Parfois, il se passe des choses bizarres dans la ville de Lectoure, au coeur du Gers. Mes pas de correspondant de presse de La Dépêche du Midi m'avaient conduit jusqu'à l'Hôtel de Bastard, où Pierre Baqué, professeur des universités émérite à l'Université Panthéon-Sorbonne à Paris, présentait dans une exposition quatorze grandes oeuvres et douze petits tableaux sur le thème de l'aliment : la viande, les oeufs, les légumes, etc. Des tableaux qui se caractérisaient par une pointe d'humour et une utilisation joyeuse des couleurs. Ce spécialiste de l'histoire de l'Art était brillant, aimable et amusant, nous avons sympathisé et je l'ai tout naturellement invité à participer au Festival Bizarre que j'organise chaque année à Lectoure avec l'association Le 122. Un invité actif puisqu'outre ses toiles, il a proposé à un public ravi des conférences passionnantes, si passionnantes que s'est présentée l'idée d'en faire un ouvrage – celui que vous tenez entre vos mains -. Je remercie Pierre Baqué de s'être pris au jeu, ce jeu bizarre qui a pour but, en toute simplicité et amitié, de faire surgir la beauté, où qu'elle soit. N'ayons jamais peur du bizarre, apprenons à le reconnaître dans ce qu'il a de meilleur à nous offrir. Et c'est ainsi que le monde sera beau.
Pierre Léoutre
Bosch Jérôme (1450-1516). Triptyque intitulé « le jardin des délices (1494-1505) – Musée du Prado, Madrid. Le détail ci-dessus est prélevé dans l'avers du volet de droite, dont le thème est « l'enfer ». Libre de s'exprimer à sa guide dans cet espace, Bosch en a profité pour donner libre cours à sa verve créatrice et à son inventivité plus drôle que terrifiante.
Le mot Bizarre, vient de l'italien Bizzarro, qui signifie « extravagant » Selon la plupart des dictionnaires français, est considéré comme bizarre ce qui sort de l'ordinaire, est étrange, déconcertant, hors norme.
Mais le bizarre n'est pas qu'« extraordinaire » et s'il l'est, il l'est selon une acception le plus souvent considérée comme péjorative, sinon totalement négative.
Par exemple, quand un Italien dit d'un individu qu'il est « Bizzarro » cela veut sans doute dire qu'il le considère comme « extravagant », c'est-à-dire agité, ostentatoire, provocateur, impoli, bruyant, peu respectueux d'autrui, marginal et, au total, à ne pas fréquenter. Et sûrement pas, à admirer. De leur côté, les dictionnaires français proposent de nombreux synonymes à connotation le plus souvent négative tels qu'abracadabrant, insolite, surprenant, inquiétant, etc.
En 1937, le cinéaste français Marcel Carné réalise un film poétique et comique intitulé « Drôle de drame ». Jacques Prévert en est le dialoguiste. Dans ce film, à l'issue d'une conférence très chahutée, l'évêque de Bedford, Archibal Soper, (Louis Jouvet) dîne d'un canard à l'orange chez son cousin Irwin Molineux (Michel Simon). À table, lors d'une conversation, plutôt décousue et confuse où Molineux s'embrouille dans des mensonges maladroits, l'évêque, retors et un rien pervers, s'acharne à le faire trébucher. À moment donné il s'exclame, entre deux bouchées :
« Moi, j'ai dit bizarre ? Comme c'est bizarre ! ».
Molineux se sent traqué et en bafouille de plus belle.
Depuis, le mot de l’évêque est devenu « culte » comme on dit aujourd’hui. Il a été repris à Lectoure pour baptiser « Bizarre » la rencontre artistique annuelle du mois d’octobre.
Un mot « culte ».
En 1937, le cinéaste français Marcel Carné (1906-1996) réalise un film poétique et comique « Drôle de drame » dont Jacques Prévert est le dialoguiste.
Dans ce film, à l’issue d’une conférence très chahutée, l’évêque de Bedford, Archibald Soper, (rôle tenu par Louis Jouvet) dîne d’un canard aux oranges, chez son cousin Irwin Molyneux (Michel Simon). À table, lors d’une conversation plutôt décousue et confuse où Molyneux s’embrouille dans des mensonges maladroits pour expliquer et justifier l’absence de sa femme (Françoise Rosay), l’évêque, toujours provocateur et un rien sadique, se tourne vers ce pauvre Molyneux, de plus en plus déstabilisé et l’achève en s’exclamant :
« J’ai dit bizarre, bizarre. Comme c’est étrange ! »
Ce « mot », ce « bon mot », devrait-on plutôt dire, bien connu des cinéphiles, est devenu « culte » comme on dit aujourd’hui.
Des définitions diverses et variées
« C’est bizarre »
Qui n’a jamais prononcé cette courte phrase ?
Qui n’en connaît le sens commun, usuel, banal ?
Qui ne saurait ressentir qu’on aborde là, le domaine vaste et flou de ce qui échappe à l’ordinaire, au quotidien, au convenable et aux usages ? Le Robert, dictionnaire historique de la langue française de 1999, assure que Bizarre, vient de l’italien bizzarro, qui signifie « extravagant ».
La plupart des autres dictionnaires français, considèrent comme bizarre ce qui sort de l’ordinaire, est étrange, déconcertant, hors norme.
On le devine, le bizarre n’est pas que « extra-ordinaire » et s’il l’est, il l’est selon une acception le plus souvent péjorative, sinon totalement négative.
Par exemple, assure l’un de ces dictionnaires, quand un Italien dit d’un individu qu’il est « bizzarro » cela voudrait dire qu’il le considère comme extravagant, agité, ostentatoire, provocateur, impoli, bruyant, peu respectueux d’autrui, marginal et, au total, à ne pas fréquenter.
Par ailleurs, pour enrichir la définition du mot Bizarre, nombre de ces dictionnaires proposent pléthore de synonymes à connotations le plus souvent négatives tels que : abracadabrant, biscornu, curieux, excentrique, fantasque, fou, incohérent, loufoque, rocambolesque, insolite, surprenant, inquiétant, paradoxal, saugrenu, cocasse, inhabituel, invraisemblable, etc.
Le bizarre et la création artistique
Pour tout créateur et plus particulièrement plasticien (peintre, sculpteur, dessinateur, designer, architecte, etc.), la question pourrait se poser d’une éventuelle méthode à mettre en œuvre pour obtenir des effets plus ou moins bizarres.
L’expérience nous permet d’assurer qu’on peut obtenir ces effets en utilisant - avec beaucoup d’autres - quelques procédés et principes simples.
Par exemple, et sans que ce soit limitatif :
- Le « hors d’échelle ».
Confrontation - par exemple - entre un géant hors norme et un individu normal comme en joue François Rabelais, en 1532 et 1534, dans « Gargantua » et « Pantagruel », et que reprend dans ses gravures le dessinateur et illustrateur Gustave Doré (1832-1883)
Ou comme le fait Jonathan Swift (1667-1745) lorsqu’il raconte dans « Les voyages extraordinaires de Gulliver » de 1721, la rencontre de Gulliver avec les Lilliputiens.
- L’« hybridation ».
Mélanges divers du vivant et du mort, du végétal et du vivant, comme le fait, en 1500-1502, Andrea Mantegna (1431-1506), quand il peint une « femme-arbre » dans un tableau du Louvre où l’on voit une « Minerve chassant les vices du jardin de la vertu » alors que dans le ciel un cumulus se transforme discrètement en visage de putto joufflu.
- L’« accumulation », dont Gustav Adolf Mossa (1883-1971), le peintre plus ou moins maudit, se délecte en représentant, en 1905, une Eve appelée par lui « Elle », jolie, pulpeuse, un peu inquiétante quand même car juchée sur une montagne d’hommes morts, tout petits. Sans doute des amants à elle, tués par elle… après usage.
- L’ « irrationnel, le fou, le déraisonnable, le contre-nature ».
Salvador Dali (1904-1989) en joue avec talent quand il peint en 1931 les trois montres molles du tableau intitulé « La persistance de la Mémoire » ou plus tard, des « femmes-tiroirs » ou des éléphants juchés à une hauteur vertigineuse sur de longues pattes fines d’insecte…
Hors d’échelle, hybridation, accumulation, irrationnel, tous ces éléments ne sont pas exclusifs les uns des autres. Bien au contraire. Ils peuvent coexister, interférer, se mélanger, se compléter, comme se contrarier ou se contredire.
Cependant, une contrainte s’impose, qui est de taille.
Dans tous les cas cités ci-dessus, le réalisme pictural ou graphique le plus intransigeant, le plus rigoureux - on pourrait dire le plus « photographique » -est requis pour garantir l’identification immédiate et facile du « représenté ».
Salvador Dali et René Magritte (1898-1967), entre autres, l’ont bien compris.
Dali est crédible car il sait représenter avec une rigueur « hyperréaliste » une vraie montre, qu’elle soit normalement rigide ou