Books on Demand GmbH
ISBN: 978-2-3221-4942-1
© Isabelle de Vrÿ, 2018
Je crois en une vie après la mort, tout simplement parce que l'énergie ne peut pas mourir ; elle circule, se transforme et ne s'arrête jamais.
EINSTEIN
« On m'a dit que j'étais un peu médium », me confiait parfois ma grand-mère paternelle alors que j'étais jeune fille...
Marie était couturière de métier, comme mon autre grand-mère et mon arrière-grand-mère maternelles. Elle était chef d'atelier chez Nina Ricci. La deuxième, Jeanne, était de plus brodeuse de formation. Mon arrière-grand-mère Céline, pour sa part, couturière chez Lanvin, avait eu le privilège d'habiller des personnalités célèbres telles que les enfants de monsieur Eiffel ou Édith Piaf. Toutes trois n'ont jamais eu le temps de me transmettre de leur vivant leur savoir, moi qui suis amenée à coudre tant de costumes pour les représentations de mes petits et grands danseurs amateurs, dans le cadre de ma profession enseignant la danse.
Toute petite, je me souviens qu'une voix masculine tonitruante emplissait parfois ma tête, elle résonnait comme dans un hall de gare. Elle s'adressait à moi de façon bienveillante, plutôt lorsque j'étais seule, dans un jardin ou dans la nature. Elle me demandait de prêter attention à mon environnement, de remarquer les belles choses de la vie. Était-ce un ancien membre de la famille parti au Ciel ? Un « guide » ou mon ange gardien ? Je suis bien incapable de donner une réponse à cette question. Toujours est-il que le timbre de cette voix m'impressionnait si fortement que je rentrais vite le cœur battant à la maison. J'entendais cette voix comme lorsqu'on vous parle au téléphone, aussi clairement, directement dans ma tête. Elle intervenait de façon peu fréquente une ou deux fois par an. Elle m'a accompagnée ainsi jusqu'à la puberté.
Adolescente, je confiai cet embarrassant secret à ma maman, qui me répondit que je devais me faire des idées. Déroutée par cette confidence, son conseil fut le suivant :
— Tu n'as qu'à dire que tu ne veux plus l'entendre.
Après tout, pourquoi ne pas essayer... Plus rien ! Mais tous autant que nous étions dans la famille, nous savions faire attention aux rêves prémonitoires, composés d'images symboliques qui surviennent le plus souvent en phase de « préréveil » ou « préen-dormissement », seulement quand le corps lâche prise alors que la conscience est éveillée. Flash bref, ce genre de rêve diffère complètement de celui dit de « digestion », plus long et sans logique apparente entre les éléments.
J'avais quatre ans et demi quand la vie de HLM en banlieue parisienne pousse mes parents et Jeanne à chercher un petit havre de paix campagnard. Je me souviens de cette journée où nous n'avons cessé de visiter des maisons plus ou moins délabrées. Descendue de voiture, je m'occupais à jouer avec tout et n'importe quoi le temps du tour du propriétaire, puis nous remontions en voiture jusqu'à l'étape suivante, qui nous éloignait progressivement de la capitale.
Cela jusqu'au moment où, se garant devant la maison qui allait être leur future acquisition, une voix féminine clama très nettement dans ma tête :
— Tu te marieras là !
Rien ne pouvait m'influencer à cet âge-là, mais il se trouve qu'à l'âge de 18 ans, un malencontreux accident de moto va nous rapprocher, le père de Valentin et moi. Ainsi, j'épouserai quelques années plus tard le dernier descendant de la famille qui a vendu la maison en question.
Quatre années plus tard, alors que j'attends le principal heureux événement de ma vie, ma petite grand-mère Marie s'en retourne au Ciel... Les anciens disent souvent que pour une âme qui naît au sein d'un foyer, un ancien membre de la famille s'en va ! Elle n'aura rencontré Valentin qu'en caressant mon ventre rebondi, sans avoir eu le temps de le bercer dans ses bras. Mon quotidien restera imprégné du souvenir de sa délicate présence et de ses fashion conseils.
Les méandres de la vie vont m'amener à vivre une séparation. Nous emménageons, mon fils âgé de six ans et moi, dans un appartement en ville après avoir vécu dans un hameau au milieu des champs durant des années. La solitude est grande. Le moral est au plus bas quand ma grande amie, une de mes plus anciennes élèves de danse, Sylvie pour la nommer, me conseille de rencontrer une voyante qu'elle et sa famille consultent depuis toujours, madame Jacqueline Veneau. Je tiens à citer son nom bien qu'elle soit, elle aussi, retournée voir les anges. Cette rencontre fut époustouflante et acheva de m'ouvrir à la croyance en quelque chose qui nous dépasse, à entrevoir comme une certaine programmation quant aux grands événements de la vie.
Je retournai voir cette dame agricultrice qui ne faisait pas métier de son don certain. Parmi les quelques photos déposées sur la table, celle de Valentin âgé alors de 7/8 ans :
— Oh comme c'est curieux ! il n'est pas spécialement doué à l'école, mais il fait de son mieux... Je le vois végéter jusqu'à l'âge de 21 ans, il va trouver un métier qui l'intéressera... puis après je le vois entouré de lumière, il fera beaucoup parler de lui ! C'est incroyable, je vois de l'or couler de ses mains, je ne peux pas dire s'il va soigner... écrire... être dans la mécanique mais c'est impressionnant !
Sans rien savoir de cet entretien, Valentin deviendra plus tard mécanicien passionné chez Moto Expert, il entretiendra même la moto de course du Casque d'argent de France, je ne comprendrai que plus tard le sens de « lumière » et nous verrons ultérieurement que l'on pourrait lui attribuer les autres facultés envisagées lors de cette voyance quant à l'or qui coule de ses mains.
Rentrée chez moi, je décide dans la même période de récupérer deux objets de ma grand-mère, pour me tenir compagnie en quelque sorte, son mannequin de couture sur lequel elle travaillait toujours, et son gros poste de télévision à tube. Le mannequin trônera dans ma chambre, soutenant une robe de valse imposante, et la télé trouvera sa place dans un coin de la salle à manger. Parallèlement, Sylvie me prête un ouvrage : Isabelle une lumière dans la nuit d'Anne-Marie Lionnet. L'écrivain a perdu sa fille qui va lui faire des signes prouvant sa survivance dans l'Au-Delà et qui, plus tard, communiquera avec sa maman par le biais de l'écriture automatique. Très étrange cette première lecture qui arrive dans mes mains quand vous découvrirez la suite de mon histoire...
Allongée dans mon lit dans le calme le plus complet, je lis un passage ou Isabelle (tiens, le même prénom que moi !) rassure sa maman en lui expliquant que les craquements qu'elle perçoit depuis sa disparition dans la maison ne sont pas là pour l'effrayer, mais au contraire pour la rassurer de sa présence :
— Prends-les comme des petits coucous, maman.
C'est alors que toute une série de craquements comme un caquetage s'empare de mon mannequin. J'en ris en me convainquant qu'il s'agit d'un heureux hasard... Troublée, je relis le même passage, et le mannequin de reproduire exactement la même chose, repris comme en écho cette fois exactement de la même façon par le poste de télé éteint dans la pièce plus loin... Étrange que les deux objets en question... j'écarquille les yeux cette fois. Silence... Je relis et idem, le cœur battant je m'adresse à ma grand-mère...
— Si cela marche, on fait comme dans les films : un CRAC pour oui ou deux pour non. CRAC... Oh, je dois m'en faire un moi de film, CRAC CRAC...
— C'est vraiment toi, Mamie ? CRAC. Et la télé toujours de se faire l'écho des réponses !
C'est alors que s'ensuivra un vrai discours en morse qui n'avait plus rien à voir avec des craquements aléatoires et non coordonnés. Et, bien sûr, immédiatement après, reproduit à l'identique par la télé. C'est avec une très grosse émotion que je ne pouvais que constater le Cadeau qui s'offrait à moi, vraiment éberluée par l'évidence du phénomène.
Quelque temps plus tard, la marraine de mon fils, une amie, me contacte depuis le village de notre enfance. Elle vient de faire la rencontre d'un voyant qui l'a aussi subjuguée par ses révélations exactes sur son passé. Nous échangeons nos impressions nouvelles. Elle se propose de lui transmettre ma photo. Je reçois peu après un courrier de cet homme, tout aussi bouleversant que ma rencontre avec la voyante. Le plus fou, c'est qu'il me dit les mêmes phrases exactement que cette dernière concernant Valentin, avec les mêmes mots, là je suis scotchée ! Le contactant par téléphone pour le remercier de son envoi, il me confie qu'il arrive bien à voir les choses pour les autres mais non pour lui-même. La voyante m'ayant fait une confidence similaire, je leur propose de se rencontrer pour s'aider mutuellement, ce qui les ravit.
La sœur de mon amie d'enfance se propose de l'amener dans la nouvelle région où j'habite à cet effet. Arrivés à mon domicile, je ne dis rien de mon aventure, nous passons à table et la télé est en marche. La télé se met soudain à craquer de plus belle, je me tais et souris intérieurement, me disant que l'on va voir ce que ce monsieur peut éventuellement me confirmer ou non. Soudain les images du poste se rassemblent et ondulent comme jamais auparavant. L'homme se lève :
— Il y a une présence ici, c'est juste à côté de moi... On me donne une main... Elle me dit qu'elle est votre grand-mère... Elle est près de vous et veille sur vous.
Je suis abasourdie. Il me propose de déposer ma main sur celle ressentie dans la sienne, j'opine de la tête, et quelle n'est pas ma surprise quand il s'y emploie de ressentir vraiment cette main ! CADEAU ! Les larmes coulent sur mon visage, je n'oublierai jamais cet instant merveilleux. Le lendemain la rencontre aura lieu entre les deux voyants, l'un et l'autre enchantés d'échanger leurs lectures mutuelles.
Cet homme, devenu au fil du temps un ami, m'annoncera un jour sans détour alors que Valentin n'est âgé que de 8 ans :
— Ton fils, tu le perdras un jour dans un accident de la route, j'y peux rien c'est écrit, c'est comme ça, faut que tu t'y fasses !...
Ma réaction fut sans équivoque, une claque ! Mais la plus grande claque, c'est moi qui venais de la prendre car je savais qu'il ne se trompait jamais et qu'il délivrait l'information telle qu'elle venait de lui être donnée. Aussi, à compter de ce jour, j'ai tremblé chaque fois que Val prenait la route de quelque façon que ce soit. Parfois les personnes consultant des voyants sont mécontentes lorsqu'elles n'ont pas été prévenues d'un drame tel que celui de la perte à venir d'un être très cher, mais je pense qu'un voyant doit faire attention en révélant l'avenir. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre trop tôt, cela demande de rester très solide et bien équilibré.
Très curieusement, le jour de son baptême vers 1 an, Valentin, sans en avoir émis le désir bien sûr, avait reçu en cadeau une moto rouge à pédales. Plus tard vers l'âge de 10 ans ayant déménagé, quand je dus refaire sa chambre, il choisit un papier peint couvert de grosses motos de course... Je restais médusée devant ce choix... Je pensais qu'il s'orienterait vers une carrière sportive car il était doué pour tout ce qui demandait agilité, force, équilibre et concentration, et toutes les disciplines sportives l'attiraient. Mon appréhension grandit lorsqu'il décide d'entrer subitement en apprentissage mécanique moto. Valentin, dans son élément, venait de trouver un « métier passion ». Il passe ses examens avec succès et trouve un poste de mécanicien chez Moto Expert, son patron est très content du sérieux de son travail. Dès lors il se fait beaucoup d'amis au sein de son activité, et ne cesse d'avoir des propositions de grandes marques qui aimeraient profiter de la qualité de ses services.
Le Casque d'Argent français choisit Valentin pour entretenir son bolide. Mon fils est apprécié pour sa gentillesse, son contact avec la clientèle et l'amour inconditionnel de son travail. Un soir il vient me rendre visite avec son dernier bijou, un VTR Honda bicylindres, au carénage flamboyant rouge vermillon, et customisée à l'identique de celle du grand champion de France.
Au moment de repartir une voix résonne dans ma tête : « Il tombera avec cet engin. »
Je me sens obligée de lui transmettre cet inquiétant nouveau message, je sais qu'il est prudent et appliqué dans sa conduite, mais là il va falloir le mettre en garde. Valentin sait que je reçois parfois certaines informations qui se révèlent exactes par la suite. Je ne lui ai jamais répété, bien sûr, la première voyance pour laquelle je préférais rester incrédule.
— Oh maman, je fais attention, tu le sais.
— Tu sais que si on me le dit...
— Eh bien, si ça doit être comme ça, ça sera comme ça !
Il repartit en douceur et je le regardai s'éloigner, anxieuse au-delà de tout.
Six mois s'écoulent, mardi 1er novembre Valentin vient déjeuner, accompagné de sa petite amie. Je suis impressionnée, lors de l'apéritif, un vif rayon de lumière traverse inexplicablement son visage alors qu'il sourit tendrement à son grand-père, cela semble durer plusieurs minutes. Je remarque sa trajectoire. C'est comme un halo illogique quant à l'axe habituel du soleil dans la pièce les jours de très beau temps. Nous passons une belle journée. Lors de leur départ, au moment de fermer la porte qui donne dans la rue, une voix résonne à nouveau pour me dire de le regarder partir, car c'est peut-être la dernière fois que je le vois ! Je reste interloquée. Ils s'en retournent et, comme toujours, je demande à mon fils un petit SMS dès qu'ils auront terminé leur trajet.
SMS que je reçois : « Je suis bien arrivé, gros bisous. »
Fin de semaine, week-end de Toussaint, je suis à Nantes pour suivre une formation de danse irlandaise. À 18 h 30, j'entends le même moteur de moto que celui de Val qui, lui, pendant ce temps à l'autre bout de la France, se rend de Troyes dans le Cher pour passer le week-end avec ses copains. Le soir je suis logée par la maman de l'organisatrice de stage, c'est la première fois que je suis accueillie dans une maison « Fen Shui ». La chambre est dotée d'un lit immense particulièrement confortable, les murs de couleur douce se fondent avec le plafond blanc dans un motif de plumes sur un pourtour arrondi et non anguleux.
Je me sens comme à l'abri de tout dans un nid douillet d'oiseau ; sur la table de nuit, je prends une revue sur les beautés de la nature, où d'autres images viennent contraster et témoigner de la cruauté de la chaîne de la vie animale. Je constate avant de m'endormir que la Vie peut être magnifique et basculer d'un seul coup.
À mon réveil, dans la salle de bains, je suis surprise par mon inexplicable teint grisâtre dans le miroir... Le stage reprend. Pendant l'heure du déjeuner, j'apprendrai la terrible nouvelle que j'ai toujours redoutée. Mon Valentin s'est envolé la veille au soir à 18 h 30, percuté de plein fouet par un gros 4x4 ayant franchi un stop et traversé une intersection non destinée à son sens de circulation. Son conducteur troublé par 1,40 g d'alcool n'était plus en état de conduire correctement. Et là, on comprend qu'en un claquement de doigts tout ce qui a fait votre vie vous échappe, et tout s'effondre ! Mon professeur de danse et sa compagne me font avaler dans ma torpeur une bonne dose d'élixir de fleurs de Bach, du Rescue, à prendre en cas de choc émotionnel. Tous deux pratiquent le Reiki et vont se dévouer à faire leur maximum durant ce moment dévastateur.
Le temps de rassembler rapidement nos affaires, un ami prend le volant pour rejoindre le Cher. Mon professeur me demande de garder au creux de mes mains durant le voyage un mouchoir en papier qu'il a « préparé ».
Ma vue s'est modifiée sous l'effet du coup de gong de la nouvelle. Je suis incapable de voir à travers le pare-brise, mon champ de vision s'est considérablement rétréci et ce phénomène durera d'ailleurs plusieurs mois. Je ne suis plus capable de réagir. Après plusieurs heures de route, une sensation étrange s'empare soudain de moi, mes mains cernent quelque chose de rond et de dense. Mon regard se pose sur elles et je distingue de plus en plus nettement une boule grise opaque ? J'en fais la réflexion au conducteur qui, lui, ne voit rien. Elle devient de plus en plus tangible. D'un seul coup, alors que je suis toujours dans mon état semi-léthargique, la voix de mon Valentin se met à résonner comme au téléphone dans ma pauvre tête :
— Allô, Maman ? Tu m'entends ? C'est moi, c'est Valentin, allô ? ALLÔ ?
Je me tourne vers l'ami :
— Eh bien, voilà que je l'entends Valentin à présent, tu te rends compte ? Je suis en train de tomber folle, je vais péter un câble !
— Tu n'en sais rien, tu as entendu déjà, et là tes sens sont exacerbés dans l'état où tu es, tu le captes peut-être vraiment, on ne sait pas, laisse faire, ne te ferme pas surtout, on ne sait jamais. Si tu te fermes, il ne pourra peut-être plus te contacter.
— Oui, mais toi, tu ne la distingues pas cette boule ? Tu es en meilleure condition que moi, tu devrais la voir alors !
— Eh non justement, me rétorque-t-il ! C'est parce que tu es ultra-sensibilisée que tu accèdes à des choses que je ne vois sûrement pas ! C'est logique.
— Allô, m'man, oui c'est moi, (son ton est carrément enthousiaste), tu m'entends bien, c'est bien moi, Valentin. Ça va, je vais bien, j'ai rien senti, c'est exactement comme tu disais, m'man. Je suis de l'autre côté.
Il est pour ainsi dire « jovial » et moi à plates coutures... Lui prêter un ton jovial, c'est vraiment la dernière chose que j'aurais pu imaginer dans l'état où je me trouve, ça me terrasse.
— Mais enfin, Valentin, toi tu es joyeux et moi ma vie s'écroule, pourquoi es-tu parti ?
— Parce que c'était mon Challenge, m'man, j'ai rempli mon Contrat !
Les yeux me sortent de la tête :
— Qu'est-ce que tu me racontes là ! Je n'étais pas prête...
— Si, tu le savais, tu t'en rappelles plus, mais tu le savais.
Je ressens une fraîcheur intense. Eh bien, je venais de vivre le second choc de ma journée avec cette révélation. Je me perdis en réflexion tous azimuts et repensai aux premières voyances. Ça y est, on y est ! c'est arrivé !
— Mais comment tu m'as trouvée sur la route, la distance est longue d'ici le Cher ?
— Il m'a suffi de penser à toi et je me retrouve devant toi. Quand j'ai eu l'accident, j'ai pensé tout de suite « il faut prévenir papa », et je me suis retrouvé instantanément devant lui, c'est incroyable m'man. Oh, je suis content que tu m'entendes, ça fait du bien vieux1 !
Tout le temps restant passé en voiture, il intervint par moments et j'eus toujours cette boule opaque entre les doigts.
— La boule c'est moi, m'man, c'est mon énergie, je suis là, je t'accompagne, je suis avec toi.
J'étais complètement médusée par ce qui venait de se produire et pour autant je savais que je n'inventais pas. À la fois épuisée, ravagée, en état de lâcher prise total par l'impuissance devant l'événement, un miracle venait réellement de se réaliser qui me semblait inespéré. Nous arrivâmes de nuit, le papa de Valentin que je n'avais pas revu depuis fort longtemps nous attendait avec mes grands amis montés du Sud, je veux parler de mon médecin et de sa femme. Je me jette dans les bras de ma tendre Mimi, mon petit ange gardien des coups durs de ma vie.
Nous sommes alors obligés de lever la tête, juste au-dessus de nous, invisibles dans le ciel noir et dégagé de ce samedi de novembre, par – 2 °C, nous entendons une nuée de cris d'oiseaux qui devraient pourtant être à proximité. Ils déchirent le ciel, je pense immédiatement à ma mère qui se passionnait pour les petits volatiles, et soudain mon rêve s'efface. Le matin de mon départ pour Nantes j'avais eu un flash au réveil, la vision d'une tempête en mer avec les vagues se soulevant et se pétrifiant, et moi qui tombais dans une eau très trouble jusqu'à toucher le fond, inerte... J'avais bien été prévenue, puis flash du visage de ma mère arborant un grand sourire en très gros plan, tout près de mon visage. J'avais d'ailleurs été surprise car je ne rêve jamais de ma petite maman, partie elle aussi au Ciel depuis l'an 2000. J'en déduisis que maman, sans me faire peur, voulait que je comprenne après coup qu'elle allait prendre le relais et nous accompagner Valentin et moi dans la bifurcation de nos trajectoires.
Arrivés au funérarium, je retrouve enfin mon Valentin avec son papa... Petit à petit, je confie à mon médecin et à Mimi ce qui s'est produit durant le voyage en voiture, je sais que c'est difficile à croire, mais le fait est là, et je m'adresse alors tout haut à mon fils étendu là :
— Valentin, c'est maman, je sais que tu m'entends, tu me l'as prouvé en voiture, je te remercie de m'avoir fait signe. S'il te plaît, je sais que tu pourras faire des choses... S'il te plaît, dès que tu seras en mesure de le faire, fais-moi encore signe sinon je ne vais pas pouvoir tenir le coup. Mais surtout je te demande de faire des signes aux autres, à ceux que tu aimes, à tes amis, sinon ils vont me prendre pour folle, personne ne me croira et alors là ce serait pire que tout ! Je t'aime, mon Valentin, que le Ciel te protège et prenne soin de toi.
Mes amis, spectateurs silencieux et émus, le regard fixé sur moi, doivent penser que mon discours est dicté par la douleur et le désespoir. Pourtant, c'est bien une flamme d'espoir qui vient d'éclairer ma prière aux pieds de Valentin. Le formidable espoir de LA preuve d'une survivance au-delà de notre véhicule physique terrestre. Nous partons à la hâte, mes amis et moi, trouver un hôtel. Assise au bord du lit, hagarde, je remarque au plafond une multitude de vagues d'ondes de couleur, elles passent, vont et viennent comme des ondes d'énergie, se bousculent, circulent tout au-dessus de moi. Lumière éteinte, je remarque que le ballet coloré continue.
Allô, Valentin ? Oui, je t'entends bien !
À mon réveil, je me demande comment je vais réussir à mener les démarches qui s'imposent quant au décès. Nous visitons plusieurs pharmacies sans succès. À l'époque, le remède que je réclame, l'élixir de fleurs de Bach Rescue, n'est pas aussi commercialisé qu'aujourd'hui. Avant toute chose, je retourne auprès de mon Valentin. Mais aujourd'hui je l'entends sangloter...
— Valentin ? C'est maman, je suis là, pourquoi pleures-tu, tu semblais si sûr de toi hier ?
— M'man, j'entends toutes les conversations en même temps, j'entends toutes les discussions téléphoniques en même temps, je sais plus où j'en suis !
Tant bien que mal, le champ de vision toujours rétréci, le regard noyé dans le trottoir, nous nous rendons, son père et moi, aux Pompes Funèbres tout près de là. Me voilà une fois de plus interloquée. Je réalise qu'il s'agit de l'agence située juste au-dessous du studio habité par mon fils durant toutes ses années d'apprentissage mécanique au CFA de la région. J'y vois encore le signe d'un destin sacrément organisé en amont... Il nous tirerait par le bout du nez en fait depuis bien longtemps alors ? ! ? Mon opinion se verra renforcée lorsque mon ex-mari m'expliquera qu'en raison de ce week-end de Toussaint, toutes les PFG faisaient le pont.
Ne sachant plus où s'adresser, il décida d'aller frapper à la porte de cette succursale. Mon fils avait eu, il y a quelques années de cela, un problème de machine à laver qui avait provoqué un dégât des eaux chez ces PFG du dessous. Cette affaire résolue, Il était resté en très bons termes avec ses insolites voisins qui l'affectionnaient comme un gentil petit voisin. Apprenant qu'il s'agissait de lui, ils se sont précipités malgré le week-end férié. Grand merci à eux... et, devrais-je dire... grand merci à la « Régie » ? Car sans l'incident du dégât des eaux, la porte serait restée sûrement close ce vendredi de novembre.
Nous sortons enfin et ma tête me fait terriblement souffrir. Je m'adresse à mon ex-mari pour tenter de savoir où trouver une éventuelle énième pharmacie, mais je n'ai pas le temps de finir ma phrase ...
— M'man, retourne-toi !
Je m'étonne à haute voix :
— Ça y est, ça remet ça, j'entends Valentin !
—M'man, je t'ai dit RETOURNE-TOI!... DERRIÈRE TOI!... REGARDE!
Je fais volte-face et là, je suis littéralement abasourdie en remarquant dans la vitrine d'une herboristerie tout l'éventail des élixirs de Bach. Je viens d'avoir la Preuve que j'entends bien mon Val, il a même interrompu la phrase que j'étais en train d'adresser à son père ! Je me précipite faire emplette. Merci, mon Valou. Toutefois je remarque, inquiète, que je l'entends toujours sangloter. Je m'en retourne à son chevet et, réflexe de maman, je décide de déposer autour de son visage des gouttes de l'élixir que je viens enfin de me procurer. Après tout, si ce remède me calme et s'il ressent si fortement les choses, peut-être cela l'apaisera-t-il quelque peu lui aussi ?... Les pleurs cessent !
Nous reprenons la voiture, suivis de mon médecin et de sa femme, pour nous rendre en pleine campagne berrichonne chez de grands amis du Cher possédant un gîte à proximité de leur habitation. J'ai connu Sylvie jeune fille, elle faisait partie des premières danseuses qui ont suivi mes cours. Mes anciens élèves sont devenus comme une deuxième famille au fil du temps. Nous avons partagé tant de choses ensemble. Sylvie a subi également la perte d'un être cher d'accident de la route. Bouleversée par la nouvelle, elle m'accueille à bras ouverts avec son mari, avec la générosité particulière qui les caractérise. Nous débarquons à la hâte les quelques bagages et on m'allonge sur une banquette le plus confortablement possible. Pendant que j'essaie de recouvrer quelques forces supplémentaires nécessaires, mon ami resté là seul près de moi fume une cigarette. C'est alors que commence un véritable concert qui va durer facilement une demi-heure non stop. Tout ce qui est en bois : tables, chaises, armoire, coffre, horloge, poutres, charpente, parquets, va craquer de plus belle et à n'en plus finir.
Éberlué, il lève la tête et s'exclame :
— Eh bien ça, faut le voir et l'entendre pour le croire, c'est dingue !
— Ils veulent me faire signe là-haut pour me dire qu'ils sont là, je crois.
— Eh bien, dis donc, ils mettent le paquet si c'est ça. Impressionnant !
Je suis sûre du « coucou » de ma famille de l'autre côté du voile, qui veut m'assurer ainsi de sa présence et de son accompagnement envers moi. Elle vient m'assurer par la même occasion de son accompagnement pour les premiers « pas » de Valentin dans la découverte de ce nouvel Au-Delà. Je repense soudain au mannequin de couture, à la télévision. C'est idem puissance 100, totalement évident !
1. Expression berrichonne pour s'exclamer : Ah ben dis donc !
À 250 km du Cher, dans la Marne, il s'est passé bien des choses aussi. Au moment de l'accident, mon père voit sa chienne trembler de tout son corps sans raison apparente et elle ne cesse de gémir. Elle vient constamment chercher son maître pour qu'il la suive, ce qu'il finit par faire ! À plusieurs reprises elle le guide jusqu'à la photo de son petit-fils posée sur le bureau.
À quelques kilomètres de là, Josiane, une amie de la famille que Valentin savait avoir des dons de voyance très prononcés, vaque à ses occupations chez elle. Sa télé, allumée pour lui tenir compagnie, va se dérégler subitement. Les images de l'émission de variétés vont se déformer et se rassembler en ondulant, puis un cadre plus grisâtre prend place au centre. À sa grande stupéfaction Valentin apparaît soudain à l'intérieur, devant le décor de la cuisine de son grand-père, il regarde brièvement en haut, en bas, de chaque côté, puis fixe Josiane, qui comprend d'un seul coup ce qui est en train de se passer :
— Ça va, Valentin, j'ai compris, je cours voir ton grand-père tout de suite !