C’est be temps d’en parler
L’histoire de
Marie-Louise Bouchard Labelle
L’histoire de
Marie-Louise Bouchard Labelle
© 2009 Claire Trépanier
Publié par
AU Press, Athabasca University
1200, 10011 – 109 Street
Edmonton, Alberta T5J 3S8
et
Éditions Carte blanche
1209, avenue Bernard, bureau 200
Montréal, Québec H2V 1V7
Diffusion : Fides 514-745-4290
Distribution : Socadis 514-33-4290
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Trépanier, Claire, 1949-
C’est le temps d’en parler : l’histoire de Marie-Louise Bouchard Labelle/
Claire Trépanier.
Comprend des références bibliographiques et un index.
Également disponible en format électronique.
ISBN 978-2-89590-137-2
1. Ray, Marie-Louise, 1891-1973. 2. Roy, Jérémie Alphonse, 1858-1944. 3. Ottawa (Ont.) – Biographies. 4. Église catholique – Ontario – Clergé – Biographies. 5. Église catholique – Clergé – Relations familiales – Ontario. I. Titre.
FC3096.26.L32T74 2009 971.3’8404092 C2008-907945-0
Également disponible en format électronique, ISBN 978-1-897425-25-1.
Design de la couverture : Rod Michalchuk, Idée Générale
Mise en pages : Infoscan Collette, Québec
Imprimé et relié au Canada par Marquis Imprimeur inc.
Veuillez envoyer un courrier electronique a AU Press, Athabasca University, a l'addresse aupress@athabascau.ca pour toutes informations concernant les droits d'auteur.
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À Marie-Louise
C’est le temps d’en parler.
Avant-propos
Remerciements
Préface
Arbres généalogiques
La famille de Georgianne Tremblay et ses deux époux
La famille de Marie-Louise Bouchard Labelle et Joseph Ray
Prologue
CHAPITRE 1
Des Escoumins à Hanmer (1891–1906)
Marie-Louise Bouchard
Marie-Louise Labelle
Arrivée à Hanmer
Vie des premiers colons de Hanmer
L’éducation de Marie-Louise
La petite école
La férule et l’amour
Et à l’horizon?
Vie spirituelle du hameau
CHAPITRE 2
Le nouveau venu (1858–1906)
L’abbé Joseph A. Roy
Le clergé catholique francophone dans l’Ouest canadien
Vernon, Colombie-Britannique
Hanmer, Ontario (août 1906)
Premier contact avec Marie-Louise
CHAPITRE 3
Le rond-point (1906–1916)
Rencontres régulières avec Marie-Louise
La servante du curé?
Envers et contre tous
La fuite
Conséquences du départ
CHAPITRE 4
Vie de famille (1916–1928)
Nouvelles identités
Ottawa
Rideau Park (mai 1917)
Vie de couple
Vie quotidienne
Vie intellectuelle
Vie religieuse
Premier retour à Hanmer (novembre 1920)
Naissance de Lorne
1921–1926
Première communion de Gertrude
Prise de conscience
Synchronisme
La grande décision (1928)
CHAPITRE 5
(( Veuve )) avec trois enfants (1928–1935)
La petite mort
Visites inattendues
Vie quotidienne
Libre d’explorer la vie
Visite de Napoléon
Krach, 24 octobre 1929
La parenté
Propriétaire
Conséquences du départ de Joseph
Vie religieuse après le départ de Joseph
Le fait français-anglais
Vivre la Grande Dépression
Rue Bank (1930–1932) et rue Sunnyside (1932–1933)
Rue Stanley (1933–1935)
Vie sociale
Maison de convalescence
Kiosque
CHAPITRE 6
Tirer le diable par la queue (1935–1944)
Rue James (1935–1936)
Rue Lisgar (1936–1937)
Rue Nepean (1937–1939)
Rue Rideau, coin Chapel (1939)
Rue Slater (1940)
Rue Central (1941)
L’entourage change (1942–1944)
CHAPITRE 7
Nanny (1944–1965)
Grand-mère
La couture et le tricot
La cuisine
Casser maison
Belle-mère
Jake and the Kid
Le bon Dieu
Retour à Ottawa (1957–1965)
Ogilvy
Cinéma
La comtesse de Ségur
La chambre achalandée (1962–1965)
Le secret
CHAPITRE 8
Retour aux sources (1960–1964)
La remise des diplômes (1960)
Les deux commères
La paix de l’âme
Le voyage au Yukon
CHAPITRE 9
Vieillesse, humour et tendresse (1965–1970)
Détente
Toujours garder le secret
Réminiscences d’un passé lointain
Les bloomers
La tresse
Les voleurs
CHAPITRE 10
Vivre la paix (1970–1973)
Pendre la crémaillère
Un temps pour jouir de la vie
Artiste
Un temps pour mourir
Épilogue
Postface
Traduction des extraits écrits en anglais dans le texte
Appendices
Appendice 1 : Arrivée à Hanmer
Appendice 2 : Maison de Hanmer
Appendice 3 : Propriétaire foncier
Appendice 4 : Amour Immaculé
Liste des personnes interviewées
Liste des personnes qui m’ont aidée dans mes recherches
Photos de famille
Documents
Bibliographie
Chronologie abrégée
Index
L’histoire que je raconte ici est celle d’une de ces femmes dont on dit qu’elles ont eu une vie (( ordinaire )), c’est-à-dire une vie qui ne fera pas couler l’encre dans l’histoire officielle du pays ou qui ne provoquera pas de grands remous dans la communauté, du moins pas en surface.
Cependant, quand on commence à questionner les gens qui ont eu une vie soi-disant ordinaire, on découvre parfois des histoires peu ordinaires. L’histoire de Marie-Louise Bouchard Labelle est l’une d’elles. Vivre un amour illégitime avec un prítre de 33 ans plus âgé que soi, survivre à la Grande Dépression au début du XXe siècle à la títe d’un foyer monoparental et se lancer en affaires en sachant à peine lire et écrire, voilà qui ne correspond pas nécessairement à l’image qu’on se fait d’une vie ordinaire. Dans sa lutte quotidienne pour sa survie et celle de ses trois enfants, Marie-Louise a fait preuve d’ingéniosité, de détermination, de générosité et de joie de vivre. Son histoire est l’histoire d’une vie ordinaire pleine d’intérít.
Plusieurs défis m’attendaient lorsque je me suis lancée dans l’aventure d’écrire cette biographie. D’abord, c’était écrire l’histoire d’une femme qui est décédée et que je n’ai jamais connue. De plus, étant pratiquement illettrée, elle n’a laissé par écrit aucun document substantiel, tel un journal intime ou une correspondance soutenue avec quelqu’un. Enfin, elle avait fait la promesse à son conjoint de ne jamais parler de leur vie commune, de sorte qu’elle a emporté dans sa tombe les données sur l’histoire de leur amour, laissant une grande partie de sa vie dans l’ombre. Pour apprendre son histoire, j’ai fait passer des entrevues à ses enfants, ses petits-enfants et d’autres membres de sa famille. Plusieurs portraits succincts de Marie-Louise se sont dégagés au cours de ces entrevues, chacun l’ayant côtoyée à un moment différent de sa vie. Comme ce sont eux qui m’ont raconté son histoire, j’ai choisi de leur donner la parole. Leurs mots décrivent mieux que je ne l’aurais pu la mentalité de l’époque, l’humour local et la richesse des relations de Marie-Louise avec son entourage.
Ce livre contient des extraits en anglais parce que la réalité qui le sous-tend est bilingue. Marie-Louise est née au Québec, donc en milieu francophone. Elle a vécu dans une petite enclave francophone du nord de l’Ontario où, à la fin du XIXe siècle, le développement économique était gouverné en grande partie par des maîtres anglophones. Et bien que le père des enfants de Marie-Louise ait été un Canadien français au nom bien francophone, ses enfants, en raison des détours du destin, ont été élevés sous un nom de famille anglophone. Les entrevues que j’ai menées auprès des membres de la famille immédiate et élargie de Marie-Louise se sont donc déroulées parfois en français, parfois en anglais, parfois dans les deux langues.
J’ai choisi de laisser en anglais dans le texte les extraits d’entrevues qui se sont déroulées en anglais pour ne pas perdre la couleur des expressions et des émotions exprimées. Il y a aussi une autre raison qui a guidé ce choix : c’est la réalité de notre pays. On répète que (( deux solitudes )) y vivent parallèlement. Or, francophones et anglophones se côtoient dans la vie quotidienne. Ils travaillent ensemble, échangent des idées, entretiennent des amitiés et partagent souvent leurs loisirs ensemble. Les mariages interculturels se multiplient. En respectant la langue de ceux que j’ai interviewés, le livre reflète cette réalité, c’est-à-dire le caractère bilingue d’une et míme nation qui, dans sa diversité, arrive à créer des liens d’amour plus forts que les barrières linguistiques.
Claire Trépanier
Ottawa, février 2008
NOTE: Le lecteur peut trouver la traduction des extraits écrits en anglais dans la section du livre qui suit immédiatement la postface.
Je tiens à remercier Gertrude Mantha, la fille de Marie-Louise, qui a été ma chère compagne, ma source principale d’information et mon soutien continu. Sa confiance en moi a maintenu le vent dans mes voiles tout au long de ce projet. Je resterai toujours reconnaissante envers Louise Mantha qui, en me suggérant d’écrire l’histoire de sa grand-mère un soir de janvier 2004, m’a tendu la perche pour accomplir un ríve longtemps caressé, celui d’écrire une biographie.
Je remercie aussi tous ceux qui m’ont accordé une entrevue pour leur sincérité, leur ouverture d’esprit et les histoires intéressantes qu’ils m’ont racontées. J’ai contracté une dette énorme envers ceux qui m’ont aidée dans ma recherche et dont les noms figurent en appendice. Un merci très spécial à Lynn Keating de Wolseley en Saskatchewan pour avoir fouillé les archives de la petite église Sainte-Anne et trouvé la photo du père Roy, ainsi que pour m’avoir donné le nom d’un prítre canadien en détachement au Vatican, une information précieuse pour moi. Merci aussi à sœur Ria Gerritsen, alors archiviste à l’évíché de Regina, qui a retrouvé la correspondance du père Roy avec son évíque, Mgr Langevin, et qui m’a permis de la photocopier. À tous les membres de la famille de Marie-Louise, je dois un remerciement sincère pour m’avoir príté les photos. Elles permettent aux lecteurs de mettre des visages sur les noms et enrichissent la biographie.
Un gros merci aussi à Carol Quimper qui, à partir de Londres, a révisé mon manuscrit, mot par mot, ligne par ligne, pour en assurer la qualité grammaticale et qui a travaillé pendant les fins de semaine pour me le remettre plus rapidement. Carol, ton mari doit grincer des dents à la mention de mon nom! Merci à Solange Deschínes, réviseure, et à Juliette Champagne, qui m’ont toutes les deux fait des suggestions intéressantes pour améliorer le texte.
Je suis particulièrement reconnaissante au Dr Frits Pannekoek, président de l’Université d’Athabasca, à M. Walter Hildebrandt, directeur des Presses de l’Université, et au Dr Janice Dickin, éditrice de la série des mémoires aux presses, d’avoir manifesté de l’intérít pour mon manuscrit et de m’avoir permis de le soumettre aux presses pour évaluation. Merci de tout cœur à Erna Dominey, éditrice principale, et à Carol Woo, éditrice à la production, pour leur collaboration amicale et chaleureuse.
Enfin, je n’aurais pas pu achever ce projet sans l’appui inconditionnel de mon ange gardien de mari, Peter Homulos, qui a établi des contacts pour moi, a tenu compte de mes recherches en planifiant le trajet de nos vacances à travers le Canada et qui m’a ramenée plus d’une fois discrètement à la tâche quand la discipline d’écrire tous les jours me pesait et que j’avais le goût de prendre la clé des champs pour un après-midi. Merci de ton amour généreux, intuitif et constant. Je t’aime.
Claire Trépanier
Ottawa, février 2008
When my daughter, Louise, came to me three years ago with the idea that her friend Claire might be interested in writing a story about my mother, I felt strange and frightened. Everything in my early family life had been a secret for so long that I felt that it was more than I could handle to accept to do the project. But the story of what my mother had gone through, and everything she did to survive should be told.
In doing her research and interviewing me, Claire was so patient and understanding. Now that the book is finished, I feel relieved: after all these years, the things that were bottled up are now out in the open. It has taken a load off my mind, and I feel a sense of release. So much has gone on with the Catholic Church that has disturbed people’s lives… it is time to come out in the open. Talking about my story will maybe bring the same sense of relief to other people who are in the same boat.
J’espère que tous ceux qui liront cette histoire comprendront à quel point ma mère a été une femme extraordinaire. Avec très peu de moyens, elle a tout fait pour assurer la survie et le bonheur de ses enfants. J’apprécie ses efforts et je l’aime encore beaucoup.
En écrivant ce livre, Claire Trépanier m’a aidée à mieux comprendre mon passé. Je me sens extrímement soulagée, et je lui dois plus que je ne saurais le dire.
Gertrude Mantha
Août 2007
Août 1916
Marie-Louise Bouchard Labelle, célibataire de 25 ans vivant chez ses parents à Hanmer en Ontario, découvre qu’elle est enceinte du curé de Cache Bay, un homme de 58 ans. Une tempíte de questions l’assaille. À qui en parler? Devrait-elle confier ce terrible secret à ses parents? La renieront-ils à jamais? Deviendrontils la risée du tout Hanmer? Et que dira son amant? La décision qu’elle prend après ce qui lui semble une éternité d’indécisions fait bifurquer sa vie irrévocablement.
(Les numéros correspondent aux numéros des notes au bas des pages dans le texte.)
PRÉFACE: Lorsque ma fille Louise est venue me voir, il y a trois ans
de cela, pour me suggérer que son amie Claire écrive l’histoire de ma mère, je me sentais mal à l’aise et effrayée. Tout, au début de ma vie de famille, avait été gardé secret si longtemps qu’il me paraissait au-delà de mes forces d’accepter ce projet. Mais l’histoire de ce que ma mère a vécu et tout ce qu’elle a dû faire pour survivre devraient être racontés.
Au cours de ses recherches et de ses entrevues avec moi, Claire a été très patiente et compréhensive. Maintenant que le livre est terminé, je me sens soulagée; après toutes ces années, les choses qui ont été tenues cachées sont maintenant exposées au grand jour. Cela m’a ôté un poids de l’esprit et je me sens libérée. L’Église catholique a été la source de tellement de choses qui ont bouleversé des vies… il est temps de tout révéler. Parler de mon histoire soulagera peut-être ceux qui se trouvent dans une situation semblable.
1. Ma mère est née dans un endroit appelé Escoumins et c’est à l’embouchure du Saguenay, bien passé la ville de Québec. En tout cas, elle est née là et son père était un Bouchard, Théophile Bouchard, et sa mère s’appelait Georgina Tremblay. Les Tremblay étaient originaires du Lac-Saint-Jean.
5. Vendredi dernier, alors qu’on faisait sauter un lit de frittage, une décharge prématurée est survenue et un homme, Tuffield [sic] Bouchard, a été si terriblement blessé qu’il est mort mercredi matin. Ses deux yeux ont été éjectés et son visage et ses mains complètement noircis et lacérés. Un autre, Geo. Tremblay, a aussi été sérieusement blessé, mais il a récupéré. Bouchard laisse une femme et une famille; l’autre n’était pas marié.
21. C’était un homme merveilleux. Il nous fabriquait de belles chaises berçantes et des chevaux berçants. Mon frère Germain et moi allions à la rivière de la 4e concession et nous l’aidions à retirer les castors de ses trappes. Nous demeurions là pour la nuit dans une petite cabane près de la rivière et nous dormions sur des matelas. Je me souviens quand il faisait le sirop d’érable. Il était vraiment artiste dans la sculpture du bois.
CHAPITRE 2: Son arrivée dans une maison apportait toujours récon-fort, consolation et espoir. […] Il aimait le plaisir sain […] Il laissait un rayon de soleil partout où il allait.
29. En fait, au début de l’année 1896, au cours d’une de ses rares visites à Montmartre, le pasteur de Wolseley était venu annoncer à M. et Mme De Tremaudan qu’il avait reçu l’ordre de faire cesser ces soirées de danse. Le bon prêtre admit que personnellement il comprenait que les danses de Montmartre étaient bien conduites, mais qu’il était tout de même obligé d’exécuter les ordres reçus. Le clergé du Canada ne tolérerait pas la danse, particulièrement les danses telles la valse, la polka, la mazurka, et irait jusqu’à refuser les sacrements aux personnes qui participeraient ou organiseraient des danses. Le pasteur conseilla aussi de ne plus inviter les jeunes de Wolseley à quelque rencontre que ce soit, les parents canadiens-français s’étant plaints que les jeunes n’étaient pas capables de travailler le lendemain d’une soirée dansante à Montmartre.
30. Doté d’une foi vive et profonde, il s’est dévoué de plein cœur au bien-être temporel et spirituel de ses ouailles. Il a partagé leurs efforts, leurs épreuves et leurs privations qu’il a déjà connus luimême. Ils lui faisaient confiance. Son arrivée dans une maison apportait toujours réconfort, consolation et espoir. Il réglait les différends et ravivait leur courage. Il était indulgent envers les pécheurs, mais était lui-même un ferme ennemi du péché sous toutes ses formes. Il relevait le paresseux et encourageait le timide. Il aimait le plaisir sain, ce qui était nécessaire à l’homme des prairies. Il laissait un rayon de soleil partout où il allait. Tel était le prêtre-missionnaire qui a exercé une influence profonde et durable sur les colons de Montmartre, autant par ses visites à leur demeure que par son ministère dans la pauvre église de Wolseley.
CHAPITRE 4: Nous avions une vie de famille tranquille là-bas.
48. Nous avions une vie de famille tranquille là-bas.
56. ((Fairy! Des poules dans le jardin!))
57. C: Qui l’a entraîné?
L: Oh! Nous ne l’avons pas entraîné. C’est lui qui nous a entraînés!
60. Mon père était terrible, un espiègle; parfois, il s’attirait des ennuis. [Un jour] il alla faire une tournée à cheval avec un autre enfant. Ils avaient des chevaux. Il eut beaucoup de plaisir! Une longue course soutenue et puis il revint, mit le cheval dans la grange et entra. […] Et son père l’a battu parce qu’il avait laissé l’animal suant dans la grange et qu’il aurait pu en mourir. […] Il était très fâché de cette négligence que mon père avait faite, de laisser cet animal sans réfléchir aux conséquences.
65. Aujourd’hui, c’est le 1er novembre [2004] et pourquoi ceci me revient à la mémoire, je ne le saurai jamais… peut-être parce que ma grand-mère, la mère de ma mère, est morte le 1er novembre 1920. Elle avait seulement 51 ans. Et ma mère est allée aux funérailles avec mon frère Jos qui avait deux ans et demi à ce moment-là. Alors, tu peux t’imaginer les remous que cela a dû causer dans Hanmer lorsqu’elle s’est montrée aux funérailles. Il a dû y avoir beaucoup de commérages. ((As-tu vu qui est ici?)) En tout cas, c’est juste un souvenir.
71. L: Il y avait un rodéo au parc Lansdowne. Et après le rodéo, ils vendaient tous les bœufs que les cowboys avaient montés. Quelque chose comme ça. Est-ce comme ça [que ça se passait]?
G: Ouais!
L: Quelque chose comme ça. En tout cas, il en a acheté un. Et les cowboys l’ont amené à la maison. Ils ont entraîné le pauvre animal et l’ont mis dans la grange. Il [son père] sort de la grange et ferme la porte, tu sais. Alors, le boulanger est arrivé et a dit: ((Il semble que vous ayez fait une bonne affaire avec ce bœuf. Allons le voir!)) Ils se rendent à la grange et Maman va avec eux…
G: … et elle a ouvert la porte…
L: … et le bœuf s’est sauvé!
79. […] comme elle a dû se sentir seule après le départ de mon père! Elle n’en a jamais, jamais parlé, ni même de mon père et je suis certaine qu’elle devait beaucoup penser à lui.
82. Ton père est un prêtre!
83. Après le départ de mon père, je pense à tout le travail que ma mère devait faire toute seule. Dans ce temps-là, il fallait mettre des doubles fenêtres pour l’hiver et les enlever au printemps. Et elle avait un jardin. Il y avait beaucoup de travail à y faire. Et pour le lavage, il fallait chauffer de l’eau dans une double chaudière. Pendant l’hiver, nous fermions la cuisine d’été et vivions dans le salon et la salle à manger qui n’étaient pas très grands. Mais évidemment, nous étions quatre et c’était une maison de quatre chambres à coucher à cette époque. Maman avait une machine à coudre Singer. Je pense que c’était la seule marque en vente à l’époque. Elle avait une pédale. Ça m’émerveille de penser comment elle a réussi à faire toutes les choses qu’elle a faites avec cette machine. Elle a fait tous nos vêtements. C’était une merveilleuse couturière, une bonne pourvoyeuse et une bonne cuisinière.
86. Joe Ray avait fabriqué un traîneau et après une tempête de verglas, quand les routes étaient glacées, nous – Joe, son frère Lorne et moi-même – descendions le chemin Pleasant Park en glissant à toute vitesse. Nous traversions les voies ferrées et descendions la colline escarpée à toute volée en priant pour qu’aucun véhicule ne vienne d’un côté ou de l’autre du chemin River.
87. Elle nous accordait beaucoup de liberté. Dans tout. Tôt au printemps, nous avions l’habitude d’aller nous baigner dans le trou d’eau sur le chemin Smith. C’était un trou qui avait été creusé pour tirer l’argile nécessaire à la fabrication des briques. Jack mentionnait ceci l’autre jour. Nous avions l’habitude de nous soucier que nos cheveux soient secs. Nous nous demandions si elle allait voir nos cheveux mouillés, tu sais. Et il a dit: ((Oh! C’est toi qui étais inquiet parce que la seule chose qu’elle avait à faire était de regarder ton cou, et il était propre!))
101. D: Il haïssait son père à cause de ce qui s’était passé. Il était l’aîné et il s’est senti complètement abandonné et il a vu comment le cœur de ma grand-mère avait été brisé. Et son cœur aussi était brisé! Il était assez âgé. Et il éprouvait du ressentiment envers lui. Il le haïssait et ne pouvait jamais dire un mot gentil à son sujet.
C: Quoi d’autre t’a-t-il dit au sujet de ton grand-père?
D: Je ne peux pas le répéter! Il avait l’habitude d’utiliser des mots pas gentils quand je demandais quelque chose à son sujet.
112. L: Le Juif et sa femme avaient un enfant. Ils habitaient en bas, nous vivions en haut. Et, tout d’un coup, un matin, il est parti avec sa famille! Le gars s’en est allé. Il a tout laissé là. […] Et puis, quand le Juif est parti, nous avons occupé toute la maison.
G: … et le magasin.
113. ((Grosse gâterie.))
114. Il y en avait des centaines là, à Billings Bridge, tu sais, vivant sous des tentes et tout ça. Bien [certains avaient recours à] d’autres expédients. Je ne pense pas que tous aient eu des tentes.
119. C’était de l’argent pour la faire taire.
120. Maman avait une très bonne amie, Mme Sutherland. Elle avait trois fils et elle et Maman sortaient assez souvent ensemble. Pour elles, une sortie c’était d’aller au jardin de thé sur la rue Sparks et de faire lire leur tasse de thé. C’était une vraie manie chez elles. Elle et Maman s’étaient jointes au club de quilles et elles y allaient une fois par semaine, je pense. C’était à peu près le plus grand divertissement que ma mère ait eu depuis un bon moment.
126. Pauvre Maman! Elle a certainement essayé beaucoup de choses!
137. Je ne me souviens pas d’avoir eu quoi que ce soit à déménager. Tout ce que nous avions c’était deux lits. Et en plus, quand nous avons déménagé sur la rue Slater et que nous sommes arrivés, l’appartement n’était pas vide. Alors, nous sommes montés à l’étage supérieur et c’était vide. Nous avons dû emménager là et déménager à nouveau au premier le lendemain matin.
140. ((REPOS COMPLET AU LIT.))
148. G: Quand Papa est décédé en 1944, nous ne savions même pas s’il vivait!
L: Non. Je me demande si Maman le savait.
G: Non. Je suis certaine qu’elle ne le savait pas. Je ne pense pas qu’elle ait entendu parler de lui du tout. Et j’imagine que c’est l’entente qu’ils avaient conclue quand il est parti, qu’il n’y aurait pas de communication.
150. Une femme de classe!
153. Elle m’a fait un manteau à partir d’un manteau que la femme de Lorne ne voulait plus. […] Je me souviens d’un [manteau] en particulier que j’aimais. C’était un petit manteau. Il avait de la fourrure aux poignets et elle avait fait un petit manchon de four-rure. Je l’AIMAIS! Je me sentais particulièrement chic dedans.
155. Mon père avait un vrai parachute et elle en a pris une pièce et m’a fait un parachute pour que je puisse le lancer dans les airs.
158. Je me souviens aussi qu’elle m’avait tricoté un chapeau. C’était une tuque que je détestais. C’était une tuque avec une partie qui descend sous le menton. Je ne voulais pas l’offenser alors je la portais en sortant de la maison et dès que j’étais rendu au bas de la rue, je l’enlevais. […] Elle était rouge et bleu.
161. S: Elle prenait toujours ses repas avec nous et elle lavait toujours la vaisselle chaque soir et elle AIMAIT ses patates en purée. Chaque soir, elle devait avoir des patates.
C: Toujours en purée?
S: Toujours en purée. Oh! Je devrais dire en purée ou bouillies, mais rien de plus fantaisiste que ça. Eh oui! Pour elle, un repas n’était pas complet s’il n’y avait pas de patates. Et je savais toujours si… bien elle et Maman s’entendaient bien. Mais évidemment, tu sais, si tu as deux cuisiniers dans la cuisine, parfois il y a des chamailles. Nous n’étions pas une maisonnée très expressive, alors il n’y avait pas d’éclats de voix, mais je savais toujours quand elle et Maman étaient en froid parce que Maman ne faisait pas les patates. […] Ma mère ne faisait pas les patates et Nanny ne lavait pas la vaisselle. Alors, je savais: ((Voilà!)) Elles ne se parlaient pas. Mais le lendemain, tout était revenu à la normale.
162. Je me souviens qu’elle a eu le mal de mer dans la chaise berçante sur la véranda.
165. Madame Rae, une petite dame très gentille et sociable, qui éprouvait du plaisir à faire des choses agréables pour ses amis, par exemple, faire une robe en soie de parachute pour un de mes nourrissons ou garder pendant que j’étais à l’hôpital pour donner naissance à un autre bébé. Et, à plusieurs occasions, garder pour nous donner la chance, à moi et à mon mari, de nous ((évader)). à l’occasion, aussi, elle arrivait avec une bonne blague. Elle adorait être grand-mère et mère de ses trois enfants et elle rayonnait carrément de fierté à leur sujet.
166. C’était une merveilleuse grand-maman! Je veux dire, elle avait l’allure d’une grand-maman et elle était toujours là pour nous. Quand j’étais en première et deuxième année, ma mère travaillait toujours, alors elle [grand-maman] faisait mon dîner et je crois qu’un de mes souvenirs les plus vifs est d’aller à la maison pour dîner avec elle. Nous avions l’habitude d’écouter ((Jake and the Kid)) à la radio. C’était sur l’heure du midi.
167. Une fois, je suis resté avec Nanny Ray chez mon oncle pendant que Maman était à l’hôpital pour donner naissance. à cette époque, je ne comprenais pas ce qui arrivait à ma mère, mais selon moi, elle était en grand danger. Nanny, voyant mon inquiétude, m’en parla. Comme je demeurais inquiet, elle me suggéra de marcher jusqu’à l’église et de dire une prière pour ma mère. J’ai fait ça et je me souviens d’être dans l’église tout fin seul en train de ((parler à Dieu)). Après avoir exprimé ma demande suffisamment, je revins voir Nanny et lui racontai mon expérience. Elle m’assura que maintenant qu’un enfant avait fait une demande à Dieu, tout irait bien. Alors, quand la naissance se déroula sans incident (du moins, c’est ce qu’on me dit), je ne fus pas surpris et je sentis que j’avais joué un grand rôle dans ce résultat.
168. D: Je me souviens d’avoir eu une discussion avec elle au sujet de Dieu. Je lui dis: ((Il n’y a pas de Dieu.)) Et elle dit: ((OUI, IL Y EN A UN.)) Et la discussion était comme ceci: ((Non, il n’y en a pas.)) ((Oui, il y en a un.)) Tu sais. ((Non, il n’y en a pas.)) Et nous discutions. J’étais une adulte, une jeune adulte. Et je dis: ((O.K. Nanny. Si tu meurs avant moi et qu’il y a un Dieu, tu reviendras me le dire.))
C: Qu’est-ce qu’elle a dit?
D: Elle a dit: ((Je le ferai.)) Et ce fut le point final.
172. Il y a eu une autre occasion où elle s’est fâchée contre moi. Ce fut toute une leçon que j’appris d’elle. Je n’avais pas l’intention d’être méchante. Je ne me souviens pas quel âge j’avais. Nous étions dans la maison d’Aylmer. C’était Noël et mes parents avaient l’habitude de nous donner de l’argent pour acheter un cadeau à Nanny. J’essayais de trouver un cadeau pour tout le monde et j’ai oublié que je n’avais pas de cadeau pour Nanny. Je n’avais plus d’argent et je savais que je ne pourrais pas en obtenir plus. Alors, j’ai fouillé dans mes tiroirs et j’ai trouvé une bouteille de parfum que je n’avais jamais ouverte. C’était un cadeau que j’avais reçu. Je ne me rappelais pas qui me l’avait donné. Alors, je l’ai enveloppé très joliment et je l’ai mis sous l’arbre de Noël pour Nanny. Et je n’y ai plus repensé par la suite. Je ne me rappelle rien de ce Noël. Mais le Noël suivant, je reçus ce même parfum de Nanny. Et j’étais très désappointée parce qu’elle nous donnait toujours quelque chose qu’elle avait fait elle-même pour Noël. Et j’avais très hâte d’ouvrir mon cadeau. Et je restai assise là et pensai: ((C’est le cadeau que je lui ai offert.)) Et je pensai: ((Oh Mon Dieu! C’est elle qui me l’avait donné.)) Et alors, je la regardai et elle était comme ceci [elle imite sa grand-mère qui la fixe du regard]. […] Oh! Comme j’étais irritée contre elle et elle contre moi. Nous n’en avons jamais parlé et je ne l’ai jamais dit à mes parents. En fait, je pense que je ne l’ai jamais dit à personne mais c’est quelque chose dont je me souviens.
175. Je me souviens d’elle, debout près de la fenêtre d’en arrière, se parlant à elle-même. […] Elle parlait en français alors je ne pouvais pas comprendre, mais je me souviens d’être entré dans la pièce et elle regardait par la fenêtre, très calme. Elle a pris soudainement conscience de ma présence et elle n’était pas gênée du tout. Alors… mais ce dont elle parlait ou bien à qui elle parlait…
178. S: Je dirais qu’elle était amusante et affectueuse, mais à la fois mystérieuse. Et cajoleuse.
C: Pourquoi mystérieuse?
S: Je suppose que c’est à cause des larmes que je voyais de temps en temps, […] parce qu’elle passait beaucoup de temps seule et il semblait qu’elle aimait ça de cette façon-là. […] Alors, elle était juste introspective tout le temps, tu sais. Elle avait beaucoup de choses en tête et marmonnait pour elle-même parfois. Je me demandais à quoi elle pensait. Plus tard, quand j’ai appris son histoire et que je me suis rappelé comment les choses avaient été, tout s’est éclairci. à l’époque, lorsqu’elle pleurait ou bien lorsqu’elle adoptait une attitude tranquille alors qu’à d’autres moments elle était si extrovertie, je croyais que c’étaient de petits incidents passagers. Tout ça a soudainement eu du sens.
C: Votre frère m’a dit qu’un jour, il l’avait surprise près de la fenêtre à se parler à elle-même doucement. Vous est-il arrivé la même chose?
S: Souvent, oui! Elle était comme ça. Elle semblait simplement regarder dans le vide en marmonnant. Je la regardais et me demandais de quoi elle pouvait bien parler. […]
C: Est-ce qu’elle parlait en français ou en anglais?
S: En français. C’était habituellement en français. Je pensais qu’elle priait ou essayait simplement de faire le point sur les raisons pour lesquelles sa vie était devenue ce qu’elle était ou avait suivi ce cours. Mais je ne pense pas qu’elle ressentait de la tristesse. Je n’ai sûrement jamais senti d’amertume chez elle, jamais. Mais elle était peut-être triste que les choses aient tourné de cette façon… Peut-être qu’elle aurait souhaité que les choses tournent différemment. Mais elle n’était JAMAIS fâchée et elle ne se sentait jamais comme une victime.
CHAPITRE 9: Une maison où habite un aïeul recèle un joyau.
186. C’est un genre de club pour les gens âgés […] et il était sur la rue Bronson, juste en face du Musée de la guerre. […] C’était un centre communautaire auquel elle appartenait et où elle se rendait une fois par semaine peut-être. Ils jouaient aux cartes et développaient des relations sociales. Chaque année, ils avaient la journée des petits-enfants et elle m’emmenait là à cette occasion et je voyais tous ces gens âgés rayonnants, tu sais, si heureux d’avoir leurs petits-enfants avec eux.
187. S: Elle ne sortait À peu près pas. à l’exception de ses visites au club Good Companions, elle sortait rarement. Alors, elle et moi passions beaucoup de temps ensemble.
C: Qu’est-ce que vous faisiez?
S: On regardait la télévision et… bien elle peignait beaucoup aussi.
C: Elle n’a jamais pris de cours de peinture?
S: Non. […]
C: Est-ce qu’elle vous l’enseignait ou bien est-ce qu’elle vous laissait jouer…
S: […] J’étais tout à fait satisfaite de m’asseoir et de la regarder faire.
188. Elle adorait [les émissions] ((Ed Sullivan)) et ((Laugh-In)). Elle prenait plaisir aux comédies c’est certain.
189. […] Elle avait une télévision dans sa chambre et elle était un oiseau de nuit plus que nous alors elle avait des écouteurs. Elle regardait la télévision et elle riait et riait au cours des émissions. Alors, c’est le souvenir que j’ai gardé d’elle: assise et riant seule devant la télé et ayant beaucoup de plaisir.
196. Elle était toute noire et bleue! […] Tout le monde était si indigné!
197. Un joli petit appartement, propre et rangé. [Il y avait] des peintures, habituellement une sur le chevalet et quelques plantes. Un charmant petit appartement.
199. , […] .