©2021. EDICO
Édition : JDH Éditions
77600 Bussy-Saint-Georges. France
Imprimé par BoD – Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne
Réalisation graphique couverture : © Cynthia Skorupa
ISBN : 978-2-38127-156-9
Dépôt légal : avril 2021
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Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Alphonse de Lamartine
Mes valises sont bouclées ! J’ai tout le nécessaire pour passer des vacances de rêve, sous le soleil du sud de la France, sur l’île de Beauté ! Mon Dieu, j’attends ce moment depuis des mois ! Après tous les confinements successifs que nous avons vécus et ma récente séparation d’avec Antoine, mon (ex) mari, j’ai envie de voyage, de grand air, pour me ressourcer et reprendre un peu de ce pep’s que j’ai l’impression d’avoir totalement perdu. L’obligation sanitaire de rester enfermée avec mon époux, dans notre appartement, pendant des jours et des jours, de le voir se laisser aller à un découragement total devant les informations à la télé, de le regarder marcher du canapé au frigo où il trouvait, en grignotant sans cesse, un remède à ses angoisses face à la pandémie, et enfin de le voir incapable d’aider à la vie de tous les jours à la maison, ont eu comme conclusion ma volonté de lui échapper. Antoine n’était plus l’homme que j’avais épousé, plein de projets, de rêves et d’amour… Notre bonheur est parti en fumée et il a fallu ces terribles confinements pour m’ouvrir les yeux sur la personnalité de l’homme qui partageait ma vie.
Pas une seule fois il n’a pris part à la vie de la maison. Je devais faire face, seule, à cette situation imprévisible : cuisine, courses, ménage m’incombaient entièrement. Je fus aussi couturière improvisée et passais des heures à fabriquer des masques en tissu pour presque tous les voisins de l’immeuble ! Et lui, pendant ce temps, il rouspétait devant le petit écran contre le gouvernement et les professeurs de médecine qui défilaient sur les plateaux télé. Ah, oui, j’oubliais ! Il dévorait aussi les gâteaux que je préparais, et des kilos, il en a pris, le bougre ! En quelques semaines, il est devenu tout rond et j’ai dû reprendre tous ses pantalons au niveau de la taille, il ne les fermait plus ! Pour les nuits d’amour, par contre, nous avons fait ceinture ! Trop accablé par l’actualité, me disait-il. Alors que d’autres ont profité de ces moments pour faire des bébés, nous, on ne s’est même pas touchés. Bon, à mon âge, faire des enfants n’est plus dans mes priorités. Notre fille Sathyne a déjà dix-neuf ans. Lui annoncer qu’elle va avoir une petite sœur ou un petit frère maintenant, je ne pense pas que cela lui aurait fait plaisir. Mais tout de même, je n’ai que quarante-trois ans ! Je ne peux pas faire une croix sur ma vie amoureuse ! Je voudrais retrouver ce romantisme passionné des débuts de relation, romantisme que j’ai partagé avec Antoine quand nous nous sommes connus ! Depuis combien de temps ne m’a-t-il pas offert de fleurs ? Et un dîner aux chandelles ? N’en parlons même pas ! Il y a longtemps, il avait des attentions charmantes à mon égard, j’existais pour lui et cela me ravissait ! Maintenant, plus rien, et je l’ai bien vu en passant tous ces mois entre quatre murs avec lui. Si seulement notre fille avait été avec nous, les choses se seraient peut-être passées autrement. Elle aurait apporté un peu de vie dans cet appartement devenu si terne. Elle aurait pu secouer son père, l’aurait prié de sortir de ce marasme qui l’accablait continuellement. Moi, il ne m’écoute jamais. Je fais partie des meubles, pire, je suis comme ce papier peint défraîchi que nous avons dans la salle de bains : on ne le regarde plus pour ne plus y penser. Bon, allez ! Je veux tout oublier. Dorénavant, Antoine, c’est de l’histoire ancienne. Je vais profiter de mes vacances sous le soleil, et ce de ce pas, car le ferry est en train d’accoster et Porto-Vecchio est devant moi. Je sens déjà le parfum du maquis corse ! Que ça va être merveilleux !
***
L’hôtel n’est pas très loin. J’avais prévu le coup, ne voulant pas trop conduire sur les routes corses souvent cabossées et sinueuses, même dangereuses. Dans un petit quart d’heure, je serai arrivée. En attendant, le spectacle qui s’offre à moi est tout à fait divin ! La mer d’un côté, bleu turquoise comme dans mes souvenirs, et la végétation des robustes maquis sous le soleil de l’autre. Hop ! J’y suis ! Le Sognu è paradisu ! Ce qui veut dire « Rêve et Paradis », l’endroit idéal pour me ressourcer !
La réceptionniste m’accueille en m’offrant une liqueur de myrte avec une petite assiette de charcuterie. La coppa et le lonzu s’enveloppent du parfum des immortelles et de la châtaigne, c’est tout à fait exquis ! Elle m’installe ensuite dans un petit bungalow qu’elle appelle Paillote de l’Arbousier, et pour cause, au milieu de l’unique pièce qui le compose, se trouve cet arbre aux fruits rouges délicieux. Près de la fenêtre, un grand lit à baldaquin entouré de toile et de moustiquaire, et sur le côté, une adorable petite salle de bains. C’est complètement paradisiaque, je ne pouvais pas rêver mieux !
Enfin seule, je me jette sur le lit et… rebondis aussitôt ! Un matelas à eau ! C’est formidable ! Je n’ai jamais dormi sur un tel matelas et je sens que mes nuits vont être extraordinaires là-dessus ! Je commence déjà à m’assoupir quand mon téléphone sonne. Je n’ai pas appelé ma fille en arrivant, elle doit s’inquiéter. Je regarde l’écran. Bingo ! C’est bien elle !
— Allô, ma chérie ?
— Paoma ! Tu aurais pu m’appeler ! J’étais super inquiète !
— Si tu arrêtais de m’appeler par mon prénom ? Je préférais de loin quand tu disais « ma petite maman d’amour » !
— J’ai bientôt vingt ans ! Je trouve bizarre de t’appeler Maman !
— Je préférais tout de même…
— Bon, on en reparlera plus tard. Est-ce que tu es bien arrivée à l’hôtel ?
— Oui, je viens juste de déposer mes valises et la chambre est magnifique ! J’ai un matelas à eau, tu imagines ?
— Oui, oui, bon… Tu es bien descendue au Sognu è paradisu ?
— Oui, c’est ça !
— L’hôtel où nous étions allés quand j’étais petite ? Juste à côté de Palombaggia ?
— Oui ! Je ne te l’avais pas dit ?
— Si, si, mais je préfère que tu me le répètes. Je suis plus tranquille quand je sais exactement où tu es.
— Je ne suis plus une enfant, tout de même. Je suis ta mère et c’est moi qui devrais m’inquiéter et me préoccuper des endroits que tu fréquentes !
— Paoma ! Ne commence pas à me faire une leçon de morale, s’il te plaît.
— Non, mais c’est toi qui as commencé !
— Tu as entendu les informations, au fait ?
— Non ! Depuis que je ne vis plus avec ton père, je n’écoute plus rien ! Je n’en peux plus de cette actualité accablante !
— Tu aurais dû !
— Pourquoi ?
— Le virus est reparti de plus belle, et maintenant, le masque est obligatoire partout, et même sur la plage !
— Sur la plage ? C’est une plaisanterie ? Je ne vais tout de même pas bronzer avec le masque sur le nez !
— Tu n’auras pas le choix ! Mais tu es bien au Sognu è paradisu, tu me le certifies ?
— Je ne vais pas te le répéter cent fois ! Oui, je suis bien dans cet hôtel et cela pour les quinze prochains jours ! Maintenant, il faut que je te laisse, je vais aller piquer une tête dans la piscine d’eau de mer ! Je t’embrasse et je te rappellerai plus tard !
Je raccroche aussitôt. Cette conversation commence à me saper le moral. Des mois que nous portons ce masque sur le visage à cause de ce satané virus, et alors qu’on nous a affirmé qu’on n’en avait plus besoin il y a deux semaines, maintenant, ils font machine arrière et nous obligent à le porter ! Mes vacances qui devaient être un remède à tous ces tourments vont devenir bien tristes si on est obligés de subir encore des contraintes. Je ne compte pas me laisser envahir par le cafard, j’enfile mon maillot, attrape mon sac de plage et sors en direction de la piscine !
Voilà que la réceptionniste de tout à l’heure court dans ma direction. Dieu du ciel ! Elle a l’air complètement effrayée ! Elle porte un sac en papier à bout de bras. Peut-être veut-elle me donner encore quelques gourmandises du pays !
— Vous ne pouvez pas sortir comme ça ! me dit-elle, essoufflée.
— Quoi ? Comment ? lui demandé-je. Peut-être aurais-je dû mettre un paréo entre mon bungalow et la terrasse de la piscine ?
— Non ! Enfin, oui ! Vous ne pouvez pas sortir sans masque ! Directives de dernière minute, mais on est obligés, c’est comme ça, reprend-elle en haletant.
— Mais enfin, on est dehors, en plein air ! Ça ne risque rien !
Je la vois maintenant trifouiller à l’intérieur de son sac en papier. Elle en sort une dizaine de masques chirurgicaux et me les tend.
— Vous devez le porter. C’est O-BLI-GA-TOIRE, me dit-elle presque en criant.
Bon, je dois exécuter ses ordres… Je vais avoir la marque de ce fichu truc sur le visage, mais je prends sur moi. S’il le faut, il le faut. De toute façon, je sens que je n’aurai pas le choix… Voilà qu’elle part en courant dans l’autre sens. Des touristes arrivent et ne portent pas de masque non plus. La réceptionniste va avoir du boulot, parce que je pense que je ne suis pas la seule à ne pas avoir entendu cette dernière information…
Qu’à cela ne tienne, je l’accroche à mes oreilles et je ne me laisse pas démonter. Ces vacances seront quand même fabuleuses. Je n’ai qu’à regarder le cadre autour de moi. Le soleil brille, il fait diablement chaud et un transat m’attend sous ce beau parasol aux couleurs de l’été !
Je m’allonge et commence enfin à profiter du moment. Une chanson de Muvrini vient bercer mes rêves, tout est parfait !
— Excusez-moi, Madame ?
Quoi encore ! Pourquoi ce serveur vient-il m’enquiquiner ?
— J’ai un cocktail pour vous, reprend-il.
— Un cocktail ? Décidément, vous êtes aux petits soins pour vos clients, ici !
— Oh, non ! C’est le monsieur là-bas qui vous l’offre.
Quel monsieur ? Je me redresse et essaie de voir qui est cet homme. Il est de dos, accoudé au bar et porte une chemise hawaïenne complètement kitch et un chapeau en paille. Je n’arrive pas à distinguer son visage et m’empresse de questionner le serveur.
— Vous savez qui c’est ?
— Un client.
Oui, ça, je m’en doutais… Mais encore ? Je le presse avec les yeux de m’en dire plus.
— Il est arrivé hier. Je crois qu’il s’appelle… Tiziano quelque chose.
Tiziano… Quel prénom envoûtant ! J’ai dû lui taper dans l’œil ! Il faut dire qu’avec le petit régime que j’ai fait avant de partir, j’ai récupéré mon corps de trente ans ! Ah ! Si Antoine savait que je me fais draguer comme ça, il serait vert de jalousie !
— Dites-lui que je le remercie et que je serais très heureuse qu’il vienne me voir.
Allez, hop, soyons folle ! Je sens que ces vacances vont être époustouflantes !
Je vois le serveur chuchoter quelque chose à l’oreille de ce mystérieux Tiziano. Il se lève. Je me sens fébrile. Je n’ai plus l’habitude de faire la conversation avec un inconnu après vingt ans de mariage. Mais ? Que fait-il ? Voilà qu’il part dans la mauvaise direction ! Il s’en va ! J’aurai tout vu ! Il me paie un verre et ne vient même pas me voir ! Je hèle le serveur pour en savoir plus.
— Il m’a dit qu’il n’avait pas le temps de venir vous voir, mais que vous vous verriez certainement à la soirée de ce soir.
— La soirée ?
— Oui, ce soir, l’hôtel organise une soirée polka et mazurka.
— Polka et mazurka ?
— Ce sont les premières danses de notre île ! me répond-il fièrement.
— Ah bon… Et il vous a dit qu’il serait là ?
— Oui. Et qu’il vous croisera certainement.
Il ne manque pas d’air. Et si je n’avais pas l’intention d’y aller ?!
Je ne reste pas longtemps sur le transat. En fait, je ne cesse de penser à cet énigmatique Tiziano qui souhaite me rencontrer ce soir. Je suis sûre qu’il doit être craquant et j’en suis tout émoustillée d’avance. Ni une ni deux, je retourne à mon bungalow pour prendre une douche et me préparer pour cette fameuse soirée ! Épilation, brushing, blush et mascara ! Ma petite robe noire en satin fera l’affaire. Ma poitrine est mise en valeur, elle est en plus échancrée dans le dos. Si avec ça, il ne tombe pas à la renverse, c’est vraiment que je n’ai plus aucune chance de séduire qui que ce soit.
Heureusement, l’heure tourne assez vite et j’entends enfin la musique s’échapper des haut-parleurs au moment où la nuit commence à tomber. J’enfile mon masque chirurgical qui dénote complètement avec ma tenue sexy, mais pas le choix… Me voilà sur la terrasse, près du bar où il se tenait un peu plus tôt, mais je ne le vois pas. Remarque, je ne sais même pas à quoi il ressemble, et s’il ne porte pas la même chemise que tout à l’heure, je vais avoir du mal à le trouver. Les gens commencent à se déhancher. Je chaloupe moi aussi avec un verre de Cap Corse dans la main, pour me donner de la contenance en l’attendant, mais personne ne vient vers moi… Et s’il ne venait pas ? Moi qui étais tout excitée par cette rencontre… Je demande un autre verre de Cap Corse, avec des glaçons, cette fois. Ma tête commence un peu à tourner.
D’un coup, je sens une présence derrière mon dos. Un homme se penche vers moi, me donnant un petit coup d’épaule. La surprise me fige et je me retourne vers lui. Rhoo, il fait noir et il n’y a aucune lumière là où nous nous trouvons, si bien que je n’arrive encore pas à discerner son visage. En plus, avec ce fichu masque, c’est très compliqué de distinguer quoi que ce soit. Et pour couronner le tout, il porte une casquette !
— Bonsoir, me susurre-t-il à l’oreille.
Je le salue à mon tour et l’interroge du regard pour savoir si c’est bien lui. J’ose un…
— Tiziano ?
— Tout à fait, me répond-il tout bas.
Je cherche mes lunettes de vue dans mon sac à main afin d’essayer de voir au moins ses yeux, mais en vain. J’ai dû les laisser dans mon bungalow, quelle idiote !
— Vous êtes superbe ce soir, continue-t-il.
— Oh ? Merci…
Ça fait un bail qu’on ne m’a pas fait un compliment… Et qu’est-ce que ça fait du bien !
— Vous êtes seule ? me demande-t-il toujours en chuchotant, ou est-ce le masque qui atténue sa voix ?
— Oui… Je suis venue toute seule, en effet. Je vous remercie pour le cocktail, cet après-midi.
— Avec plaisir, me répond-il, et je crois entendre un petit sourire dans l’intonation de sa voix. Vous dansez ? continue-t-il.
Danser ! Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas dansé ! La dernière fois, c’était à mon mariage, je crois, puis Antoine ne m’a jamais plus invitée depuis… Tiziano me tire par la main et m’entraîne sur le côté de la piste. Nous nous déhanchons sur des airs folkloriques, et Dieu que c’est bon ! J’ai l’impression d’avoir dix ans de moins, je me sens terriblement jeune. J’essaie de distinguer ses yeux à nouveau, mais il ne cesse de bouger et l’endroit où nous sommes est bien trop sombre. Arrive un slow… Il m’attrape par la taille et m’enlace aussitôt. Je me sens nerveuse, mais c’est bien normal. Après vingt ans de vie commune, me retrouver dans les bras d’un homme qui m’est totalement inconnu, c’est assez déstabilisant. Ceci dit, je me sens bien et je veux profiter de ce moment. Je suis assez surprise quand même, car il ne m’a pas demandé mon prénom. Je ne voudrais pas que ce soit un homme qui ne cherche qu’à me mettre dans son lit pour me jeter tout de suite après. Je n’ai pas envie d’aventure d’un soir, j’ai envie de romantisme et de douceur.
— Vous ne voulez pas savoir mon nom ? lui demandé-je, me pressant contre sa joue.
— Euh… dit-il en se raclant la gorge. Je crois que je le connais.
— Ah bon ? m’étonné-je.
— Oui… J’ai entendu quelqu’un du personnel vous appeler plus tôt dans l’aprrrrès-midi. D’ailleurs, quel prénom ! Ce n’est pas commun du tout. C’est trrrès joli et il vous va à mer-rrveille.
J’entends dans ses paroles un petit accent qui ne me déplaît pas du tout ! D’origine italienne, sans doute. En tout cas, il me fait de l’effet ! Tiziano se rapproche un peu plus de moi. J’ose poser ma tête sur son épaule et je sens son visage s’abandon-ner dans mon cou. S’ensuit un moment totalement électrisant. J’ai l’impression que nous sommes complètement en symbiose et c’est tout à fait étrange. Si seulement nous pouvions ôter nos masques, mais c’est impossible sur la piste. Le personnel surveille et ils ont l’air bien à cheval sur tout ce protocole mis en place. Sûrement dans la peur d’une amende importante pour non-respect des consignes si jamais les gendarmes débarquent. Et encore, ils sont bien gentils de laisser aux danseurs des musiques où les corps peuvent se frôler… À la fin du slow, Tiziano me prend par la main et m’entraîne près du bar où nous étions tout à l’heure.
— Je suis fatigué, me dit-il, je vais rrrentrer me coucher.
Est-ce une invitation à passer la nuit avec lui ? Devant mon silence, il reprend :
— Je vous rrraccompagne, Paoma ? toujours avec son accent chantant.
— Si vous voulez…
Oh là là ! Ça fait tellement longtemps que je ne me suis pas retrouvée dans une telle situation que je ne sais comment réagir. Va-t-il m’embrasser ? Se jeter sur moi ? Vais-je être à la hauteur de ses attentes ? Je n’ai pas le temps de répondre à ces questions que nous sommes déjà devant mon bungalow. Ce fichu hôtel n’est vraiment pas bien éclairé, car même là, les loupiottes sont éteintes et je ne distingue toujours rien de son visage dissimulé par son masque et sa casquette. Au diable le virus, j’ôte le mien afin qu’il me voie correctement, mais lui garde le sien…
Peut-être a-t-il peur à cause de tout ce qu’on entend ? Je ne peux pas lui en tenir rigueur…
— Paoma, j’ai passé une excellente soirrrée. Peut-être pourrions-nous nous rrrevoir demain ?
Je veux, oui ! Que l’on se revoie demain !
— Avec plaisir, lui dis-je peut-être avec un peu trop d’en-train.
— Attention, vous me faites un effet incrrroyable et je perds mes moyens devant vous. Je rrrisque de ne plus pouvoir me passer de vous si je vous rrrrevois… me dit-il si bas que je doute d’avoir vraiment tout compris.
Comme une adolescente, je sens mon cœur s’emballer et je ne me reconnais plus. J’ai juste envie de l’entraîner avec moi dans mon bungalow, mais je n’en ai pas le temps, car il soulève son masque au-dessus de son nez et se penche pour m’embrasser la main avant de partir, me laissant là, pantoise, frustrée de ne pas continuer la nuit avec lui… Je pars me coucher, pleine de désir pour cet inconnu, et j’ai beaucoup de mal à m’endormir, trépignant toute seule comme une enfant qui n’a pas réussi à avoir ce qu’elle voulait ! Je n’ai qu’une hâte, être à demain au plus vite pour profiter à nouveau de sa présence.
Je me réveille assez tard le lendemain. Le soleil entre par les persiennes de ma fenêtre et il fait déjà très chaud. Mes premières pensées vont vers Tiziano. C’est fou, tout de même ! Il m’a complètement envoûtée ! Je me prépare du thé et tartine des biscottes avec de la confiture de châtaigne, succulent petit-déjeuner déposé devant la porte de ma paillote, avant de me préparer pour la journée et partir à la recherche de mon mystérieux Italien qui, peut-être, m’attend lui aussi. Je m’apprête enfin à sortir quand mon téléphone sonne.
— Paoma, c’est moi, comment vas-tu ? me dit la voix de ma fille à l’autre bout du fil.
— Très bien, ma chérie ! lui réponds-je d’un ton guilleret.
— Oh là là ! En effet ! Tu as l’air contente !
— Oui… Je ne devrais pas te le dire, mais… J’ai rencontré quelqu’un.
— Déjà ? Mais tu es en plein divorce, tu as pensé à Antoine ?
— Papa, c’est de l’histoire ancienne. Notre amour s’est complètement évanoui, tu le sais très bien. Tiziano est…
— Tiziano ? Qu’est-ce que c’est que ce prénom ?
— C’est adorable, tu ne trouves pas ?
— Il est italien ?
— Je crois, oui.
— Tu crois ? Mais tu ne lui as pas demandé ?
— Non, pas encore. Nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup parler. Je te rappelle que je suis arrivée hier seulement.
— Oui, bon, fais attention tout de même…
— Ne t’inquiète pas ! Tout se passe à merveille ! Je dois le revoir tout à l’heure.
— N’oublie pas de porter un masque. La situation se dégrade drôlement encore, je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose.
— Je suis les consignes, comme tout le monde, ma chérie ! Tu oublies que j’ai quarante-trois ans, je suis responsable !
— Mouais… Prends garde tout de même…
Je n’ai pas envie de recevoir de leçon de morale de ma fille et coupe court à cette conversation rapidement. Je sors enfin et je suis happée tout de suite par un homme avec un casque sur la tête, portant un énorme bouquet de fleurs à bout de bras.
— Vous êtes madame Paoma de la paillote de l’Arbousier ?
— Oui, c’est bien ça.
— C’est pour vous !
Il me tend le magnifique bouquet et s’en va aussitôt. Je regarde la petite carte qui y est accrochée : Paoma, votre prénom est une ode à la rêverie et à la douceur. Vous m’avez ensorcelé et je suis impatient de vous revoir. Tiziano
Je l’entends prononcer ces mots en roulant les « r », ce qui me vaut un sourire béat sous mon masque chirurgical, et je ne peux m’empêcher de pousser un petit cri de satisfaction. Des fleurs ! Depuis combien d’années n’en ai-je pas reçu ? Hop, je mets ce splendide bouquet dans ma chambre et pars directement à la recherche de mon bel inconnu. Il ne doit pas être bien loin, l’hôtel n’est pas très grand. Le problème, c’est que je ne l’ai pas vraiment bien vu, ni hier après-midi ni hier soir, d’ailleurs, et j’ai peur de ne pas le reconnaître.
Il n’est ni sur la terrasse de la piscine ni au bar, sinon, il me ferait signe… Il est peut-être descendu sur la plage de Palom-baggia. Je m’y rends tout de suite, empruntant un petit chemin de terre sous les pins parasols. Je scrute chaque homme passant près de moi, cherchant un indice qui pourrait me rappeler Tiziano, mais en vain. La plage est immense et il y a déjà beaucoup de monde. Je marche au bord de l’eau, jetant des coups d’œil un peu partout, espérant qu’il me remarque et vienne vers moi, mais personne, non, rien ne se passe ! Ce n’est qu’au bout d’une bonne heure de recherche qu’enfin j’entends prononcer mon nom :
— Paoma ! Paoma !
C’est lui ! Je reconnais son accent chantant ! Il est dans l’eau, un peu au large, et je le vois nager dans ma direction. Dommage qu’il ne puisse pas voir mon sourire, car il comprendrait tout de suite comme je suis heureuse de le revoir. Il sort enfin de l’eau, mais il est vêtu d’une combinaison de plongée de la tête aux pieds et porte un masque de plongée vitré qui lui prend tout le visage. Je distingue néanmoins quelques détails. J’aperçois une barbe naissante grisonnante, et ses yeux, malgré la buée, m’ont l’air foncés. La combinaison en sky moulante laisse apparaître un corps d’athlète, bien différent de celui d’Antoine, qui, ces derniers temps, était tout flasque. Même sans le voir véritablement, il me fait un effet bœuf, et comme hier soir, je perds mes moyens. Il ôte le tuba qu’il avait dans sa bouche et s’éloigne de moi.
— Je ne vous apprrrrroche pas trop, vous savez, à cause du virrrrus… me dit-il.
Au diable ce virus, bon Dieu ! J’ai juste envie qu’il m’embrasse! Je souris toujours, l’invitant par mon regard pétillant à s’approcher malgré tout de moi.
— Merci pour les fleurs ! Elles sont magnifiques !
— Elles vous ont plu ? J’ai choisi des camélias et des œil-lets du poète pour leurrrs significations.
Il a poussé son geste à l’extrême en choisissant des fleurs qui portent un message ! Qu’il est romantique ! Que toutes ces attentions me manquaient ! Je crois que je vais fondre pour cet homme s’il continue à me parler comme il le fait !
— Peut-être pourrions-nous prrrendre un verre tout à l’heure, Paoma ? Je suis un courrrrs plongée sous-marrrine et je ne peux pas m’échapper comme ça pourrr le moment.
— Oh, bien sûr ! lui réponds-je, pestant intérieurement de ne pas avoir pris le même cours que lui…
— Alorrrs, à tout à l’heure ! me dit-il en partant, sans oublier avant de me prendre la main, comme hier, et d’y porter un baiser, qui m’insuffla instantanément des frissons sur tout le corps.
Je repars, trottinant sur les rochers jusqu’à l’hôtel. Je suis complètement charmée par cet homme ! Je pianote sur mon téléphone portable pour vérifier la signification des fleurs qu’il m’a offertes : l’une désigne l’amour éternel et l’admira-tion, et l’autre, l’inspiration et la finesse. Si avec ça, je ne comprends pas que je lui plais ! J’ai terriblement envie de le séduire moi aussi et je décide d’aller faire les boutiques pour trouver une petite tenue sexy pour tout à l’heure. Il faudrait aussi que j’achète des sous-vêtements un peu plus affriolants que mes culottes en coton !
***
Je ne reviens qu’en milieu d’après-midi avec mes achats et je vais tout de suite me préparer dans mon bungalow. Je ne sais pas à quel moment je vais le retrouver, mais peut-être viendra-t-il me chercher et il faudra que je sois prête ! Je suis tout excitée par ce rendez-vous. Cette sensation est tout à fait exaltante et je n’aurais jamais pensé que mon cœur pouvait encore battre la chamade comme ça ! Quand j’ouvre ma paillote, je trouve un mot glissé sous la porte : Je vous ai cherchée partout en revenant de mon cours de plongée. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, comme disait Lamartine. Je dois m’absenter un moment, mais je serai là ce soir. Nous ne pouvons pas dîner ensemble à cause des restrictions imposées, mais peut-être aurai-je la joie de vous retrouver pour une danse ? Un slow sera le bienvenu si l’hôtel nous en fait de nouveau le cadeau ! Tiziano. Alors là, il faut m’expliquer pourquoi ces simples phrases me font un tel effet ? Il cite Lamartine en plus, mon poète préféré, comme s’il me connaissait déjà par cœur ! Je crois que cette rencontre va changer ma vie ! En tout cas, il fait pétiller mon âme comme jamais !
J’avale le veau aux olives du plateau-repas qu’un serveur m’a apporté, puisqu’on ne peut pas manger au restaurant de l’hôtel, et hop ! je commence à me préparer. J’enfile la petite robe décolletée que j’ai achetée cet après-midi et m’attache les cheveux en chignon pour laisser apparaître le collier en corail pour lequel j’ai craqué tout à l’heure dans la vieille ville de Porto-Vecchio. J’attrape ce satané masque, le mets sur mon visage et je file sur la terrasse de l’hôtel, espérant voir mon soupirant. Encore une fois, j’ai du mal à distinguer les gens. Je ne sais toujours pas si je pourrais le reconnaître facilement. Je marche nonchalamment, il va bien me remarquer et venir à ma rencontre. Mais les minutes passent, et toujours rien. Je commande une liqueur de myrte pour patienter. Pas pratique de boire avec le masque. Il faut le relever, puis l’abaisser à chaque gorgée… Tiziano n’est toujours pas arrivé…
J’en suis à mon quatrième verre quand, enfin, je vois un homme se diriger vers moi. C’est lui, je reconnais sa démarche qui me paraît déjà familière. Il porte sur la tête un bandana en guise de chapeau. Pourquoi a-t-il toujours quelque chose sur la tête ? Peut-être est-il chauve ? Ce qui ne me déplairait pas du tout, en plus. Il me rejoint et nous nous asseyons sur une petite table à l’écart des autres. Je remarque qu’à cet endroit, il fait sombre, et encore une fois, je n’arrive pas à le discerner comme je le voudrais. Bien entendu, j’ai encore oublié mes lunettes et je vois flou, sûrement à cause des quatre verres de liqueur que je viens de boire…
— Vous êtes en beauté, Paoma ! Cette rrrobe… Et ce collier… Vous êtes magnifique ! me dit-il avec son accent chantant qui me fait complètement chavirer.
À ce moment-là, une musique retentit dans les haut-parleurs. Des chants corses complètement envoûtants. Je me sens incroyablement bien, et même si je ne vois pas vraiment à quoi ressemble mon bel inconnu, je m’en contrefiche et nous passons la soirée à parler, à nous découvrir un peu plus. Je constate qu’il m’écoute, qu’il est attentif à chacune de mes paroles, qu’il prend le temps de me questionner. Je lui parle de mon ex-mari, de mon divorce en cours. Je lui dis combien je me sentais devenue invisible en tant qu’épouse, que je n’étais plus une femme, mais plutôt une mère ou une femme de ménage pour Antoine. Il comprend la solitude que j’ai pu ressentir, cette routine qui gâche bien des relations… Je ne sais pas s’il a vécu la même chose, mais j’ai l’impression qu’il sait de quoi je parle. J’apprends qu’il a quarante-cinq ans, que sa vie est aussi marquée par de douloureux moments. J’en suis à mon septième verre de liqueur de myrte et l’alcool me fait peut-être un peu trop parler. Quand il me propose de danser, je saute de ma chaise, mais je vacille aussitôt et manque de tomber. Il me rattrape dans ses bras et je ferme les yeux, espérant qu’il soulève mon masque et le sien pour enfin m’embrasser. À ce moment-là, j’ai terriblement envie de lui, mais lui reste de marbre. À la place, il me porte dans ses bras jusqu’à ma paillote. Je me laisse bercer, si bien qu’une fois qu’il m’a déposée sur mon lit, je m’endors tout de suite.
Je me réveille le lendemain matin, l’esprit embrumé. J’ai bien trop bu la veille et je jure de ne plus me laisser tenter par la douceur de la myrte qui se boit comme du petit lait ! Je me fais un café bien serré et constate lamentablement dans la glace des cernes sous mes yeux. Intérieurement, je me dis : Ma cocote, tu as passé l’âge des nuits pleines d’alcool, tu ferais bien de te reprendre ! Si je veux faire encore un peu d’effet à mon bel inconnu, il faut que je cache mes traits tirés. D’un coup, je prends peur ! J’espère que je ne l’ai pas effrayé avec mes histoires de couple, mon divorce et ma solitude ambiante… Et s’il ne voulait plus me revoir ? Mais bien sûr ! Il ne va plus vouloir me revoir ! C’est certain ! Sinon, il aurait passé la nuit avec moi. Au lieu de ça, il m’a déposée dans ma chambre et il a pris la poudre d’escampette ! Il croit sûrement que je cherche à me caser et que je veux le harponner afin qu’il panse mes blessures. Oh, mais oui ! C’est ça ! Et je ne le reverrai plus, maintenant ! Il va m’éviter et s’enfuir dès qu’il va me voir arriver ! Quelle gourde je fais ! C’est de ma faute, aussi. Toujours à vouloir déballer mes états d’âme…
Déprimée, j’enfile mon maillot, chausse mes lunettes noires et je grimpe dans ma voiture. Je ne resterai pas ici aujourd’hui. Je vais m’éviter l’humiliation d’être rejetée par cet homme et je file jusqu’à Rondinara, m’isoler sur cette plage près de Bonifacio, où je ne pense pas le croiser.
En effet, il y a peu de monde et pas mal d’endroits où déposer ma serviette et mes affaires sans être incommodée par d’autres touristes. Je trouve un endroit sous des pins parasols, à l’ombre, où je m’installe, et bientôt, bien trop énervée contre moi-même, je tombe dans un lourd sommeil jusqu’au soir. C’est l’humidité qui me réveille. J’ai froid et il faut maintenant que je rentre. J’ai dormi toute la journée, ce qui veut dire que cette nuit, je ne vais pas fermer l’œil. Oooh… Les vacances avaient si bien commencé, et j’ai tout gâché ! Antoine me disait toujours que je parlais trop, il n’avait pas tort sur ce point ! Je roule doucement jusqu’à l’hôtel et rentre directement dans mon bungalow, évitant soigneusement de passer par la terrasse. Je m’apprête à entrer sous la douche quand j’entends frapper à la porte. Je m’enroule dans ma serviette de bain, mais j’hésite à ouvrir. Peut-être me suis-je fait de fausses idées, et Tiziano veut me revoir ? Mieux encore, il m’a cherchée toute la journée, et il est inquiet ? Mille questions me traversent l’esprit ! Mon cœur reprend quelques couleurs et, persuadée que je vais me retrouver en face de lui en ouvrant la porte, volontairement, je ne mets pas mon masque et arbore un large sourire.
— Bonsoir, Madame, me dit un tout jeune employé de l’hôtel.
— Bonsoir… lui réponds-je extrêêêêêêmement déçue de tomber sur ce jeune homme.
— Je viens vous apporter le programme de ce soir.
— Le programme ? continué-je un peu gênée de me retrouver seulement couverte d’une serviette de bain devant lui.
— Oui, ce soir, c’est soirée costumée. Vu qu’on est tous obligés de porter un masque, la patronne a décidé d’en jouer et on doit venir déguisés pour la soirée : « Trinquons ensemble malgré tout ».
— Trinquons ensemble malgré tout… Oui, bon… Je ne pense pas venir… De toute façon, je n’ai rien pour me déguiser. Si je l’avais su avant, peut-être aurais-je pu prévoir quelque chose, mais là, je n’ai rien à me mettre… mens-je, toujours déçue…
— Oh, ce n’est pas grave. Je suis sûr que tout le monde ne va pas se déguiser, reprend-il.
— Non. Je n’ai pas envie de sortir. Merci beaucoup, continué-je en fermant la porte.
Mais le jeune homme m’en empêche et, avec un air paniqué, reprend :
— En fait, vous êtes invitée !
— Invitée ?
— Oui, c’est monsieur…
— Monsieur ?
— Monsieur Tiziano quelque chose qui m’a dit de venir vous porter le programme.
— Tiziano ? Et pourquoi n’est-il pas venu lui-même ?
— Parce qu’il est sûrement en train de se préparer… je suppose… dit-il, embarrassé.
Après tout, s’il n’est pas venu, je m’en contrefous ! Je suis simplement heureuse qu’il ait pensé à moi ! Bien sûr que je vais aller à cette soirée, et plutôt deux fois qu’une ! Je suis à nouveau tout émoustillée, et en deux temps trois mouvements, je file sous la douche, me sèche les cheveux, clipse des boucles à mes oreilles et choisis un petit ensemble léopard que ma fille m’a offert juste avant de partir. Je l’avais embarqué dans ma valise pour lui faire plaisir, ne sachant pas quand je pourrais porter quelque chose comme ça (pas du tout mon genre…), mais elle a eu de l’intuition, car c’est en bête fauve que je vais me déguiser ce soir !
Fin prête, masquée et costumée, je me rends sur la terrasse et me place près du bar, là où je rencontre toujours mon bel inconnu. Je ne tiens pas en place. J’ai hâte de le voir et je trépigne d’impatience, tournant en rond tel un lion en cage ! C’est Muvrini qui chante ce soir encore pour mon plus grand plaisir et je me trémousse en attendant d’apercevoir l’énigma-tique Tiziano. Le soleil est maintenant couché, il n’est toujours pas là. Je regarde tous les vacanciers, affublés de déguisements de fortune, c’est assez drôle à voir et ça me fait passer le temps. Je me demande en quoi il va être déguisé ! Je l’imagine en panthère, ou en chevalier, pourquoi pas, il est si romantique ! Voilà qu’un homme vient vers moi. Il a une cagoule sur la tête et est vêtu d’un treillis.
— Bonsoirrr, belle crrréature de la jungle ! me dit-il en roulant les « r » comme il sait si bien le faire.
— Bonsoir ! Vous êtes en… ? m’étonné-je.
— En bandit du maquis ! Je chasse les bêtes férrroces et vous en êtes une, je crrrois ! me répond-il avec un certain amusement.
Je souris. S’il savait que je suis littéralement sous son charme… Bon, ce n’est pas ce soir encore que je vais découvrir son visage entièrement, mais je suis diablement contente qu’il soit là. Il n’a pas l’air de me tenir rigueur de la conversation que nous avons eue hier et encore moins de mon état d’ébriété. Et sans entamer une nouvelle discussion, il m’entraîne sur la piste et nous dansons tous deux avec ferveur sur les airs populaires de cette belle île paradisiaque ! Nous ne nous arrêtons pas et enchaînons, chanson après chanson. Je transpire sous mon masque et mon mascara doit couler avec la sueur qui perle de mon front. Tiziano doit être en nage sous sa cagoule, mais respectueux des règles sanitaires, il ne l’enlève pas. En milieu de soirée, le DJ met des morceaux plus doux, pour mon plus grand plaisir, car il me prend alors dans ses bras et nous dansons l’un contre l’autre, ce qui est tout à fait électrisant et pourtant non réglementaire en cette période de pandémie virale ! Je pose ma tête sur son torse. Je me sens comme une midinette ! Ces moments dans ses bras sont bien trop exaltants et je me sens parfaitement heureuse. Après trois slows collés-serrés, où nos cœurs se sont emballés (le mien en tout cas !), il me soulève le menton et me fixe du regard à travers les trous de sa cagoule. Je n’arrive pas à bien voir ses yeux, mais j’y sens toutefois une extrême douceur, ce qui fait bondir mon cœur encore plus vite ! Sans dire un mot, il m’entraîne vers la plage attenante à l’hôtel. Nous sommes sous les pins parasols, sur le chemin de terre qui mène à Palombaggia. La nuit est noire, la lune a décidé de se cacher, et sans mes lunettes de vue, je trébuche sur toutes les racines sèches qui serpentent sur le sol. Il me retient à chaque fois et je me retrouve une fois de plus dans ses bras. Nous nous allongeons par terre. Je retire mon masque et essaie de lui enlever sa cagoule, mais il repousse ma main. Il me déshabille doucement, prenant soin de me caresser à chacun de ses gestes. Bientôt, je suis quasiment nue et le laisse parcourir mon corps avec ses