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Wings Folded in Cracks:

Selected Poems

Jean-Pierre Vallotton

Bilingual Edition

Translated from the french by Antonio d’Alfonso

Guernica Essential Translations Series 14

Contents

Il neige des cendres...

It is snowing ashes...

Témoins enfouis

Buried Witnesses

Suicide à bon marché...

A dirt-cheap suicide...

Visage étoiles absentes

Face Absent Stars

Rappel

Another Call

Eperdument...

Frantically. . .

Posthume

Posthumous

La chambre...

The room...

Tout cela brûlera

All of this will burn

Précédemment

Previously

Déconcertée

Disconcerted

Esquisse de Gisabel

Sketch of Gisabel

Images pour Sulamith Wülfing

Images for Sulamith Wülfing

Lumière d’automne

Autumn Light

Miroir aux alouettes ou De l’art moderne / Un chevet de mousse

Mirror for the Skylark or On Modern Art / The bed head

En cette attente admirable

The Admirable Wait

Suicides familiers...

Colloquial suicides...

Paulina 1980

Paulina 1980

Voyageur arrêt

The Traveller Stops

Couteau tiré de lumière... / Pour voir s'eteindre

Knife pulled out of the light... / In order to see lightning

Réveil à Arzier

Waking up in Arzier

Espère

Hope

Noir sur blanc

Black on white

Aux yeux des trépassés...

On the stare of the deceased...

Musée privé Rêves partagés

Private Museum Shared Dreams

Sommeils de givre Sommeils de plomb

Frost Sleep Lead Sleep

Reliefs d’un automne

Autumn Embossments

Cinglante averse...

Rainfall stings...

A un tremblement près.../ En braille...

With the quivering... / Music in braille...

Six mélodies à l’unisson

Six Melodies in Unison

Barcelona

Barcelona

Femmes surréalistes

Surrealist Women

L’autre rive

The Other Shore

La joie sous son archet... / Aux rides pales de l'hiver

The bow resonates with joy... / On the wrinkles...

Déclivité tranchante de l’averse... / Le miroir s'arrete...

The razor-thin rainfall slices... / The mirror comes...

Les biens de ce monde

This World’s Fortune

L’amour de l’autre

Love for the Other

Ce que l’on nomme espoir

What We Consider Hope

Renaître, fardeau...

To be reborn, burden...

Insectes

Insects

La glace fond...

Ice is melting...

Suite parisienne

Parisian Suite

Arrêt sur image...

Freeze frame...

Renvenimer la plaie..

Pouring venom on wounds...

Le retour l’attente

The Return The Waiting

After Jean-Pierre Vallotton’s Words

About the Author and Translator

By the Same Author

Praise

Copyright

Il neige des cendres...

Il neige des cendres dans ma tête. Des cendres froides comme l’hiver qui n’en finit pas de geler ses arbres et ses étangs. Arbres malades, étangs de larmes sans reflet. La nuit craquelée. Epaisses gerçures aux lèvres de la terre étouffée. Sourde étoffe de cris. Un matin chancelle après l’autre. A ronger les portes condamnées, les doigts brisent les plumes, le vide s’installe, triomphant.

It is snowing ashes...

It is snowing ashes in my head. Ashes as cold as winter, freezing over trees and ponds. Sick trees, ponds of tears without reflection. Night cracks. Chapping thick on the lips of the earth, suffocating. Yells of muffled fabric. Mornings totter into one another. Nibbling at the locked door, fingers bend pens in two, emptiness, triumphant, sits on its throne.

Témoins enfouis

Les voiles tièdes d’avril qui se disperse et la pâleur des platanes sanglés de fer imposant. Tu disais – tu ne disais rien. Un instant, haut-relief d’oiseaux sculptés, séculaires, sous la corniche d’un toit; un instant, vol de pigeons réincarnés, bruissants, et façade nue, violente. Tu pensais – pas même, voguais, absente. Simples jeux d’enfants avides sur la place, extase, brumeuse cathédrale de cris fermés. Le banc glissait pour nous, figés, dans l’oubli de l’heure chaleureuse, peut-être dans la pluie réfractée du bassin, jet d’eau silencieux, incompris. Tu disais – rien. Le jour plein parlait, vivait pour nous, présents témoins enfouis.

Buried Witnesses

The damp April mist evaporated; blood-iron plane trees, imposing, fading. You were saying, you were saying nothing. A pause. The high relief of sculpted secular birds on the cornices of a rooftop. Another pause. Reincarnated pigeons in flight, a hum, bareness of a façade, violence. You were thinking – not even, you were wandering, absent. Simple games children played avidly in the piazza. Ecstasy. Cathedral of prisoner screams in the fog. A bench, slippery, just for us, motionless, forgotten in the warm hour. Perhaps the rain in the basin resisted, silent spray of water, misunderstood. You were saying. Nothing. The day complete, was speaking, living for us, witnesses present and buried.

Suicide à bon marché...

Suicide à bon marché dans ma rue.

Mais les journaux font silence sur le scandale étroit. Comme toujours le marchand ambulant, avec ses fruits engrossés de soleils artificiels, crie aux quatre vents sa détresse insondable qui se résorbe en « . . . Francs cinquante la livre » , « . . . Si juteux, profitez! » dans sa boutique, le boucher découpe sa solitude en kilos, en tranches, en gigots; son cœur saigne par toutes ces viandes sous vitrine exposées sans pudeur; couteau qui valse en plein sentiment. A grandes envolées de balai, une concierge sans âge, éternelle en son église de comédie, chasse du trottoir les débris de son imaginaire nuit insensée; et pas un mot aux voisins du fantasque qui d’un pas décisif s’est effacé du plan du quartier. Les volets, comme toujours, bâillent en s’éveillant à l’appel du soleil insolent; les arbres indifférents vaquent à leur silence; les rues en résonnant de leur habituel fatras comblent à l’avance le vide qu’elles ne soupçonnent pas.

... à bon marché dans ma rue.

Quel est ce mort inconnu qui me ressemble déjà?

A dirt-cheap suicide...

Suicide dirt-cheap on my block.

But newspapers keep quiet about the scandal. It’s the same routine. The travelling salesman with fruit fathered by artificial suns shouts to everyone his deep distress with such words as “fifty cents a pound...,” “juicy. . . Try ’em. . .” in his shop, the butcher dices his solitude into kilos, chunks, legs of lamb. His heart is bleeding for all that meat in his window, naked, with no regard to propriety. His knife waltzes in complete joy. The ageless lady janitor, immortalized in the comedy church, sweeps; her broom amply chases from the sidewalk leftovers of her imagined night of silliness. But not a word is mentioned to the residents about the stranger who erased himself from the neighbourhood. The shutters, as usual, yawn awake to the sun insolently calling out. Indifferent, the trees attend to silence. The street echoes another game of hotchpotch, holes get filled way before they open.

. . . Dirt-cheap on my block.

What about this man’s death reminds me of me?

Visage étoiles absentes

In memoriam Pierre-Luc

Tous ces soirs vides

creusés de lumières absentes les voix lointaines

absorbées par la terre

qui nous les rendra?

sans le savoir

elles nous ont déchirés.

Bien sûr

cette chambre étouffante n’existait pas

pas plus que ces volets qu’il fallut ouvrir et refermer

dernier désir incompréhensible

de celui qui nous quittait.

tu le fis cependant

– qu’y avait-il d’autre à faire?

mais n’était-ce pas pour permettre à la nuit

d’entrer définitivement, par saccades?

mes mains étranglaient ma gorge

serrées sur mes genoux

un cri peut s’échapper de n’importe où.

Les mois ont passé

plus silencieux que des sillons sans grains

ce sont déjà des années.

mais ce soir-là

n’a jamais pu exister.

Face Absent Stars

In memoriam Pierre-Luc

So many empty evenings

dug by absent lights

distant voices soaked up by the earth

who will give them back to us?

Unaware they were

hurting us.

Of course

the claustrophobic room never existed

nor these shutters pulled open and shut

the last uncertain desire

belonging to the one leaving us.

yet you managed to do it

– what else was there to do?

wasn’t it so that the night could

slip in, jerkily, definitively?

my hands tight around my neck

tight around my knees

a scream bursting forth from everywhere.

Months have elapsed

more mute than a furrow without seeds.

Years already.

But that one evening, no,

never did it exist.

Rappel

La pluie n’était pas un refuge. Mais tu creusais le temps avec tes dents.

Qu’aurions-nous fait de plus que les autres? un trou plus profond dans l’air? une absence mieux déracinée? au soleil souterrain des regrets, le linceul ne blanchit pas.

Que ce soit bien clair entre nous: plus d’efforts à balbutier entre parois de verre éclaté, plus de troubles ombreux à saisir nos pas en arrière.

Pourtant, en ce vétuste appartement où je n’ai pas le téléphone, tu ne cesses de m’appeler en sonneries rompues au bout du fil inexistant.

Another Call

The rain was not a sanctuary. Still you dug into time with your teeth.

What would we have done better than the others? dig a hole deeper in the sky? an absence more firmly uprooted? against the underground sun of regret, the shroud will never be white.

Let this much be said between us: no more stammering behind the partitions of broken glass, no more obscure difficulties with catching up to our steps behind us.

Yet, in this dilapidated apartment with no phone, i keep being harassed by your hanging up at the end of an invisible line.

Eperdument...

Eperdument

tu me lanças

dans la nuit

ton dernier visage

– oiseau déchiré –

tel un cri douloureux d’affection.

Peut-être ai-je pensé: tiens, un oiseau.

Que j’ai pu haïr depuis

pour ne l’avoir pas su

ce langage furtif

de visages et d’oiseaux

– éperdument.

Frantically. . .

Frantically

you threw me

into the night

your definitive face

– torn bird –

like a cry hurting in its fondness.

I think i whispered to myself: “look, a bird.”

How I’ve learned to hate from then on

for not understanding

this vanishing language

of faces and of birds

– frantically.

Posthume

Comment dire à ceux qu’on aime

pas à pas le silence enfoui

leur absence seule

approche d’exprimable vérité

Comment dire à ceux

les nuits loin d’eux avec eux

dans un regard plus que le monde

moins qu’une ombre

un violoncelle le dirait

Comment dire

l’éclat du fruit

ses doigts que l’on mord

jusqu’au sang

la fuite et le temps

Comment?

Posthumous

How to speak to those we love

bit by bit about the silence buried inside

their absence alone

motion of truth spoken

How to speak to those

about nights without them with them

in a gaze larger than the world

smaller than a shadow

like a cello would sing it

How to speak

about the bursting forth of fruit

fingers we bite

up to the blood

escaping time

How?

La chambre...

La chambre, doucement, se vide.

Vite il faudrait vite retenir d’un fauteuil qui s’engouffre par la porte la forme de l’accoudoir sous la paume vite garder vite le soyeux du tapis sous le pied en ses yeux l’hivernale vite d’un tableau et vite conserver l’assourdissant silence vite avant vite que l’écho vidé de la chambre vite il faudrait vite vite

Un peu de plâtre des murs griffés fait les ongles plus blancs. Les mains ont beau errer le long de la paroi muette, nulle géométrie ne répond à leur appel insistant. Blafard le plafond n’attire pas plus les ombres du soir que la lampe dans un coin oubliée les insectes trépidants. Hagarde la fenêtre bâille son insomnie étonnée. Nul pas au sol durci en son cœur répercuté. La serrure a noyé ses clefs: désormais plus de secrets, ni de nocturnes conciliabules ou de retraites furtives à abriter; à la dérive, les clefs.

Juste un coin respire en sa poussière ancienne: la pièce n’a pas encore été balayée.

The room. . .

The room is being emptied, calmly.

Fast it’s necessary fast to push the sofa falling out of the door holding it the shape of the armrest in his palm fast grab fast the silky carpet under his feet in his eyes the winter fast in the painting and fast keeping the deafening silence fast before fast the echo in the empty room fast it’s necessary fast fast