Mentions légales

Ne retiens pas tes larmes, Tome 1
Naolie Roï

ISBN : 978-2-38254-009-1
Couverture : © Orlane, Instant immortel
Mise en pages : © Orlane, Instant immortel
Images : © Pixabay, © Freepik

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le téléchargement, la numérisation et la distribution de ce livre, sous quelque forme ou moyen, y compris l’électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre sans l’autorisation du détenteur du droit d’auteur sont illégaux et punis par la loi. Veuillez acheter uniquement des éditions autorisées à cette œuvre et ne participez ou n’éncouragez pas le piratage. Votre soutien au travail de l’auteur est apprécié.

© 2021, Rouge noir éditions

Impression : BoD - Books on Demand GmbH

Sommaire

Assise sur le sable fin, les écouteurs enfoncés dans ses oreilles, écoutant « Maps de Maroon five », Lucinda pense que rien ne peut gâcher cette aurore qui pointe le bout de son nez. Cette plage, qu’elle aime tant, va lui manquer, elle n’est pas certaine de la date de son retour dans la maison familiale. Après tous les événements passés, ses parents la prennent encore pour une enfant et sont si autoritaires, enfin surtout sa mère, avec qui elle a une relation conflictuelle.

— Lucinda !

Elle pensait avoir un peu de répit et grimace rien qu’à entendre sa mère prononcer ce prénom qu’elle déteste. Elle continue de l’appeler, mais Lucinda monte le son de l’iPad, feignant de ne pas l’avoir entendue. De longues jambes hâlées apparaissent dans son champ de vision. Elle lève la tête vers ce visage qui lui ressemble tant, bien qu’elle sache qu’elle ne peut pas l’entendre, sa mère continue de lui parler et pointe la maison du doigt.

Lucinda soupire longuement et se lève pour rebrousser chemin d’un pas lent vers la villa. Dans la cuisine, Sean, son père, est déjà attablé, il lit les pages sportives en attendant que le petit déjeuner soit servi par Maria, la gouvernante. Lucinda s’installe à son tour en face de Nolan, son petit frère de six ans et sa mère Graziella prend place à l’autre bout de la table. Nolan fait de grands signes à sa sœur pour qu’elle retire ses écouteurs et l’écoute.

— T’as bien dormi ?

— Oui ! répond-elle en lui mentant, elle ne peut pas dire à son petit frère qu’elle fait des cauchemars. Qu’en penserait-il ?

— Maman a dit que je pouvais t’accompagner à l’uni… l’univer…

— À l’université.

Il hoche la tête.

— Papa ! dis-moi nous étions d’accord pour que je prenne la moto jusqu’à l’université ?

Son père lève enfin la tête de son journal, l’observe en plissant des yeux, et dirige son regard vers sa femme qui intervient.

— Pas de moto jusqu’à nouvel ordre, annonce-t-elle.

— Quoi ? s’écrit Lucinda faisant sursauter Nolan qui perd son sourire. Mais vous aviez dit que…

— Tu récupéreras ton maudit engin quand tu te seras assagie.

— Papa ! mais dis quelque chose !!

Son père se range du côté de sa femme, comme résigné.

— Tu as entendu ta mère !

Lucinda aime son père, ils sont très proches, mais il ne sait pas contredire sa femme, elle a toujours le dernier mot.

Lucinda, très contrariée et en colère, se lève brusquement, faisant tomber sa chaise. Malgré les appels incessants de sa mère depuis la cuisine, elle quitte la pièce pour rejoindre sa chambre et finir ses sacs.

Un long moment plus tard, des petits coups à la porte l’interrompent. Sans même se retourner, elle sait que c’est son petit frère.

— Tu es fâchée ?

Elle se retourne, s’accroupit et lui ouvre les bras pour qu’il vienne s’y blottir.

— Contre toi ? Jamais de la vie.

— Alors pourquoi cries-tu tout le temps ? Tu es en colère, je le sais.

Malgré son jeune âge, son petit frère est très intelligent, aussi elle ne peut pas lui expliquer pourquoi elle est tellement en colère contre sa mère.

— Je suis fâchée, c’est vrai, mais ne t’inquiète pas…

Elle n’a pas le temps de finir sa phrase que Nolan enfouit sa tête dans son cou et commence à sangloter.

— Pourquoi pleures-tu ?

— Je suis triste ! Je vais être tout seul et tu vas me manquer.

— Toi aussi, mais Maria est là, tu sais qu’elle t’adore.

— Je sais, mais toi tu avais Lukas.

Elle tressaille en entendant le prénom de son frère.

— Tu sais quoi, j’ai une idée, je sais comment faire pour te remonter le moral.

Nolan lève la tête, et la regarde avec les yeux pleins de larmes que Lucinda fait disparaître de ses pouces.

— Va donc te préparer, je t’emmène quelque part.

— Où ?

— C’est une surprise. Dépêche-toi et ne dis rien à personne.

— Mais tu dois partir pour…

— Justement, dépêche-toi, je t’attends dans la voiture de papa.

Il dépose un bisou tout mouillé contre sa joue et lui sourit. La jeune femme regarde l’heure sur son portable, il lui reste moins de trois heures avant de quitter cette prison. Il est temps pour elle de reprendre sa vie en main.

Mais Lucinda n’est pas aussi euphorique qu’elle devrait l’être, comme tous les jeunes qui quittent la maison pour aller à l’université et découvrir ce qu’est le monde. Elle le connaît déjà et l’expérience qu’elle en a eue, lui donne encore parfois la nausée.

Tout ce qu’elle espère, c’est que sa colocataire de chambre ne sera pas une écervelée, une fille à papa juste là pour s’amuser. Pour ça aussi elle a donné, c’est pour cela qu’elle a demandé une chambre seule, mais ça ne lui a pas été accordé. Les valises sont bouclées depuis la veille, elle fait un tour de la chambre, prend un carton et y entrepose ses livres préférés, quelques cadres photo, ainsi que des babioles qu’elle adore. Elle a juste le temps de tout déposer dans la voiture de sa mère, avant que Nolan ne la rejoigne.

— Prêt, mon capitaine !

— Très bien, en route, moussaillon.

Étant enfants, Lukas et Lucinda, lors des départs en vacances, leur père instaurait un petit jeu en entourant chaque destination d’une couleur différente. Ils partaient souvent à l’aventure ce qui leur apprenait à se situer sur une carte routière, et éviter les remontrances de leur mère qui se fâchait facilement, car son travail était très chronophage et empiétait sur les sorties en famille. Sean quant à lui gardait un maximum de son temps pour le consacrer à ses enfants.

Elle s’installe au volant, boucle sa ceinture et règle le rétroviseur intérieur.

— Les écoutilles sont closes, moussaillon ?

— Oui mon capitaine.

— Ceinture bouclée ?

— Oui mon capitaine.

— Très bien, paré à manœuvrer ? En route !

Alors qu’elle s’apprête à partir, Lucinda aperçoit sa mère dans le rétroviseur qui lui fait de grands signes. Elle décide de ne pas s’arrêter, mais quelques secondes plus tard le téléphone de la voiture sonne.

— Où vas-tu ?

— J’emmène Nolan se promener, je serai là à temps pour le départ.

— Lucinda ?

— Oui maman ? répond la jeune femme sur un ton sarcastique.

— Fais attention !

Lucinda raccroche sans lui répondre. Depuis l’accident, Graziella angoisse à chaque fois que sa fille prend la route.

— Allons-nous avoir des problèmes capitaine ?

— Toi, non, mais moi sûrement, si nous ne rentrons pas à temps à la maison.

Au bout de quelques longues minutes de route, elle se gare sur le parking d’un chenil. Elle est très contente de voir les yeux de Nolan pétiller de joie, un grand sourire sur les lèvres lorsqu’il entend des chiens aboyer.

— Oh c’est génial, je vais avoir un chien !

Lucinda sait pertinemment qu’elle aura des réflexions venant de sa mère, mais elle expliquera que Nolan se sentira moins seul et que la compagnie d’un chien lui fera le plus grand bien. Le petit garçon met un certain temps à se décider, car il les veut tous. Il s’arrête subitement devant un enclos.

— Je veux celui-ci !

— Tu es sûr petit, c’est beaucoup de travail pour un enfant de ton âge. Il va falloir tout lui apprendre, car il est aveugle.

— Même pas peur !

Le gardien regarde Lucinda, qui confirme qu’ils vont prendre ce chiot que la vie n’a pas épargné. La préparation des papiers prend une éternité alors, pendant ce temps, ils achètent tout ce dont l’animal aura besoin. Luke regarde souvent sa montre, et se rend compte qu’il leur reste un peu de temps avant de rentrer à la maison.

Après une longue discussion sur le chemin du retour, Nolan a choisi Hector comme prénom pour son nouveau compagnon. En arrivant, Sean les accueille avec le sourire tandis que Graziella a une mine sévère et les bras croisés. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose et la referme aussitôt lorsque son mari lui presse le bras et l’intime à rentrer.

Le chemin vers la résidence universitaire est long et silencieux, la tension entre Lucinda et Graziella n’est pas redescendue. Durant le trajet, Nolan s’est finalement endormi la tête contre l’épaule de sa sœur.

À leur arrivée, Sean remarque l’étonnement sur le visage de sa fille lorsqu’elle comprend qu’ils ne s’arrêtent pas devant la résidence où elle devait aller. Il lui fait un clin d’œil depuis le rétroviseur central et continue de rouler, se garant quelques minutes plus tard, sur une place de parking souterrain dans un petit bâtiment de quatre étages.

— Où sommes-nous ?

— Ton appartement se situe au dernier étage, dit-il en jetant un œil sur Graziella qui s’est endormie.

— Quoi ? Je ne comprends pas !

Sean sort de la voiture et réinstalle Nolan confortablement sur la banquette arrière afin que Lucinda puisse sortir à son tour. Elle reste muette face à son père et se dit que ce serait trop beau qu’elle n’ait pas un colocataire pour lui servir de chaperon.

— Aide-moi donc à monter tes affaires, nous réveillerons ta mère et ton frère quand nous aurons fini.

Une fois arrivé sur le palier, son père lui donne les clés. L’appartement est calme et spacieux, mais l’absence de colocataire la surprend. Elle se retourne alors vers son père avec un regard pétillant et reconnaissant, tout en lui sautant dans les bras, Lucinda transmet à Sean tout l’amour et le respect qu’elle lui voue. Ils déposent les cartons dans le patio, où elle découvre un espace assez grand avec des portes coulissantes, un couloir qui dessert trois chambres, la salle de bain et les toilettes. De l’autre côté, il y a un salon salle à manger immense, une cuisine américaine dotée d’ustensiles dernier cri où elle se voit déjà concocter de bons petits plats.

Le logement est meublé et Lucinda se demande qui en est le décorateur, car le mauvais goût de sa mère n’est pas présent dans ces pièces de vie. Son père semble lire dans ses pensées.

— Si tu te poses la question, j’ai engagé une décoratrice d’intérieur.

Ce qu’elle aime chez son père, c’est sa capacité à connaître ce qu’elle pense, rien qu’en la regardant. Une relation qu’elle n’a jamais eue avec sa mère. Pourtant elle lui ressemble tellement.

— C’est très grand ici quand même ! est-ce que maintenant tu peux m’expliquer ce que je fais ici ?

— Avec ta mère, nous sommes tombés d’accord sur le fait que tu peux vivre seule et en indépendance. Si tu le souhaites, tu peux prendre une colocataire.

— Vraiment ? Maman est d’accord avec toi sur mon besoin d’indépendance ?

— Oui à ton âge, être dans un internat n’est vraiment pas approprié.

— Mais à quoi est-ce que je dois m’attendre avec cette nouvelle confiance que vous m’accordez ? Surtout celle de maman !

— À rien ! J’ai éclairci certains points avec ta mère, ça n’a pas été facile, mais sois digne de cette confiance…

— D’accord… mais ça va coûter combien en loyer ? Je ne te cache pas que je suis très surprise de ce changement de situation.

Il sourit à sa fille, et reconnaît sa maturité en matière d’argent. Lucinda ressent sa gêne et se rend compte qu’il n’arrive pas à la regarder dans les yeux.

— En fait lorsque tes grands-parents sont décédés, ton frère et toi avez hérité d’une certaine somme d’argent. Tu as utilisé une partie de ton héritage en investissant, comme je te l’ai conseillé. Quant à ton frère, il a investi dans l’immobilier en achetant cette résidence ainsi que trois autres immeubles comme celui-ci, tout aussi proches d’une université, ne sachant pas laquelle vous alliez choisir pour poursuivre vos études…

Lucinda n’entend plus ce que son père lui dit, les larmes aux yeux, elle repense à son frère Lukas… chaque fois que son prénom est prononcé, elle ne peut retenir cette douleur, cette boule qui s’insinue en elle comme une piqûre de rappel depuis sa mort. Elle se remémore le jour de la lecture du testament qui a fait d’elle l’héritière de tous ses biens. Sauf que ce jour-là, elle n’en avait que faire, son chagrin était trop grand.

Et aujourd’hui, rien n’a changé, elle se moque toujours autant de la fortune familiale n’ayant en tête que le manque provoqué par l’absence de son jumeau. Elle ferme les yeux et se blottit dans les bras réconfortants de son père.

S’en suit le reste de la visite. Lucinda est impressionnée par le toit-terrasse équipé d’un grand jacuzzi ainsi que de la magnifique vue qui donne sur le grand parc. Ils continuent par la visite des parties communes de l’immeuble et, bien qu’elle dispose de l’équipement nécessaire dans l’appartement, la résidence est équipée d’une laverie et d’une salle de sport.

Elle s’étonne lorsqu’ensuite, elle découvre le jardin commun, équipé d’une piscine, de tables, de chaises et d’un espace de verdure. Pendant cette visite, ils croisent quelques résidents et elle se présente en tant que nouvelle locataire, gardant sous silence sa qualité de propriétaire des lieux. Arrivé au sous-sol, son père lui tend des clés de voiture. Elle le regarde, stupéfaite, puisqu’ils sont venus avec celle de sa mère.

— J’ai pensé que…

Il lui montre du doigt un pick-up bleu, garé à quelques pas de là.

— Mais papa c’est un 4x4 ??!!

— J’ai vu trop gros ?

— Ouiiii enfin, non ! Oh papa il est parfait, merci, merci je l’adore.

Elle passe ses bras autour des hanches de son père et l’enlace tellement les émotions l’envahissent.

Ils retournent à la voiture où sa mère et Nolan se réveillent. Lucinda fait visiter l’appartement à son frère, en lui promettant qu’une chambre lui sera réservée quand il viendra, ce qui rassure l’enfant et lui redonne le sourire. Ainsi leur séparation est moins déchirante que ce qu’elle pensait.

Après leur départ, la jeune femme met sa playlist en route et commence à déballer ses valises et le peu de cartons qu’elle a apportés. Quand elle a terminé, elle se détend de longues minutes sous la douche en pensant à tous ces changements et à ce que l’avenir lui réserve. Ses parents lui font à nouveau confiance et elle doit en être digne.

Elle s’enroule d’une serviette et sort de la salle de bain pour passer des vêtements d’intérieur. N’ayant rien pour cuisiner, elle cherche sur le net le restaurant chinois le plus proche et passe commande.

L’interphone retentit moins de trente minutes plus tard, elle descend chercher sa livraison et, en arrivant à la porte d’entrée, une jeune femme blonde la bouscule. Lucinda se retourne, leurs regards se croisent.

— Luke ?

— C’est bien toi Libby ?

À l’évocation du diminutif de son prénom, Lucinda sait qu’elle a devant elle sa meilleure amie qu’elle n’a pas vu depuis la mort de son frère Lukas, elle prend les sacs des mains du livreur et le paie à toute vitesse. Il tente de lui parler, mais la jeune femme ne l’écoute pas et lui referme la porte au nez. Elle est à la fois contente et stupéfaite d’avoir devant elle sa sœur de cœur. Quel choc de la rencontrer ici !

— Que fais-tu ici ?

— Je vis là depuis maintenant six mois, et toi ? Je pensais que…

— Je suis sortie il y a quelque temps. Annone la jeune femme en se massant nerveusement la nuque.

— Mais quelle coïncidence ?

— Non, pas vraiment. L’informe son amie.

— De quoi est-ce que tu parles ?

— Suis-moi, je vais tout expliquer. Tu veux boire quelque chose propose Libby en entrant dans son appartement.

— Oui je veux bien un verre d’eau s’il te plaît.

— Je t’en prie assieds-toi.

— Ton père ne t’a pas dit que j’habitais ici ?

— Non ! Je pensais que tu étais partie en Europe comme tu me l’as écrit dans tes lettres.

— Je suis revenue il y a six mois, j’étais en France quand Sean m’a contactée en me disant que j’avais hérité d’un appartement que ton frère avait acheté.

— Ah !

— Oui, comme tu dis ! Ça m’a fait un choc de revoir ton père après tout ce temps et l’entendre parler de cet appartement m’a perturbée. Il insistait lourdement et jour après jour, je voyais son numéro s’afficher sur l’écran de mon téléphone. Je pensais qu’il se lasserait, mais comme il n’avait pas de réponse de ma part, il a laissé un message vocal que j’ai écouté deux ou trois jours après, j’avais peur de ce qu’il pouvait m’annoncer et j’ai pensé qu’il t’était arrivé quelque chose. Alors, j’ai pris mon courage à deux mains. Il avait été très bref, me disant simplement qu’il s’agissait de l’héritage de Lukas, qu’il fallait que je le contacte au plus vite. C’est ce que j’ai fait, me demandant ce que cet héritage avait à voir avec moi. C’est alors qu’il m’a dit que Maître Harper, le notaire, a retrouvé des feuillets correspondant au testament de Lukas, stipulant qu’une certaine somme d’argent me revenait et que j’étais également la copropriétaire de cette résidence. Ta mère n’a pas réussi à faire annuler le mariage…

Libby fond en larmes dans les bras de son amie.

— Mon frère t’aimait tellement, je ne vois pas où est le problème ? Tu as toujours fait partie de notre famille, même sans les liens du sang, nous étions liés et nous le serons toujours !

— Le problème, c’est ta mère ! Elle ne m’appréciait pas vraiment avant et je doute que ses sentiments envers moi aient changé.

— On s’en fiche de Graziella ! Vous vous aimiez, Lukas et toi, c’est ça qui est le plus important. Ma mère voulait garder Lukas pour elle.

— Si tu savais ce que je m’en veux, tu avais besoin de moi et je suis partie… Sanglote-t-elle encore.

— Je n’ai pas non plus été une bonne amie, tu étais en deuil également et je n’ai pas été présente pour toi. Ma chute a été terrible et je ne voulais pas t’emmener avec moi dans cette noirceur. Aujourd’hui, nous sommes réunies à nouveau.

— Je suis désolée. Ça ne m’arrive pas souvent de craquer.

— Ne t’excuse pas, ça fait du bien parfois et puis je suis là maintenant.

J’avais prévu de manger chinois, ça te tente ? Je crois qu’ils se sont trompés dans la commande, il y en a beaucoup trop.

— Pourquoi pas, je n’avais rien prévu ! dis-moi, est-ce que tu te rappelles quand…

Le soudain mutisme de son amie surprend Luke qui commençait à ouvrir le sac du traiteur chinois. Elle relève la tête et interroge son amie du regard.

— Tu n’as peut-être pas envie de raviver certains souvenirs ? questionne Libby.

— Tu sais, beaucoup de choses du quotidien me font penser à mon frère, alors si tu as besoin d’en parler vas-y je t’écoute. Tous mes bons souvenirs sont en partie grâce à ce que nous avons vécu Lukas, toi et moi !

— Notre premier chinois ? Lukas et moi ne savions pas manger avec les baguettes…

— Et comme deux amoureux transis, que rien ne pouvait arrêter, nous avons été l’attraction du restaurant quand vous vous êtes donné la becquée !

L’hilarité prend place dans l’appartement jusqu’à ce que Luke ouvre le second sachet.

— Ils ne se sont pas trompés finalement, j’ai pris la commande de quelqu’un d’autre voilà pourquoi il y en avait trop. Cette commande appartient à Mr Hargitay !

— C’est le voisin d’en face !

— Et tu le connais ? insiste Luke.

— Pas vraiment.

Luke fait la moue, pensant que son amie lui raconterait une histoire croustillante.

— Je ne fais que l’apercevoir, répond-elle en levant les épaules.

— OK ! Je vais lui apporter sa commande, tu m’accompagnes ?

— Hum… Non, je préfère t’attendre là.

Luke sort de l’appartement et se dirige en direction de la porte qui lui fait face.

Elle tend l’oreille, mais n’entend pas de bruit, frappe quelques coups, mais personne ne répond. La jeune femme décide de ne pas laisser la nourriture dehors et retourne chez Libby. Elle lui demande un stylo, griffonne un mot sur le ticket de caisse et le colle sur la porte avec son chewing-gum. Durant toute la soirée, les deux amies rient, pleurent, se remémorant leur enfance et leur adolescence. Puis l’humeur de Luke change lorsqu’elles abordent le moment de sa vie où tout a dérapé.

Elles se promettent de ne plus s’abandonner et de prendre soin l’une de l’autre à l’avenir, comme deux sœurs peuvent le faire.

Il est tard lorsque la jeune femme décide de regagner son appartement. En sortant, elle aperçoit le petit mot toujours accroché à la porte du fameux voisin, mais n’en tient pas compte. Elle monte les marches doucement et sourit en repensant à cette soirée.

Après s’être préparée pour la nuit, elle est confrontée à un dilemme. Doit-elle prendre ses médicaments, alors qu’elle n’a pas mal ? ou ne les prend-elle pas au risque de passer une mauvaise nuit ? Les psychologues parlent du syndrome du membre fantôme, or, il ne lui en manque aucun.

Physiquement, elle va bien, du moins elle va mieux., parce que Lukas était son jumeau et que cette partie d’elle lui a été arrachée, que son cœur s’en est trouvé brisé, voilà l’explication des médecins dû à son syndrome. Elle soupire, décide de ne rien prendre, éteint la lumière et rejoint son lit. Elle ne met que quelques minutes à s’endormir.

Le lieutenant Spencer Hargitay a un mal de tête insoutenable lorsqu’il rentre chez lui. Il pensait finir son service beaucoup plus tôt, mais c’était sans compter sur cette petite dame qui a perdu son chien. Elle ne voulait pas comprendre que la police ne pouvait malheureusement rien faire pour elle, il lui a demandé d’attendre qu’il revienne ou alors qu’elle appelle le refuge le plus proche. Elle est restée pendant trois longues heures et lui a montré les photos de ses petits-enfants. Spencer a décroché au moment où elle lui a présenté sa petite fille, belle, intelligente… Et puis Doris est arrivée pour lui sauver la mise et s’occuper elle-même de la vieille dame.

En entrant dans le hall de la résidence, il est surpris de ne pas voir, comme chaque quinzaine, le sac du resto chinois, posé au pied de sa porte. Il en découvre la raison accrochée sur celle-ci.

J’ai pris votre menu par erreur, dsl.
Mettez la prochaine commande sur ma note.
Xoxo L

— C’est bien la première fois qu’on me fait ce coup-là ! Et c’est qui ça L ?

Spencer chiffonne le morceau de papier et le range dans la poche de son cuir. Il est sur le point d’introduire la clé dans la serrure lorsqu’il entend des hurlements et quelque chose se fracasser au sol. Cela provient de l’appartement inoccupé alors il monte les marches quatre à quatre et dégaine son arme. Les cris persistent, il tambourine à la porte et n’entend soudain plus rien. Après quelques secondes la porte s’entrouvre doucement, il découvre une jeune femme en pleurs les cheveux tout ébouriffés qui serre un oreiller dans ses bras, comme-ci c’était sa bouée de sauvetage.

— Qu’est-ce que vous faites là ? Qui êtes-vous ?

— …

— Répondez !!!! Dites-moi qui vous êtes ?

— Ça ne vous regarde pas ! Et vous, vous êtes qui pour me parler comme ça ?

— Je suis l’un de vos voisins, j’ai entendu vos cris. Alors, vous allez me dire qui vous êtes et ce qu’il vous arrive ?

— Je m’appelle Luke et c’est tout ce que vous avez le droit de savoir ! Bonsoir.

Elle tente de refermer la porte, mais le lieutenant la bloque avec son pied, énervé et en colère face à l’attitude de cette hystérique en pyjama.

— Écoutez, je suis de la police, laissez-moi vérifier que tout va bien et je vous laisse tranquille.

Surprise Luke relâche son emprise sur la porte et demande d’un air suspicieux.

— Qui a appelé la police ?

— Personne. Je rentrais chez moi, j’ai entendu hurler et je me suis précipité ici. Déformation professionnelle.

Luke finit par céder, ouvre la porte et laisse Spencer vérifier qu’elle n’est pas en danger. Il fait le tour de l’appartement, rien n’est anormal à part dans la dernière chambre où la couette est en boule sur le lit, la lampe de chevet fracassée au sol avec un cadre photo retourné, quelques bris de verre jonchent le sol également.

— Vous voyez tout va bien, souffle-t-elle dans son dos.

Spencer attrape sa voisine de justesse par la taille afin qu’elle ne se coupe pas en marchant sur les morceaux de verre. Elle se crispe à son contact, n’appréciant pas les gestes tactiles, mais se détend presque aussitôt en posant ses mains sur ses avant-bras. Une douce odeur de mangue émane d’elle et il aimerait enfouir son nez dans ses longs cheveux.

— J’ai besoin d’aller à la salle de bain, chuchote-t-elle.

— Il faudrait peut-être ramasser les morceaux de verres ?!

— Je le ferai plus tard, laissez !

— Hors de question, vous allez vous blesser donnez-moi ce qu’il faut je vais le faire.

Elle le toise un instant, mais le lieutenant campe sur sa position. À son attitude, elle finit par capituler.

— Dans le placard de l’entrée.

Alors qu’il revient dans la chambre, muni de la balayette et de la pelle, il la découvre à quatre pattes, regroupant les plus gros morceaux de verre dans un coin. Il ne peut s’empêcher de se dire qu’il a affaire à une femme têtue et bornée. Ses pensées dévient lorsque ses yeux descendent sur ses courbes tout en appréciant ses petites fesses bien musclées recouvertes d’un tout petit short.

— Vous comptez me donner la balayette ou continuer à me reluquer ?

Il ramasse le cadre photo sur lequel elle pose à côté d’un homme qui l’embrasse tendrement sur la joue alors qu’elle tire la langue à l’objectif. Le regard de Luke s’assombrit lorsqu’elle tire légèrement dessus pour le récupérer, le policier n’insiste pas et relâche le cadre. Elle inspecte les dégâts et fait une légère grimace lorsqu’elle s’aperçoit qu’il est fêlé en plein milieu de la photo.

Elle semble heureuse sur cette photo ! Qu’est-ce qui a bien pu changer ?

Luke se relève soudainement et se rend dans la salle de bain où elle est suivie par Spencer qui la regarde ouvrir la pharmacie d’où elle sort un petit flacon orange. Elle prend deux comprimés qu’elle avale. Spencer est intrigué et surpris de constater la collection de petites boîtes qui trônent dans l’armoire, aussi il se permet de demander.

— Vous prenez tout ça ?

— Cela ne vous regarde pas !

— C’est dangereux tous ces mélanges, vous savez ?

— Je n’en prends plus et puis ce ne sont pas vos affaires ! Mêlez-vous de ce qui vous regarde !

— Pourtant vous venez d’en avaler, ne me prenez pas pour un imbécile !

Il s’aperçoit qu’il l’irrite avec ses questions, mais il veut savoir pour sa tranquillité d’esprit, mais c’est surtout parce qu’il ne tient pas à voir débarquer les pompiers pour une overdose de médicaments.

— J’en prends uniquement quand je souffre comme ce soir. Vous avez bien vu dans quel état j’étais.

— Que vous est-il arrivé de si terrible pour vous retrouver comme ça ?

— Vous êtes bien trop curieux et connaître ma vie ne vous apportera rien de plus.

— Mais…

Elle avance vers lui, l’air menaçant pointant son doigt contre son torse ; au fur et à mesure il recule se rendant compte qu’il a traversé l’appartement au moment où il bute dans la porte d’entrée.

— Vous avez fait votre travail de flic, il n’y a personne d’autre ici, à part moi. C’était un simple cauchemar, sortez maintenant ! Rien de ce qui se passe ici ne vous concerne.

Spencer, regrette de l’avoir mise en colère.

— Je vous laisse ma carte avec mon numéro personnel, si vous avez besoin !

Elle veut lui arracher la carte des mains pour se débarrasser de lui au plus vite, mais il est plus rapide qu’elle et garde sa paume dans la sienne tout en plongeant dans son regard couleur chocolat. L’intensité de ses iris et de l’attraction mêlant tension et désir pousse Spencer à vouloir la faire sienne même s’il ne la connaît pas. Comment un simple regard peut-il engendrer une telle connexion ?

— Promettez-moi de m’appeler si…

Elle soupire exaspérée.

— Je vous le promets, maintenant sortez de chez moi !

— Ne promettez pas… si ce ne sont que des paroles en l’air pour que je débarrasse le plancher. Promettez, et faites-le si vous avez besoin de moi, même dans le cas contraire.

Avec un petit sourire en coin, Spencer finit par sortir de l’appartement…

Luke se détend légèrement et accepte sa demande.

— Très bien ! Je vous le promets.

Le policier ressent pour la première fois une attirance très forte pour une femme. Le caractère bien trempé de sa jolie voisine, ne le rebute absolument pas bien au contraire, il l’interpelle et la rend terriblement sexy. Son cœur tambourine si fort dans sa poitrine qu’il pense que celui-ci va exploser, et il n’y a pas que ça. C’est sûr, cette femme lui fait de l’effet, malgré ses problèmes il veut la revoir. Luke a retiré sa main pour croiser les bras en signe de défense ce qui fait ressortir la naissance de ses seins derrière son débardeur.

Elle se racle la gorge et continue de le toiser avec insistance lui, maintient son inspection ouvertement ciblée sur sa poitrine, alors avec un rictus provocateur il remonte son regard vers le visage cramoisi de la voisine caractérielle.

— Vous sortez maintenant ? dit-elle en reculant.

— Oui si c’est vraiment ce que vous voulez. Bonne nuit !

Luke s’adosse à la porte, croyant qu’il ne partirait pas, elle ne laisse jamais personne entrer dans son intimité. Elle ne sait pas qui est cet homme, d’où il vient, mais il l’a chamboulée et éveillé des émotions qui lui sont totalement inconnues.

C’est la première fois qu’elle ressent ça, apaisée et en confiance avec un homme si bien qu’elle se met à fantasmer sur son teint hâlé, ses magnifiques yeux couleur chocolat et cette mâchoire carrée parfaitement assortie à ses lèvres charnues, sans oublier ses beaux cheveux noirs dans lesquels elle avait envie d’y plonger ses doigts.

Elle se mord la lèvre inférieure, des frissons lui parcourent le dos et elle sent son entrejambe se réveiller brutalement, il faut qu’elle se le sorte de la tête. Un homme d’une imposante corpulence comme la sienne ne peut pas être célibataire, c’est impossible. Elle regarde une dernière fois la carte et la dépose sur le plan de travail avant de retourner se coucher.

Après avoir tourné pendant plus d’une heure dans son lit, Luke ne cesse de penser à son voisin même si elle ne l’a vu que vingt minutes. Il est déjà ancré dans sa tête, mais hors de question qu’il atteigne son cœur, mais ça fait tellement longtemps que des mains chaudes et caressantes d’un homme ne l’ont pas touché qui lui est difficile de ne pas cogiter.

— Non ! Non ! Non ! Pense à autre chose Luke… s’écrie-t-elle, énervée par la situation.

Elle recouvre son visage avec la couette et essaie une bonne fois pour toutes de retrouver le sommeil, mais rien à faire pourtant c’est étrange puisqu’elle a pris des somnifères et c’est la première fois qu’ils n’agissent pas. Dans un soupir, elle rabat finalement la couverture à ses pieds et regarde le réveil qui indique cinq heures du matin, finalement ça ne sert à rien de rester dans le lit, elle décide de se lever, enfile un jogging, des baskets et prend son iPod… Courir, c’est la solution, ça l’a toujours été.

En passant devant la porte de son voisin, après un bref regard, elle se rend compte que le mot a disparu et espère qu’il ne lui en voudra pas.

Une fois dehors, Luke ferme les yeux et profite de cette douce brise d’été qui lui caresse le visage. Elle enfonce les écouteurs dans ses oreilles alors que résonnent les premières notes de « One more night de Maroon five ». Il n’y a pas plus accro qu’elle à ce groupe. Alors qu’elle accélère, des événements du passé remontent à la surface.

Le souvenir de son premier acte de rébellion contre sa mère lui revient ! Pour leurs seize ans, leur tante avait offert à son frère et elle des places pour le concert des « Maroon five ». Le concert étant en semaine, leur mère leur avait interdit d’y aller. Sean, lui, n’était pas contre, il avait organisé son planning afin de pouvoir les y emmener et les rechercher.

Mais rien n’y avait fait, Graziella avait campé sur sa décision. Luke avait dit à Lukas de la rejoindre dans sa chambre à vingt et une heure précise, ce qu’il avait fait. Ils étaient passés par la fenêtre et avaient pris la voiture de leur père et s’étaient arrêtés pour prendre Libby, qui les attendait au coin de la rue. Elle était étonnée que Sean ne les ait pas emmenés, aussi Lukas s’était chargé de tout lui expliquer. Libby craignait les répercussions qu’entraînerait cette petite escapade, et elle avait eu raison.

La soirée avait été magique pour Lukas et Libby, enlacés tout au long du concert et Luke était heureuse pour eux. Libby était sa meilleure amie depuis toujours, elles s’étaient rencontrées à la maternelle et depuis, étaient inséparables.

Luke n’est pas resté seule bien longtemps, au cours de la soirée un beau blond aux yeux verts était venu vers elle pour lui offrir un verre qu’elle avait refusé.

— Tant pis, avait-il dit, je le boirais seul, mais tu ne sais pas ce que tu rates.

Devenant de plus en plus insistant, il alla jusqu’à passer son bras par-dessus ses épaules. Geste que Lukas surprit avec un regard furax, le regard du frère protecteur. Luke avait alors levé les yeux au ciel, ce n’était pas bien méchant !

Elle se rendait compte que les mains du bel inconnu commençaient à descendre sur ses hanches et l’avait stoppé net avant qu’il n’aille plus loin. Il lui avait souri et ses mains étaient restées ancrées là. À la fin du concert, Luke transpirait, comme si elle venait de courir le marathon, et des mèches de cheveux étaient plaquées sur son front.

En sortant du Zénith, l’air extérieur lui avait fait beaucoup de bien. Le bel inconnu l’avait embrassé sur la joue avant de lui donner un bout de papier avec son prénom et son numéro de portable. Lukas lui avait posé une veste sur ses épaules, mais elle ne prêtait plus aucune attention au reste du monde, se contentant de regarder le jeune homme qui s’éloignait dans la foule.

Dans son casque, « Sois tranquille d’Emmanuel Moire » se fait entendre et Luke revient à l’instant présent.

Elle regarde autour d’elle et se rend compte qu’elle a achevé sa course devant l’université. Les cours reprennent dans une semaine, elle doit absolument obtenir son diplôme d’architecte. Cette année est celle de sa dernière chance, elle se sent confiante à présent, elle sait qu’elle va y arriver, pour elle, mais aussi pour Lukas. En arrivant près de son immeuble, elle décide de se rendre dans le jardin et de se baigner, à cette heure matinale, il ne devrait y avoir personne.

Elle se déshabille entièrement et plonge dans l’eau fraîche. Après quelques longueurs, elle aperçoit une silhouette et s’arrête au milieu du bassin. Il s’avère que c’est son amie Libby qui la salue d’un petit signe de la main et qui tient sous son bras un panier de linge.

— Je lance une machine, tu viens boire un café après ?

— Avec plaisir ! Laisse-moi juste le temps de finir mes longueurs, rejoins-moi et on ira à ton appartement ensemble.

Luke retourne à sa séance et après de longues minutes, entend un raclement de gorge derrière elle.

— Ah, te revoilà Libby ! Ne sois pas gênée, ce n’est pas la première fois que tu vas me voir nue voyons !

— C’est avec plaisir que j’aimerais me souvenir, mais je ne pense pas avoir été convié ce jour-là et encore moins m’appeler Libby.

— Oh merde ! Mais ce n’est pas vous que je m’attendais à voir.

Elle décide de se retourner face à celui qui la dérange, s’aperçoit que c’est l’homme qui l’a empêchée de dormir. Malgré tout, elle garde une distance raisonnable, car elle est trop troublée par sa voix rauque qui lui donne des frissons dans tout le corps.

— Attentat à la pudeur, est-ce que ça vous dit quelque chose ? L’informe le policier.

— Et vous, voyeurisme ça vous parle ? Enchérit la naïade.

— Nous sommes dans les parties communes de l’immeuble donc n’importe qui peut accéder à la piscine de jour comme de nuit et en maillot de bain de préférence. Alors celle qui est hors-la-loi, ici, c’est vous !

Luke ouvre la bouche et la referme aussitôt, sa répartie s’est barrée. Son beau voisin est beaucoup moins chaleureux que cette nuit, mais quand l’enfoiré lui sourit, elle comprend qu’il se fiche ouvertement d’elle. Sans hésiter un instant, elle fait volte-face et sort de la piscine, consciente que sa nudité lui fera tourner la tête, ce dernier en perd même son sourire. Il prend alors son air grave, fronce les sourcils et en trois enjambées, arrive à ses côtés pour la cacher derrière un matelas de bain de soleil.

— Pour info, c’est une résidence privée ici… mais que faites-vous avec ça ?

— Je vous cache !

— De qui ?

— D’un voisin !

— Et si ledit voisin arrive derrière moi ? lui répond Luke, se retenant de rire.

— Vous avez raison, je vais l’enrouler autour de vous.

— Pff, n’importe quoi ! Comment vais-je faire pour m’habiller si vous m’enveloppez dans ce truc ?

— Euh ! hésite Spencer, se touchant le menton.

En l’observant, elle se dit qu’elle aurait bien aimé coller sa joue sur sa barbe de trois jours.

Des picotements à l’entrejambe la reprennent et elle essaie tant bien que mal de les arrêter en resserrant ses cuisses, mais c’est impossible, surtout quand il la regarde avec cet air de prédateur. Ses épaules se relâchent et son regard s’adoucit.

— C’est stupide, hein ?

— Effectivement ! acquiesce Luke en commençant à s’habiller. Voulez-vous bien vous retourner ou cacher vos yeux avec le matelas ? Le taquine-t-elle.

— C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

— Pardon ?

— Vous baigner nue ne vous pose aucun problème, par contre un homme qui vous voie dans le plus simple appareil, vous trouvez ça vicieux et irrespectueux. Vous êtes le genre de femmes à chauffer la gent masculine et à les jeter juste après vous en être servi ! Je me trompe ? Enchaîne-t-il avant que Luke n’ait eu le temps d’ajouter quelque chose.

— De quel droit osez-vous ? s’insurge-t-elle blessée par ses propos.

— Effectivement, je n’ai aucun droit sur vous. Mais si vous aviez été à moi, je vous garantis que ça ferait bien longtemps que je vous aurais ramenée à la maison et que vous auriez pris…

— Oh ! Parce que vous êtes le genre d’hommes à nous considérer comme des objets et à nous soumettre à votre bon vouloir ? Bravo je vous félicite ! ironise-t-elle.

— Vous n’êtes qu’une petite arrogante, une prétentieuse et vous racontez n’importe quoi !

— Et vous un gros connard imbu de lui-même.

— Si c’est comme ça que vous le prenez, j’espère ne jamais vous recroiser. Sale manipulatrice !

— Ce n’est pas si sûr puisque nous habitons le même immeuble pauvre crétin !

Il n’ajoute rien stupéfait, lâche le matelas à ses pieds, puis repart.

Luke est bien contente d’avoir réussi à lui fermer son caquet. Il ne ressemble pas du tout à la personne à qui elle a eu affaire cette nuit et c’est bien dommage.

Elle ne prend pas la peine de remettre ses sous-vêtements trop en colère, elle fourre son shorty dans sa poche et son soutien-gorge entre son ventre et l’élastique de son jogging et Libby arrive au moment même où elle remet son tee-shirt.

Finalement, elles déjeunent ensemble. Luke lui parle de l’incident de la piscine et comment elle a remballé cet homme autoritaire. Elles trouvent un surnom pour leur voisin. « Le Connard de Luke ».

Libby avait ri aux éclats le jour où Lucinda lui avait dit comment elle s’appelait. C’est ainsi qu’elle a surnommé Lucinda, Luke, car elle trouvait que ce prénom était vieillot et ne lui correspondait pas. Depuis, elle portait avec fierté ce nouveau prénom et avait demandé à tout le monde de l’appeler ainsi. Et comme de bien entendu, tout le monde avait joué le jeu sauf sa mère.

Libby est très occupée, mais elles ont tout de même prévu de faire une sortie entre filles comme aux bons vieux temps : shopping, spa, restaurant, ciné ou autres. Elle a terminé sa tournée de dédicaces pour son dernier roman « À fleur de peau », mais elle doit se remettre à écrire, car son agent est toujours sur son dos et la pousse aux fesses comme elle aime le dire.

En sortant de l’appartement de son amie, quelque chose attire l’attention de Luke. Un petit mot est collé sur la porte du voisin à son attention. Elle sourit en le lisant.

L

J’ai une semaine très chargée, je n’aurai pas le

temps de cuisiner.

Veuillez ne pas voler mes repas à l’avenir, svp,

Sinon votre gage sera de me nourrir. Lol !

J’aimerais mettre le prochain chinois sur votre

compte,

Mais sans votre nom cela me semble périlleux.

Xoxo ????

Elle range le papier dans sa poche et remonte jusqu’à son appartement tranquillement. Épuisée par ce début de journée, elle décide de se glisser sous la douche, puis s’écroule sur son lit et finit par s’endormir en regardant la photo de son frère posée sur la table de nuit.

Quelques jours se sont passés depuis la surprenante rencontre avec sa voisine du dessus. Spencer ne l’a malheureusement pas revue depuis et il doit bien admettre que ça l’agace un peu. Il aimerait bien apprendre à la connaître un peu plus, elle a un tempérament de feu et il adore ça chez les femmes. En parlant de femmes, il en connaît une qui ne va pas apprécier s’il la laisse trop longtemps attendre seule à la descente de son avion.