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Édition : BoD – Books on Demand GmbH,

12/14 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris

Impression : BoD - Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne

ISBN : 9782322263936

Dépôt légal : mai 2020

Sommaire

I

SOURCE DES PREUVES
DE LA NATURE DU CHRIST.

La question de la nature du Christ a été débattue dès les premiers siècles du christianisme, et l'on peut dire qu'elle n'est pas encore résolue, puisqu'elle est encore discutée de nos jours. C'est la divergence d'opinion sur ce point qui a donné naissance à la plupart des sectes qui ont divisé l'Église depuis dix-huit siècles, et il est remarquable que tous les chefs de ces sectes ont été des évêques ou des membres du clergé à divers titres. C'étaient, par conséquent, des hommes éclairés, la plupart écrivains de talent, nourris dans la science théologique, qui ne trouvaient pas concluantes les raisons invoquées en faveur du dogme de la divinité du Christ ; cependant, alors comme aujourd'hui, les opinions se sont formées sur des abstractions plus que sur des faits, on a surtout cherché ce que le dogme pouvait avoir de plausible ou d'irrationnel, et l'on a généralement négligé, de part et d'autre, de faire ressortir les faits qui pouvaient jeter sur la question une lumière décisive.

Mais où trouver ces faits si ce n'est dans les actes et les paroles de Jésus ?

Jésus n'ayant rien écrit, ses seuls historiens sont les apôtres qui, eux non plus, n'ont rien écrit de son vivant ; aucun historien profane contemporain n'ayant parlé de lui, il n'existe sur sa vie et sa doctrine aucun document autre que les Evangiles ; c'est donc là seulement qu'il faut chercher la clef du problème. Tous les écrits postérieurs, sans en excepter ceux de saint Paul, ne sont et ne peuvent être que des commentaires ou des appréciations, reflets d'opinions personnelles souvent contradictoires, qui ne sauraient, dans aucun cas, avoir l'autorité du récit de ceux qui avaient reçu les instructions directes du Maître.

Sur cette question comme sur celle de tous les dogmes en général, l'accord des Pères de l'Eglise et autres écrivains sacrés ne saurait être invoqué comme argument prépondérant, ni comme une preuve irrécusable en faveur de leur opinion, attendu qu'aucun d'eux n'a pu citer un seul fait en dehors de l'Evangile concernant Jésus, aucun d'eux n'a découvert des documents nouveaux inconnus de ses prédécesseurs.

Les auteurs sacrés n'ont pu que tourner dans le même cercle, donner leur appréciation personnelle, tirer des conséquences à leur point de vue, commenter sous de nouvelles formes, et avec plus ou moins de développement, les opinions contradictoires. Tous ceux du même parti ont dû écrire dans le même sens, sinon dans les mêmes termes, sous peine d'être déclarés hérétiques, comme le furent Origène et tant d'autres. Naturellement l'Eglise n'a mis au nombre de ses Pères que les écrivains orthodoxes à son point de vue ; elle n'a exalté, sanctifié et collectionné que ceux qui ont pris sa défense, tandis qu'elle a rejeté les autres et anéanti leurs écrits autant que possible. L'accord des Pères de l'Eglise n'a donc rien de concluant, puisque c'est une unanimité de choix, formée par l'élimination des éléments contraires. Si l'on mettait en regard tout ce qui a été écrit pour et contre, on ne saurait trop de quel côté pencherait la balance.

Ceci n'ôte rien au mérite personnel des soutiens de l'orthodoxie, ni à leur valeur comme écrivains et hommes consciencieux ; ce sont les avocats d'une même cause qui l'ont défendue avec un incontestable talent et devaient forcément prendre les mêmes conclusions. Loin de vouloir les dénigrer en quoi que ce soit, nous avons simplement voulu réfuter la valeur des conséquences qu'on prétend tirer de leur accord.

Dans l'examen que nous allons faire de la question de la divinité du Christ, mettant de côté les subtilités de la scolastique qui n'ont servi qu'à l'embrouiller au lieu de l'élucider, nous nous appuierons exclusivement sur les faits qui ressortent du texte de l'Evangile, et qui, examinés froidement, consciencieusement et sans parti pris, fournissent surabondamment tous les moyens de conviction que l'on peut désirer. Or, parmi ces faits, il n'en est pas de plus prépondérants ni de plus concluants que les paroles mêmes du Christ, paroles que nul ne saurait récuser sans infirmer la véracité des apôtres. On peut interpréter de différentes manières une parabole, une allégorie ; mais des affirmations précises, sans ambiguïté, cent fois répétées, ne sauraient avoir un double sens. Nul autre que Jésus ne peut prétendre savoir mieux que lui ce qu'il a voulu dire, comme nul ne peut prétendre être mieux renseigné que lui sur sa propre nature ; quand il commente ses paroles et les explique pour éviter toute méprise, on doit s'en rapporter à lui, à moins de lui dénier la supériorité qu'on lui attribue et de se substituer à sa propre intelligence. S'il a été obscur sur certains points, quand il s'est servi du langage figuré, sur ce qui touche à sa personne, il n'y a pas d'équivoque possible. Avant l'examen des paroles, voyons les actes.

II

LA DIVINITÉ DU CHRIST
EST-ELLE PROUVÉE PAR LES MIRACLES ?

Selon l'Eglise, la divinité du Christ est principalement établie par les miracles, comme témoignant d'un pouvoir surnaturel. Cette considération a pu être d'un certain poids à une époque où le merveilleux était accepté sans examen ; mais aujourd'hui que la science a porté ses investigations dans les lois de la nature, les miracles rencontrent plus d'incrédules que de croyants ; et ce qui n'a pas peu contribué à leur discrédit, c'est l'abus des imitations frauduleuses et l'exploitation qu'on en a faite. La foi aux miracles s'est détruite par l'usage même qu'on en a fait ; il en est résulté que ceux de l'Evangile sont maintenant considérés par beaucoup de personnes comme purement légendaires.

L'Eglise, d'ailleurs, enlève elle-même aux miracles toute leur portée comme preuve de la divinité du Christ, en déclarant que le démon peut en faire d'aussi prodigieux que lui : car si le démon a un tel pouvoir, il demeure évident que les faits de ce genre n'ont point un caractère exclusivement divin ; s'il peut faire des choses étonnantes à séduire même les élus, comment de simples mortels pourront-ils distinguer les bons miracles des mauvais, et n'est-il pas à craindre qu'en voyant des faits similaires, ils ne confondent Dieu et Satan ?

Donner à Jésus un tel rival en habileté, était une grande maladresse ; mais, en fait de contradictions et d'inconséquences, on n'y regardait pas de si près à une époque où les fidèles se seraient fait un cas de conscience de penser par eux-mêmes et de discuter le moindre article imposé à leur croyance ; alors on ne comptait pas avec le progrès et l'on ne songeait pas que le règne de la foi aveugle et naïve, règne commode comme celui du bon plaisir, pût avoir un terme. Le rôle si prépondérant que l'Eglise s'est obstinée à donner au démon a eu des conséquences désastreuses pour la foi, à mesure que les hommes se sont sentis capables de voir par leurs propres yeux. Le démon, que l'on a exploité avec succès pendant un temps, est devenu la cognée mise au vieil édifice des croyances, et l'une des principales causes de l'incrédulité ; on peut dire que l'Eglise, s'en faisant un auxiliaire indispensable, a nourri dans son sein celui qui devait se tourner contre elle et la miner dans ses fondements.

Une autre considération non moins grave, c'est que les faits miraculeux ne sont pas le privilège exclusif de la religion chrétienne : il n'est pas, en effet, une religion idolâtre ou païenne qui n'ait eu ses miracles, tout aussi merveilleux et tout aussi authentiques, pour les adeptes, que ceux du christianisme. L'Eglise s'est ôté le droit de les contester en attribuant aux puissances infernales le pouvoir d'en produire.