Wings Folded in Cracks:
Selected Poems
Bilingual Edition
Guernica Essential Translations Series 14
Contents
Il neige des cendres...
It is snowing ashes...
Témoins enfouis
Buried Witnesses
Suicide à bon marché...
A dirt-cheap suicide...
Visage étoiles absentes
Face Absent Stars
Rappel
Another Call
Eperdument...
Frantically. . .
Posthume
Posthumous
La chambre...
The room...
Tout cela brûlera
All of this will burn
Précédemment
Previously
Déconcertée
Disconcerted
Esquisse de Gisabel
Sketch of Gisabel
Images pour Sulamith Wülfing
Images for Sulamith Wülfing
Lumière d’automne
Autumn Light
Miroir aux alouettes ou De l’art moderne / Un chevet de mousse
Mirror for the Skylark or On Modern Art / The bed head
En cette attente admirable
The Admirable Wait
Suicides familiers...
Colloquial suicides...
Paulina 1980
Paulina 1980
Voyageur arrêt
The Traveller Stops
Couteau tiré de lumière... / Pour voir s'eteindre
Knife pulled out of the light... / In order to see lightning
Réveil à Arzier
Waking up in Arzier
Espère
Hope
Noir sur blanc
Black on white
Aux yeux des trépassés...
On the stare of the deceased...
Musée privé Rêves partagés
Private Museum Shared Dreams
Sommeils de givre Sommeils de plomb
Frost Sleep Lead Sleep
Reliefs d’un automne
Autumn Embossments
Cinglante averse...
Rainfall stings...
A un tremblement près.../ En braille...
With the quivering... / Music in braille...
Six mélodies à l’unisson
Six Melodies in Unison
Barcelona
Barcelona
Femmes surréalistes
Surrealist Women
L’autre rive
The Other Shore
La joie sous son archet... / Aux rides pales de l'hiver
The bow resonates with joy... / On the wrinkles...
Déclivité tranchante de l’averse... / Le miroir s'arrete...
The razor-thin rainfall slices... / The mirror comes...
Les biens de ce monde
This World’s Fortune
L’amour de l’autre
Love for the Other
Ce que l’on nomme espoir
What We Consider Hope
Renaître, fardeau...
To be reborn, burden...
Insectes
Insects
La glace fond...
Ice is melting...
Suite parisienne
Parisian Suite
Arrêt sur image...
Freeze frame...
Renvenimer la plaie..
Pouring venom on wounds...
Le retour l’attente
The Return The Waiting
After Jean-Pierre Vallotton’s Words
About the Author and Translator
By the Same Author
Praise
Copyright
Il neige des cendres...
Il neige des cendres dans ma tête. Des cendres froides comme l’hiver qui n’en finit pas de geler ses arbres et ses étangs. Arbres malades, étangs de larmes sans reflet. La nuit craquelée. Epaisses gerçures aux lèvres de la terre étouffée. Sourde étoffe de cris. Un matin chancelle après l’autre. A ronger les portes condamnées, les doigts brisent les plumes, le vide s’installe, triomphant.
It is snowing ashes...
It is snowing ashes in my head. Ashes as cold as winter, freezing over trees and ponds. Sick trees, ponds of tears without reflection. Night cracks. Chapping thick on the lips of the earth, suffocating. Yells of muffled fabric. Mornings totter into one another. Nibbling at the locked door, fingers bend pens in two, emptiness, triumphant, sits on its throne.
Témoins enfouis
Les voiles tièdes d’avril qui se disperse et la pâleur des platanes sanglés de fer imposant. Tu disais – tu ne disais rien. Un instant, haut-relief d’oiseaux sculptés, séculaires, sous la corniche d’un toit; un instant, vol de pigeons réincarnés, bruissants, et façade nue, violente. Tu pensais – pas même, voguais, absente. Simples jeux d’enfants avides sur la place, extase, brumeuse cathédrale de cris fermés. Le banc glissait pour nous, figés, dans l’oubli de l’heure chaleureuse, peut-être dans la pluie réfractée du bassin, jet d’eau silencieux, incompris. Tu disais – rien. Le jour plein parlait, vivait pour nous, présents témoins enfouis.
Buried Witnesses
The damp April mist evaporated; blood-iron plane trees, imposing, fading. You were saying, you were saying nothing. A pause. The high relief of sculpted secular birds on the cornices of a rooftop. Another pause. Reincarnated pigeons in flight, a hum, bareness of a façade, violence. You were thinking – not even, you were wandering, absent. Simple games children played avidly in the piazza. Ecstasy. Cathedral of prisoner screams in the fog. A bench, slippery, just for us, motionless, forgotten in the warm hour. Perhaps the rain in the basin resisted, silent spray of water, misunderstood. You were saying. Nothing. The day complete, was speaking, living for us, witnesses present and buried.
Suicide à bon marché...
Suicide à bon marché dans ma rue.
Mais les journaux font silence sur le scandale étroit. Comme toujours le marchand ambulant, avec ses fruits engrossés de soleils artificiels, crie aux quatre vents sa détresse insondable qui se résorbe en « . . . Francs cinquante la livre » , « . . . Si juteux, profitez! » dans sa boutique, le boucher découpe sa solitude en kilos, en tranches, en gigots; son cœur saigne par toutes ces viandes sous vitrine exposées sans pudeur; couteau qui valse en plein sentiment. A grandes envolées de balai, une concierge sans âge, éternelle en son église de comédie, chasse du trottoir les débris de son imaginaire nuit insensée; et pas un mot aux voisins du fantasque qui d’un pas décisif s’est effacé du plan du quartier. Les volets, comme toujours, bâillent en s’éveillant à l’appel du soleil insolent; les arbres indifférents vaquent à leur silence; les rues en résonnant de leur habituel fatras comblent à l’avance le vide qu’elles ne soupçonnent pas.
... à bon marché dans ma rue.
Quel est ce mort inconnu qui me ressemble déjà?
A dirt-cheap suicide...
Suicide dirt-cheap on my block.
But newspapers keep quiet about the scandal. It’s the same routine. The travelling salesman with fruit fathered by artificial suns shouts to everyone his deep distress with such words as “fifty cents a pound...,” “juicy. . . Try ’em. . .” in his shop, the butcher dices his solitude into kilos, chunks, legs of lamb. His heart is bleeding for all that meat in his window, naked, with no regard to propriety. His knife waltzes in complete joy. The ageless lady janitor, immortalized in the comedy church, sweeps; her broom amply chases from the sidewalk leftovers of her imagined night of silliness. But not a word is mentioned to the residents about the stranger who erased himself from the neighbourhood. The shutters, as usual, yawn awake to the sun insolently calling out. Indifferent, the trees attend to silence. The street echoes another game of hotchpotch, holes get filled way before they open.
. . . Dirt-cheap on my block.
What about this man’s death reminds me of me?
Visage étoiles absentes
In memoriam Pierre-Luc
Tous ces soirs vides
creusés de lumières absentes les voix lointaines
absorbées par la terre
qui nous les rendra?
sans le savoir
elles nous ont déchirés.
Bien sûr
cette chambre étouffante n’existait pas
pas plus que ces volets qu’il fallut ouvrir et refermer
dernier désir incompréhensible
de celui qui nous quittait.
tu le fis cependant
– qu’y avait-il d’autre à faire?
mais n’était-ce pas pour permettre à la nuit
d’entrer définitivement, par saccades?
mes mains étranglaient ma gorge
serrées sur mes genoux
un cri peut s’échapper de n’importe où.
Les mois ont passé
plus silencieux que des sillons sans grains
ce sont déjà des années.
mais ce soir-là
n’a jamais pu exister.
Face Absent Stars
In memoriam Pierre-Luc
So many empty evenings
dug by absent lights
distant voices soaked up by the earth
who will give them back to us?
Unaware they were
hurting us.
Of course
the claustrophobic room never existed
nor these shutters pulled open and shut
the last uncertain desire
belonging to the one leaving us.
yet you managed to do it
– what else was there to do?
wasn’t it so that the night could
slip in, jerkily, definitively?
my hands tight around my neck
tight around my knees
a scream bursting forth from everywhere.
Months have elapsed
more mute than a furrow without seeds.
Years already.
But that one evening, no,
never did it exist.
Rappel
La pluie n’était pas un refuge. Mais tu creusais le temps avec tes dents.
Qu’aurions-nous fait de plus que les autres? un trou plus profond dans l’air? une absence mieux déracinée? au soleil souterrain des regrets, le linceul ne blanchit pas.
Que ce soit bien clair entre nous: plus d’efforts à balbutier entre parois de verre éclaté, plus de troubles ombreux à saisir nos pas en arrière.
Pourtant, en ce vétuste appartement où je n’ai pas le téléphone, tu ne cesses de m’appeler en sonneries rompues au bout du fil inexistant.
Another Call
The rain was not a sanctuary. Still you dug into time with your teeth.
What would we have done better than the others? dig a hole deeper in the sky? an absence more firmly uprooted? against the underground sun of regret, the shroud will never be white.
Let this much be said between us: no more stammering behind the partitions of broken glass, no more obscure difficulties with catching up to our steps behind us.
Yet, in this dilapidated apartment with no phone, i keep being harassed by your hanging up at the end of an invisible line.
Eperdument...
Eperdument
tu me lanças
dans la nuit
ton dernier visage
– oiseau déchiré –
tel un cri douloureux d’affection.
Peut-être ai-je pensé: tiens, un oiseau.
Que j’ai pu haïr depuis
pour ne l’avoir pas su
ce langage furtif
de visages et d’oiseaux
– éperdument.
Frantically. . .
Frantically
you threw me
into the night
your definitive face
– torn bird –
like a cry hurting in its fondness.
I think i whispered to myself: “look, a bird.”
How I’ve learned to hate from then on
for not understanding
this vanishing language
of faces and of birds
– frantically.
Posthume
Comment dire à ceux qu’on aime
pas à pas le silence enfoui
leur absence seule
approche d’exprimable vérité
Comment dire à ceux
les nuits loin d’eux avec eux
dans un regard plus que le monde
moins qu’une ombre
un violoncelle le dirait
Comment dire
l’éclat du fruit
ses doigts que l’on mord
jusqu’au sang
la fuite et le temps
Comment?
Posthumous
How to speak to those we love
bit by bit about the silence buried inside
their absence alone
motion of truth spoken
How to speak to those
about nights without them with them
in a gaze larger than the world
smaller than a shadow
like a cello would sing it
How to speak
about the bursting forth of fruit
fingers we bite
up to the blood
escaping time
How?
La chambre...
La chambre, doucement, se vide.
Vite il faudrait vite retenir d’un fauteuil qui s’engouffre par la porte la forme de l’accoudoir sous la paume vite garder vite le soyeux du tapis sous le pied en ses yeux l’hivernale vite d’un tableau et vite conserver l’assourdissant silence vite avant vite que l’écho vidé de la chambre vite il faudrait vite vite
Un peu de plâtre des murs griffés fait les ongles plus blancs. Les mains ont beau errer le long de la paroi muette, nulle géométrie ne répond à leur appel insistant. Blafard le plafond n’attire pas plus les ombres du soir que la lampe dans un coin oubliée les insectes trépidants. Hagarde la fenêtre bâille son insomnie étonnée. Nul pas au sol durci en son cœur répercuté. La serrure a noyé ses clefs: désormais plus de secrets, ni de nocturnes conciliabules ou de retraites furtives à abriter; à la dérive, les clefs.
Juste un coin respire en sa poussière ancienne: la pièce n’a pas encore été balayée.
The room. . .
The room is being emptied, calmly.
Fast it’s necessary fast to push the sofa falling out of the door holding it the shape of the armrest in his palm fast grab fast the silky carpet under his feet in his eyes the winter fast in the painting and fast keeping the deafening silence fast before fast the echo in the empty room fast it’s necessary fast fast