.
La vieille dame le regarda de travers.
— Non, non, je sais me débrouiller toute seule. Depuis le temps.
— Bien. dit-il en redescendant les escaliers.
Le couloir semblait encore plus sombre et il se dirigea à tâtons vers la porte d'entrée. Soudain sur le mur, une vieille photo noir et blanc dans un cadre de bois sembla s'illuminer. Silvain s'arrêta, très intrigué. Il regarda autour de lui. « Non, se dit-il, il n'y a aucune lampe allumée. » Pourtant, quelque chose semblait éclairer la photo. Il s'approcha doucement comme s'il avait peur de faire disparaître ce qu'il voyait. Bientôt, il fut assez près pour distinguer des gens qui s'étaient regroupés autour de bateaux à voiles. Il avança encore.