1823.
(…)
Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du
Palais-Royal, le 30 octobre 1790.
Guillaume-Charles-Antoine PIGAULT-LEBRUN naquit à Calais le 8 avril 1753. Son père était président du tribunal appelé les Traites, qui jugeait de toutes les causes relatives à la fraude.
Il entra encore jeune au service, et était dans la gendarmerie de la maison du roi, lorsque la révolution arriva. En 1792, il fut inspecteur des remontes. Ce sont les seules fonctions qu'il ait remplies lors des troubles politiques. Long-tems après, le frère de Buonaparte, Jérôme, voulut l'emmener en Westphalie après l'avoir nommé son bibliothécaire; mais l'empereur s'y opposa, et après avoir porté le titre honorifique de cet emploi pendant trois jours, il resta à Paris, et n'alla point en Westphalie comme l'assurent certains recueils peu exacts et quelques libelles mensongers. C'est uniquement la démangeaison de faire de l'esprit aux dépens de la vérité qui a fait dire, dans je ne sais quelle biographie, qu'étant à la cour du roi Jérôme, il avait été l'Horace du Mécène Corsico-Westphalien. Depuis long-tems M. Pigault-Lebrun occupe une place dans une administration, et il n'a jamais intrigué pour faire sa fortune, ni ambitionné de parvenir aux honneurs.
M. Pigault-Lebrun jouit de deux réputations littéraires bien distinctes; et sous le rapport d'auteur dramatique, ce n'est plus le même homme considéré comme romancier; ses pièces de théâtre offrent un heureux mélange de sensibilité, de délicatesse et d'esprit, dont il est même trop prodigue et qui le fait remarquer entre tous les auteurs ses contemporains. C'est le successeur le plus distingué qu'ait eu Marivaux, et le meilleur disciple de son école. Toutefois on doit lui reconnaître plus de gaîté avec autant de brillant; mais il lui est inférieur en finesse, en comique de situations. Il est resté loin de son modèle dans l'analyse des sentimens du coeur des femmes, et surtout dans l'observation des convenances.
Avec le beau talent que M. Pigault-Lebrun a reçu de la nature, il eût été l'un des premiers écrivains de son siècle, si dans toutes ses productions il eût mis la circonspection qui est nécessaire à un auteur pour se faire lire de la bonne compagnie et toutes les classes du beau sexe.
Voici à peu de chose près la liste des pièces qu'il a composées depuis le commencement de sa longue carrière littéraire, outre celles qui sont insérées dans la présente collection.
Charles et Caroline, comédie, la première qui ait été jouée au Théâtre Français, après qu'il eût pris le titre de Théâtre de la République.
Les Dragons et les Bénédictines, et les Dragons en cantonnemen, comédies, jouées au théâtre de la Cité, en l'an II.
Les Moeurs et le Divorce, comédie, jouée au même théâtre, la même année;
Les Empiriques, comédie, jouée en l'an III au même théâtre.
Le Blanc et le Noir, drame, joué à la Cité, en l'an IV, ainsi que l'Esprit follet, comédie.
La Lanterne magique, jouée aussi à la Cité, en l'an VI; Contre-tems sur contre-tems, comédie, donnée aux Variétés.
Le Memnon français, comédie, jouée à Saint-Quentin en 1807, et ensuite aux Français.
L'Orphelin, comédie, jouée à la Cité.
En outre il a donné les pièces suivantes, jouées à divers théâtres: Le Marchand provençal, comédie; La Mère rivale, comédie; Séraphine et Mendoce, comédie; la Joueuse, comédie en vers; L'Orpheline, comédie; Les Femmes rusées, comédie; et le Cousin et la Cousine, comédie.
Il a donné à Feydeau Les Sabotiers et le Major Palmer, opéras-comiques.
Enfin il a fait, en société avec M. Chazet, Les Comédiens d'une petite ville, vaudeville; et avec M. Dumaniant, Les Calvinistes.
Nous ne donnerons pas ici la nomenclature de ses romans, qui serait longue et inutile. Pendant trente ans il ne s'est guère écoulé de mois qu'on n'en ait vu éclore un de sa composition; nul n'en a fait en aussi grand nombre que lui depuis Retif de la Bretonne, qui d'ailleurs était prodigieusement au-dessous de lui pour le style.
M. Pigault-Lebrun paraît maintenant se livrer à un genre plus sérieux et s'occuper d'ouvrages importans. Il vient de publier une histoire de France, en 6 volumes in-8°. Quel que soit le succès qu'elle obtienne, elle sera toujours jugée au-dessus de celles de Velly, du père Daniel, et autres historiens obséquieux ou prévenus.