Arme d’hast qui est composée d’un long pieu sur lequel était emmanchée une lame tranchante recourbée à pointe droite. Cette arme, qui ressemble au fauchart, était utilisée à partir du XIVe siècle par les piétons qui s’en servaient fréquemment pour tailler les jarrets des chevaux.
Une arme d’hast se compose d’un long manche de bois terminé par une partie métallique plus ou moins évoluée. Le mot vient du latin hasta (lance). La lance est en effet l’arme d’hast la plus primitive. Ensuite, tout au long du Moyen Âge, différentes armes d’hast furent utilisées par les fantassins : hallebarde, fauchart, guisarme, vouge…Il est d’ailleurs parfois difficile de les différencier.
Se dit d’une arme ou d’un coup destiné à percer (avec la pointe).
LES ARCHERS DU ROI
JOËL MEYNIEL
© 2017 by Meyniel Joël
Éditeurs : BoD- Books on Demand,
12/14 rond-point des Champs Elysées, 75008 Paris.
Impression : BoD-Books on Demand, Norderstedt Allemagne.
ISBN : 9782322083749
Dépôt légal : septembre 2017.
Photographie de couverture :
La bataille de Montlhéry 16 juillet 1465. (Auteur inconnu)
Maquette de couverture :
Joël MEYNIEL
« VULNERANT OMNES, ULTIMA NECAT »
AVANT-PROPOS
L’ost du roi d’Angleterre commença à inclure des archers en grand nombre au tournant des XIIIe et XIVe siècles, lors des guerres contre les Écossais, puis contre les Français, lors de la guerre de Cent Ans. Cette époque marque l’apogée de l’archerie militaire en Europe. Les archers formaient au moins les trois quarts des fantassins de l’ost du souverain d’Angleterre et les plus redoutables étaient les archers gallois. La vitesse et la précision de leur tir causèrent des ravages dans les osts français. La plupart des rois de France, non convaincus de l’utilité stratégique des archers persistèrent à croire en la supériorité de la cavalerie sur l’artillerie et de l’arbalète sur l’arc. Au contraire, les rois d’Angleterre encouragèrent l’exercice à l’arc dans les campagnes du royaume pour pouvoir compter, à tout moment, sur des archers nombreux et bien entraînés. L’arc devint un compagnon inséparable et se voyait partout. Il occupait la place d’honneur au-dessus de la cheminée. Les nobles le portaient comme on porte aujourd’hui le fusil. Il fallut des décennies et bien des défaites pour que les Français comprennent et admettent leur erreur.
Acteurs oubliés de l’histoire officielle et malgré la rareté de la documentation, j’ai voulu à travers ce livre mieux cerner la vie des archers et arbalétriers qui pendant des décennies ont régné sans partage sur les champs de bataille et comprendre les motivations des belligérants.
Un archer en guerre. Chapiteau d’une église romane. XIVe siècle. (Cantal) (Photo de l’auteur)
PRÉFACE
Arc : arme dont le nom vient du latin Arcus signifiant éloigner, repousser, arme noble en tous lieux, arme de combat qui vise à établir l’ordre du monde, arme d’expulsion qui élimine les puissances du mal par l’intermédiaire des flèches, dispositif spirituel qui symbolise le destin, image de l’arc-en-ciel, qui est la manifestation de la volonté divine.
Au même titre que la roue ou le feu, l’arc est une invention majeure de l’humanité. Dans cette perspective, l’arc révolutionne la vie des hommes, par les progrès qu’il permet d’accomplir dans les techniques de chasse, mais aussi de guerre. C’est ce qui en fait un des outils les plus importants du patrimoine humain.
Il est fort probable que l’arc existait il y a 50 000 ans. Des pointes de flèches datant de cette époque ayant été découvertes à Bir-El-Ater en Tunisie. L’arc apparaît sur tous les continents sauf, en Australie, où on a utilisé et gardé l’usage du boomerang et du propulseur (woomera).
Les Égyptiens ont été les premiers à utiliser l’arc à des fins militaires il y a quelque 5 000 ans.
Les Assyriens ensuite, vers 1800 av. J.C, furent l’une des plus grandes puissances militaires de l’Asie occidentale, à utiliser cette arme. Ils auraient, également, introduit le cheval et le char dans l’art de la guerre. Ils fabriquaient des arcs avec différents matériaux : tendon, os ou bois.
Ils ont également donné à l’arc une nouvelle forme, plus courbée, ce qui augmentait sa puissance. L’arc était plus court, l’archer pouvait plus facilement le tenir lorsqu’il était en selle.
En Chine, l’arc de guerre remonte à la dynastie Shang (1766-1027 av. J.-C.). À cette époque les batailles opposaient des chars avec trois hommes à bord : le conducteur, le lanceur et l’archer. Sous la dynastie suivante, celle des Zhou (prononcer Chou) (1027-256 av. J.C), les nobles de la cour participaient à des tournois de tir à l’arc, accompagnés de musique et ponctués d’élégants saluts.
En 1200 av. J.-C., les Hittites (peuple de l’Anatolie centrale) auraient utilisé l’arc sur des chariots rapides et légers qui leur permettaient de terroriser leurs adversaires lors des batailles au Moyen-Orient.
Chez les Romains et les Gallo-Romains, l’utilisation de l’arc est plutôt considérée comme un « sport » (753 av. J.-C. — 476 apr. J.-C.).
Toutefois dans les légions romaines on trouve quelques archers de guerre, ce ne sont pas des Romains, mais des mercenaires recrutés sur les plateaux d’Asie Mineure.
Ce sont les Parthes (250 av. J.-C.-224 apr. J.-C.), peuple semi-nomade d’origine iranienne, installé en Parthie, région située au nord du plateau iranien et au sud-est de la mer Caspienne, qui redonnent à l’arc son importance militaire.
Ils fondèrent un empire qui sous Mithridate s’étendait en Iran et en Babylonie. Leur organisation sociale reposait sur une aristocratie guerrière.
Ils furent les premiers, en Occident, à donner un aperçu des techniques d’une véritable cavalerie d’arc : lors du règne d’Oröde II, sous les ordres du général en chef Serena, ils affrontèrent les Romains vers 50 av. J.-C., et les écrasèrent avec une armée uniquement composée de cavaliers archers.
La perfection totale de la symbiose Homme/Cheval/Arc court (composite) se réalisa vers 1200, lorsque les Mongols de Gengis Kan (1167-1227) appliquèrent les principes de frappe et d’esquives exposés dans le meilleur traité sur la guerre qui ait jamais existé et qui fut rédigé par le Chinois Sun-Tzu en 500 av. J.-C. Les Mongols maîtrisaient parfaitement les manœuvres de troupes d’archers cavaliers avec des arcs d’une puissance de 70 à 160 livres et d’une portée de 500 mètres maximum capables de percer une armure à 200 mètres. Eux seuls ont su perfectionner la combinaison Homme/Cheval/Arc pour en faire un élément décisif dans les batailles et acquérir une redoutable renommée auprès de leurs adversaires par l’utilisation experte de cette arme dont ils étaient passés maîtres.
Les Assyriens, et les Mongols vont propager cette « voie de l’arc et du cheval » comme la nomment les Asiatiques.
Cette pratique militaire nous parviendra par l’intermédiaire des Sarrasins.
En effet les musulmans adoptèrent l’arc des Mongols après leur défaite contre eux à Talas en 751 et leur assimilation par les turco-mongols.
Bien que vaincus et repoussés par Charles Martel en 632 à Poitiers, les Arabes utilisent l’arc avec succès lors de leur expansion en Occident à partir de 630, et personne à cette époque ne prend alors la mesure de l’importance stratégique de cette arme, bien que l’on se rende compte de sa terrible efficacité. Il faudra attendre l’arrivée de Carolus Magnus Augustule, c’est-à-dire Charlemagne, pour que soient compris et adoptés les dispositifs militaires des Arabes. Par une série de décrets (les Capitulaires), il réglemente les choses de la guerre. Il met en place une cavalerie moderne et exige que « les soldats soient armés d’une lance, d’un bouclier, d’un arc avec deux cordes et douze flèches ».
Mais en 814, sa mort laisse un pays en proie au chaos des successions, ses décrets ne sont plus appliqués et tombent dans l’oubli.
C’est aux quatorzième et quinzième siècles, avec la guerre de Cent Ans, que l’archerie militaire vivra sa période la plus fastueuse en Europe. Ceci pour deux raisons : l’utilisation stratégique des archers lors des batailles, et les nouvelles méthodes de recrutement des soldats. Cette période est celle des expérimentations et des développements pour l’établissement d’une identité des armées. Il n’est pas facile de retracer ce qu’était la vie de ces soldats archers, les sources sont rares et éparses. Personne apparemment à cette époque n’a jugé utile d’écrire un traité d’archerie militaire. Ce travail fut fait pour la première fois par Roger Ascham en 1544, mais c’était un érudit, pas un militaire.
Ce n’est pas avant 1590 qu’un militaire, un certain John Smythe, écrivit un ouvrage traitant de l’archerie militaire, en réaction à la suppression officielle de l’arc dans la liste des armes de l’ost anglais.
Pourtant avec patience et curiosité, on parvient en cherchant du côté anglais et français, à reconstituer ce que fut la vie des archers soldats pendant la guerre de Cent Ans, appelée par les Anglais « the French War » : « la guerre des Français ».
Les deux osts qui s’affronteront vont faire de l’arc la pièce maîtresse des combats, surtout du côté de l’ost anglais, car toute sa force repose sur l’utilisation de cette arme, rapide et très meurtrière. L’ost anglais compte des archers anglais, et surtout des archers gallois qui utilisent comme arc le redoutable « Long Bow », mais aussi des archers français. Les archers sont beaucoup moins nombreux dans l’ost français, car en France, les stratèges préfèrent l’arbalète, certes plus puissante, mais malheureusement très lente.
Pendant toute cette période, l’utilisation stratégique de l’arc, fer de lance des osts, marquera les grandes heures de l’histoire militaire de l’Europe. Mais la guerre de Cent Ans signifiera aussi le déclin de l’arc « arme de guerre ». Au début seizième siècle, la fin du féodalisme, résultant de la centralisation et de l’accentuation de l’autorité du gouvernement royal, associée aux problèmes de recrutement en nombre de soldats archers et surtout l’utilisation de plus en plus importante d’armes à feu (ou à poudre) conduit progressivement et définitivement à la disparition de l’arc dans les opérations militaires.
Aussi, remontons le temps et retraçons les derniers grands moments de l’histoire de cette « arme de guerre », avant qu’elle ne devienne une « arme de sport », partons sur la trace des hommes de trait.
CHAPITRE I
LA GUERRE :
MANIFESTATION DE LA CRISE FÉODALE
Si les XIIe et XIIIe siècles furent une période de croissance et d’expansion, les XIVe et XVe siècles, par contre, furent une période de dépression économique. Les famines, les épidémies, (en particulier celle de la peste noire en 1348), la fiscalité, le brigandage, la pauvreté, les désertions de village, la dépopulation, et surtout la guerre de 1337 à 1453, dite de Cent Ans, ont eu une action paralysante sur l’économie pendant plus d’un siècle. L’état de guerre et la bataille étaient deux faits militaires complètement différents. Le conflit au sens moderne n’existait pas.
Au Moyen Âge, l’origine, la nature, la finalité et la conduite de la guerre doivent être compatibles avec l’éthique chrétienne dont l’influence en ce domaine est prépondérante.
D’une manière générale, l’Église n’accorde qu’aux rois et suzerains le droit de faire la guerre de leur propre chef.
Les mandataires subalternes doivent recourir à l’arbitrage des pouvoirs souverains pour régler leurs différends. C’est la justice seigneuriale. Il existe donc deux recours possibles : la voie de fait et la voie de droit.
En réalité, jusqu’au XIIIe siècle, le droit va uniquement s’exercer par le déclenchement de « guerres privées » permettant aux nobles d’assouvir une vengeance, ou le désir de s’emparer des biens d’un autre, avec pillage, rapts et viols. Ces « hostilités privées » n’étaient en fait que des batailles. C’était une « procédure de Paix », dans la mesure où l’accepter c’était vouloir mettre un terme définitif au différend opposant deux seigneurs.
Cette conception de la guerre privée, héritée de l’ancienne faida (droit de vengeance) des Germains, avait pratiquement disparu à l’époque de Charlemagne. Elle réapparaît au Xe siècle avec la décadence du pouvoir central. L’attaque personnelle a ses règles propres. Elle s’étend à tout le lignage des belligérants jusqu’à un degré avancé. Les guerres entre nations n’existent pas. Il n’y a que des luttes entre un seigneur et son vassal, des rivalités entre seigneurs ou des vengeances entre seigneurs.
En France, les guerres privées sont particulièrement nombreuses et violentes. Un énorme effort est entrepris, à partir du XIIIe siècle, pour limiter, puis interdire le droit de guerre qu’avaient les nobles simples, car ils en revendiquaient l’usage depuis des temps immémoriaux. Les « guerres » privées seront interdites par les ordonnances de Saint Louis en 1245, puis par de nombreux édits répétés au cours du XIVe et jusqu’au XVe siècle.
En Angleterre, seule la guerre du roi est légitime. Les guerres privées ne sont pratiquement pas reconnues, cependant, elles existent de fait, par exemple, la Guerre des Roses : « guerre » civile entre le roi et les barons prétendants à la couronne.
En France et en Angleterre, ces « guerres » soudent les membres d’une famille et la vengeance se transforme alors en vendetta. On recrute parfois des tueurs à gages, souvent d’anciens bannis ou des bâtards délaissés.
Les actions armées rassemblent environ une cinquantaine d’individus et les femmes n’en sont pas absentes.
En fait, les rois ne les interdisent vraiment que pendant leurs propres guerres (la guerre du roi). Car la chevalerie appartient à cette noblesse dont la formation depuis le plus jeune âge est fondée sur la violence et les faits d’armes.
Par la suite, vers 1250, les échauffourées privées se font plus rares. À l’interdit de Saint Louis, s’ajoutent les restrictions imposées par les saisons (on ne se bat pas quand il pleut), celles imposées par le soleil (on ne se livre pas combat la nuit) et celles imposées par l’Église : la Paix de Dieu et la Trêve de Dieu :
La Paix de Dieu : règle qui protège les non-belligérants (pèlerins, femmes, enfants, paysans, marchands) et les biens publics (églises, moulins, récoltes, animaux). Il est interdit de les attaquer, tuer, ou détruire.
La Trêve de Dieu : interdiction de se battre pendant les périodes de l’Avant, du Carême, et de Pâques. Il est également interdit de combattre : du vendredi au lundi matin, dans un premier temps, puis à partir de 1200, du mercredi soir au lundi matin. Autrement dit, il devient impossible de mener une guerre privée. Violer ces règles est particulièrement grave et entraîne de la part des tribunaux religieux des sanctions, toujours extrêmement sévères, la plus impitoyable étant l’excommunication.
Désormais, l’activité essentielle du chevalier n’est plus la guerre, mais les tournois ou la croisade lorsque le pape en prêche une.
Ces restrictions profitables à la société et à l’économie auront des conséquences graves, à savoir une décadence de l’institution militaire.
La « guerre » en elle-même est source de revenus pour une noblesse toujours en recherche de ressources financières.
Les « lois » de la guerre de l’époque le montrent bien, on tue peu, mais on rançonne, on pille et on rapine beaucoup.
La guerre est enfin le prétexte dont on a besoin pour lever des impôts.
Pour tirer encore plus de profit, on comprendra pourquoi la noblesse pousse aux guerres extérieures.
Les osts royaux des premières décennies de la « guerre » de Cent Ans, sous Philippe de Valois (1328-1350) se révèlent largement inefficaces, non pas tant pour des raisons administratives ni même pécuniaires que pour des raisons relatives à la motivation et à la tactique utilisée sur le terrain.
On déplore l’absence de discipline de la chevalerie, autrement dit, le manque de sérieux dans la préparation physique et morale aux combats et de compétence dans le déroulement de l’action. Charles V (1364-1380) tenta de remédier à ces défaillances grâce à une sélection plus rigoureuse des capitaines et de leurs hommes, par un paiement plus régulier de troupes moins nombreuses et mieux entraînées, et par le recours à des gens de trait (archers et arbalétriers) en partie d’origine étrangère.
Ces réformes n’empêcheront pas les désastreuses défaites du début de la « guerre » de Cent Ans.
Toutefois, dans des circonstances économiques, idéologiques et politiques très difficiles, les dizaines de « compagnies de gens d’armes » et de trait recrutées en France, mais aussi en Italie, ou en Écosse parvinrent à contrer plus ou moins des forces anglaises plus homogènes et beaucoup mieux organisées, mais à peine plus nombreuses.
La « guerre » de Cent Ans est une manifestation de la crise que rencontre la société féodale, mais elle fut aussi un facteur de mutation actif. Elle modifie les frontières, impose la création d’impôts qui entraînent le perfectionnement de l’appareil de l’État.
Cette guerre et ses épreuves vont forger dans l’esprit des peuples le sentiment de former une nation, d’appartenir à une même communauté nationale. La population se soude par une histoire commune. Et cela aussi bien du côté anglais que français.
Dans les deux pays, les besoins d’argent et de troupes ont renforcé l’autorité royale, mais ont aussi été à l’origine des fractures dans le corps politique, obligeant les gouvernements à consulter toutes les catégories sociales ce qu’illustre le développement du parlement anglais.
En France, après l’expulsion des Anglais, la monarchie française a commencé à régner sur un pays plus unifié.
CHAPITRE II
LA GUERRE DE CENT ANS
(1337-1453)
Les causes.
Les belligérants.
Les rois de France et d’Angleterre.
L’économie.
LA FRANCE AU DÉBUT DE LA GUERRE DE CENT ANS.
L’expression « guerre de Cent Ans » semble être apparue en France au début des années 1860, puis fut généralement utilisée depuis pour désigner cette période de conflits entre la France et l’Angleterre.
La « guerre » de Cent Ans n’est pas ce que l’on s’imagine souvent, à savoir des années de combat continuel.
Entre 1337 à 1453, soit en fait cent seize ans, la « guerre » de Cent Ans correspond à une série de conflits distincts, entrecoupés de trêves, qui ont éclaté pour des raisons dynastiques, féodales et économiques.
LES CAUSES.
LES CAUSES DYNASTIQUES.
LA DYNASTIE DES CAPÉTIENS ET DES CAPÉTIENS VALOIS : LE PROBLÈME DE SUCCESSION EN 1328
À la mort du dernier Capétien direct (Charles IV le Bel) en 1328, pour la première fois depuis Hugues CAPET, il n’y a plus d’héritier mâle pour la couronne de France. Normalement la « garde et la conduite du royaume » devaient revenir à Isabelle, fille de Philippe le Bel et épouse du roi d’Angleterre Édouard III. Selon la loi Salique (loi des Francs), il semblait admis que les femmes à défaut d’accéder à la couronne de France pouvaient transmettre au moins leurs droits, or les juristes français interprètent cette loi Salique : selon eux, elle interdit à une femme de porter, mais aussi de transmettre la couronne de France. Déjà, les filles de Louis X le Hutin avaient été écartées au profit de Philippe V. On disait alors : « C’est trop belle chose que le royaume de France pour être conduit par une femme ». Mais cette loi salique ne s’applique qu’en France, elle n’a donc aucune valeur pour les autres royaumes.
En conséquence trois prétendants s’opposent pour accéder à la couronne de France :
PHILIPPE DE VALOIS (1294-¤1328-1350). Fils de Charles de Valois, frère de Philippe le Bel. À la mort de Charles IV, il se voit confier la régence.
ÉDOUARD III (1312-¤1327-1377). Roi d’Angleterre, son père, Édouard II, a épousé Isabelle de France, fille de Philippe le Bel et sœur des trois derniers rois dont il est le neveu. Il est incontestablement le plus proche parent du roi défunt, d’autant plus que son grand-père, Édouard I, avait lui-même épousé la fille de Philippe III le Hardi.
CHARLES II LE MAUVAIS (1322-1387). Roi de Navarre. La généalogie de Charles le Mauvais est extraordinairement embrouillée. Par sa mère Jeanne de Navarre, il est petit-fils de Louis le Hutin, arrière-petit-fils de Philippe le Bel ; par son père Philippe d’Évreux, neveu de Philippe le Bel, il est l’arrière-petit-fils de Philippe III le Hardi (père de Philippe le Bel).
Les États généraux, réduits à la réunion des pairs et des barons furent convoqués pour se prononcer. Ils écartèrent Édouard III et Charles le Mauvais en application de la loi Salique et choisirent Philippe de Valois, neveu de Philippe le Bel, parce qu’il « était né du royaume ».
Il est couronné à Reims et prend le nom de Philippe VI. Avec lui débute la dynastie des Capétiens Valois (le Valois se situe au nord de Paris, les principales villes en sont Compiègne et Senlis).
Contrairement à Charles le Mauvais, Édouard III semble accepter ce choix puisqu’il prête au nouveau roi le serment de fidélité qu’il lui doit pour ses possessions de Guyenne (l’Aquitaine d’aujourd’hui, capitale Bordeaux, plus le Limousin, le Périgord, le Quercy, l’Agenais, et une partie de la Gascogne et de la Saintonge) et de Ponthieu.
LES CAUSES FÉODALES
C’est en réalité la Guyenne qui va jouer le rôle primordial dans le déclenchement du conflit. À plusieurs reprises des désaccords s’étaient révélés entre le suzerain français et son vassal anglais, surtout du fait des empiétements français en Guyenne. Les négociations durèrent six ans. Édouard III était prêt à des concessions, à condition qu’on lui laisse les mains libres en Écosse. D’autre part, quand le Parlement de Paris jugea en appel les procès de Guyenne, il cassa systématiquement les arrêts des tribunaux anglais. Les rapports se tendirent au point que Philippe VI confisqua le Duché de Guyenne en 1337. La réaction d’Édouard III ne se fit pas attendre, il riposta en revendiquant la couronne de France dans une lettre de défi qu’il envoya à Philippe VI : « Comme ainsi soit que la succession de notre cher oncle Monseigneur Charles, roi de France, nous soyons héritiers de la couronne de France comme plus prés degré que vous soyez, qu’en la possession de cet héritage vous vous êtes mis et tenez de force, que nous l’avons fait remontrer par plusieurs spéciaux avis comme du Saint Collège de Rome et du noble empereur, chef de toutes les juridictions, auxquelles choses vous n’avez rien voulu entendre, mais vous tenez à tort en votre opinion, en conséquence, nous vous certifions que nous conquerrons par notre puissance notre héritage de France et, de ce jour, nous vous défions et vous tenons pour ennemi et adversaire. Donné à Westminster, en notre grand conseil, le dix-neuvième jour du mois d’octobre, an de grâce mille trois cent trente-sept. »
La rupture entre les deux royaumes était alors officielle.
LES CAUSES ÉCONOMIQUES
Le comte de Flandres, Louis de Nevers (1322-1346), vassal du roi de France est fidèle à son suzerain et à son royaume. Mais dans les grandes villes drapières de Bruges, Gand et Ypres, les notables flamands, même français, n’aiment pas la France. Ils préfèrent l’Angleterre dont dépend leur prospérité, car ils vivent du tissage des laines anglaises. Après avoir rompu, en tant que vassal, son serment de fidélité avec Philippe VI, Édouard III exploite donc cette situation en interdisant l’exportation des laines anglaises vers la France, privant ainsi les Flamands de la matière première de leur industrie. Le manque de matière première qui nuit gravement à l’économie flamande, et son important commerce du blé avec la France ne suffisent pas à compenser l’activité lainière, ni à résorber le chômage et la misère que cette décision a provoquée. Pour les Flamands, cela ne fait aucun doute, la responsabilité de la crise incombe au roi de France. Les artisans et le menu peuple flamand maugréent contre Louis de Nevers et les grands bourgeois se tournent vers le roi anglais. Un grand bourgeois, riche et considéré, Jacob Van Artevelde, âgé de 52 ans, « subtil et bien engagé », s’adresse aux Flamands sur la place de la Biloke. Dans un long discours, il incite ses concitoyens à se soulever contre la suzeraineté du roi de France et annonce qu’il est prêt à engager des négociations avec Édouard III. Il est élu capitaine de sa paroisse, puis capitaine général de la ville. Philippe VI aide alors le comte de Flandres, Louis de Nevers, et écrase les milices flamandes à Cassel (1328), tandis que les révoltés ont l’appui des Anglais. Louis de Nevers, qui a fait appel au roi Philippe VI est chassé de ses états par les Flamands et se réfugie en France.
La victoire de Cassel donnait à Philippe VI un prestige et une supériorité militaire qu’il jugea suffisants pour exiger d’Édouard III que celui-ci lui rende à nouveau hommage comme vassal pour la Guyenne et la Gascogne. Édouard III se soumit, lié par la loi féodale, mais jura de se venger de cette humiliation. Édouard III hésitera longtemps avant de se lancer dans une opération militaire, tant le royaume de France semble puissant. Il cherchera des alliés et s’assurera le concours du comte de Hainaut, de l’empereur Louis de Bavière, du duc de Brabant et de Jacob Van Artevelde. Fort de ces soutiens, il réclame de nouveau le trône de France. Pour sauver leurs filatures, les Flamands décident d’appuyer les prétentions d’Édouard III.
Philippe VI commence les hostilités par la saisie de villes en Guyenne. Édouard III saisit l’occasion pour débarquer sur le sol français et s’assurer la maîtrise de la mer par sa victoire navale de L’Écluse (1340), où la flotte française est anéantie par la flotte anglaise et flamande.
LES BELLIGÉRANTS
LA FRANCE
La France du XIVe siècle est beaucoup plus peuplée que la Grande-Bretagne. Elle compte environ seize millions d’habitants contre cinq seulement pour le royaume d’Angleterre, mais une partie importante de ses résidents est sous l’autorité du roi d’Angleterre. De plus l’éloignement des différentes provinces, et les communications difficiles ont donné naissance à des mœurs singulièrement individualisées. Il n’y a pas de langue « nationale », mais un dialecte dans chaque province. La frontière linguistique entre le Nord et le Midi délimite toujours deux façons de vivre. Le roi règne sur son domaine, mais il est aussi le suzerain des autres chefs de fiefs.
Le royaume de France atteint à l’Est des limites qui suivent à peu près l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône : ce qu’on appelle les « quatre rivières ». Mais, il est cerné par quatre fiefs indépendants : la Bourgogne, la Bretagne, la Flandre et la Guyenne : les trois derniers posent problème car leur économie oriente plutôt les échanges vers l’Angleterre que vers le reste du royaume. Le Roussillon et le Comté de Catalogne sont possessions Aragonaises depuis 1258. La chaîne des Pyrénées n’est pas encore prise pour frontière de manière officielle et la Navarre déborde du côté français. La Provence relève du Saint Empire Germanique, enfin, Avignon est ville pontificale.
La société antique était formée d’individus, la société médiévale se compose de familles. Le personnage principal en est le père, sa préoccupation principale doit être de conserver ce qu’il a lui-même reçu en héritage. Cette règle est valable pour le roi comme pour les simples paysans. Cet état d’esprit aide à comprendre les réactions des prétendants à la couronne.
LA GRANDE BRETAGNE
Elle est gouvernée par le roi d’Angleterre, en 1327, c’est un adolescent de 15 ans. À son accession au trône, l’autorité d’Édouard III Plantagenêt ne couvre même pas l’ensemble des îles britanniques : l’Écosse a reconquis son indépendance en 1314 et l’Irlande tend à devenir libre. Son territoire est donc un petit royaume, mais il ne faut pas omettre la part importante des possessions anglaises en France (la Guyenne et le Comté de Ponthieu).
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