© 2021, Jah Rastafari
Edition : BoD – Books on Demand GmbH,
12/14 rond-point des Champs-Elysées, 75008 Paris
Impression : Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne
ISBN : 978-2-3223-8472-3
Dépôt légal : Juillet 2021
Pi Évêque, Serviteur des Serviteurs de Dieu, à Mahomet Illustre Prince des Turcs, crainte et amour du nom de Dieu, et de la divine Majesté.
Nous ayant pris un désir de t’écrire quelque chose, qui concerne ton salut et ta gloire, ensemble la consolation et paix de plusieurs qui sont plongés au profond abyme de l’infidélité, nous te supplions d’accommoder ton oreille paisible et favorable à nos discours, et ne les rejeter ou mépriser avant que tu en aies fait lecture, et en ayant eu la connaissance, reçois de bonne part ce que nous t’écrivons, et prends le loisir d’y méditer avec patience, en les lisant depuis le commencement jusques à la fin.
Si alors ce que nous te voulons persuader te semble utile et profitable, tu l’embrasseras, sinon, tu en feras au feu un sacrifice.
Ne te veuille aigrir au premier affront de cette exhortation, à cause de ce qu’elle porte, en tête le nom d’un homme qui a fait profession de la Foi Catholique, et qui est le chef de toute l’Église de Jésus Christ.
Pense seulement, que nous ne sommes point insidiateurs de ta couronne, que nous n’y procédons par haine et rancune pour offenser ta personne, car encore que tu sois mortel ennemi de notre Religion, en persécutant par le tranchant de ton glaive le nom Chrétien, nous ne sommes pas néanmoins résolus de te fâcher ou molester de fait ou de paroles, bien que tu nous en donne assez d’occasions, par tes machinations et œuvres mauvaises.
Nous suivons le commandement de notre Dieu qui nous enjoint d’aimer nos ennemis, et le prions de pardonner à ceux qui nous persécutent.
Au reste, nous sommes débiteurs aussi bien aux fous, qu’aux Sages, et sommes désireux que tous arrivent au port du salut, Grecs, Latins, Juifs, et Sarrasins, nous souhaitons à tous prospérité et vie.
Si nous sommes, nous, bien assurés que nul ne peut parvenir au comble des joies, bonne fortune, et félicité des délices éternelles, qui est hors de l’Église, séparé de Jésus Christ, forclos de l’Évangile, et éloigné de la troupe Chrétienne.
Par quoi, nous te supplions (Prince très-illustre) de ne point boucher tes oreilles, et de ne point détourner ta face en arrière quand nous nommons Jésus Christ, duquel même ta loi mahommétique qui t’a été nourri et instruit, confesse avoir été saint, et religieux Prophète, fils d’une Vierge, admirable en signes et prodiges.
Si tu veux recevoir sa Foi, te soumettre à sa Loi, obéir à son Église, et participer à ses Sacrements.
Tu jouiras de biens inestimables qu’on ne saurait assez suffisamment louer, et priser.
Tu seras peut être étonné, et renfrogneras de colère devant cet exorde tissu de telle façon, mais avant que tu en donnes sentence définitive, et que tu en face un jugement.
Je te prie de diligemment examiner que c’est que de ta Loi. Et te prie aussi d’entendre soigneusement quelle est notre intention, en cette entreprise.
Il ne se peut faire que tu ne sois bien informé, des cruelles guerres qui ont été démenées entre tes Ancêtres, et les Chrétiens, des batailles et assauts qui ont été donné, du sang qui a été tant largement répandu, des villes qui ont été rasées, et des Églises qui ont été brûlées, de l’effort et violence dont ont souffert les honnêtes matrones, et chastes Vierges par la rage et fureur des Barbares, des champs qui ont été dévastés, et des maisons qui ont été pillées, bref des crimes horribles, et impiétés étranges, commises par les Infidèles, telles que c’est horreur de les référer.
C’est ce qui est advenu, lorsque le Turc et le Chrétien ont voulu débattre par armes à qui appartiendrait le diadème impérial.
Quant à toi, tu es connu par tes œuvres, qui donnent suffisant témoignage de ton intention, et le bruit qui s’épand de ta renommée nous fait croire, que tu as envie de mettre toute la Chrétienté sous le joug de ton Empire, auquel tu prétends joindre l’Empire Romain.
Pour y parvenir, tu reçois assez de gens à ton conseil, qui te persuadent les moyens, et te font croire que cela te sera aisé et facile, de tout conquérir à force d’armes.
Mais il y en a qui sont flatteurs, et trop idolâtres de tes Vertus, te haussent, et sous-estiment trop les forces des Chrétiens, comme si ce n’étaient que mouches contre les Éléphants, et que leurs forces fussent trop minces et débiles, au respect des tiennes.
Les autres te crient déjà triompheur, et t’enflent d’espérance, fondée sur le désordre qu’ils aperçoivent régner en la Chrétienté, à cause, des haines, partialités, et divisions qui sont enracinées aux cœurs des Princes Chrétiens, comme étant assuré qu’il est aisé de maîtriser ceux qui secourent d’eux-mêmes le couteau dans le gosier, et s’entrebattent en leurs maisons.
Mais avant que tu prennes pied à telle dissension, considère de près nos affaires. Et pense à ce que tu entreprends. Tu ne peux ignorer combien est la Chrétienté de longue étendue, combien est puissante l’Espagne, La France belliqueuse, l’Allemagne peuplée, La Bretagne forte, la Pologne fière, La Hongrie délibérée et résolue, l’Italie opulente et courageuse, et bien duite au maniement des armes.
Ne sais tu pas bien que la seule Hongrie t’a bien résisté, et a fait tête à tes prédécesseurs. Et qu’il y a quatre vingts ans, que l’expédition Turquesque s’est faite, et que les enseignes ont été déployées pour guerroyer les Hongres, et néanmoins n’ont encore su traverser le Danube, et sont là demeurés ?
Puis qu’une seule nation t’a acculé. Que pense tu faire, si tu entreprends guerre contre les Italiens, François, et Allemands, Peuples bien unis et ramassés, et de cœur hautain voire de force indomptable ?
On te souffle peut être aux oreilles que le grand Empereur Justinien, par la dextérité et conduite de son Lieutenant général Belisaire, avec peu de gens, retira de la puissante main des Goths, Rome, et toute l’Italie jusques aux Alpes, qui avaient été si longtemps hors de ses mains, et que tu n’estimes moins fort que Justinien.
Garde toi bien de croire à telles persuasions, et chasse de ta présence tels parasites qui tâchent à te décevoir par leur flatterie et adulation, qui est une peste domestique, et fort ordinaire en Palais des Princes et grands Seigneurs.
Lesquels y sont souvent trompés, en prêtant trop légèrement créance aux rapports des adulateurs, qui déguisent les matières pour flatter : Il n’y a celui qui ne s’estime plus que tout autre.
Justinien donc était seul dominateur, de la Grèce, Illyrie, Asie, et Libye, il n’a pas conquit l’Italie, mais seulement il l’a ôté de la main des Goths qui étaient Ariens, et non de la main des Italiens.
L’amour de l’Empire Romain n’était encore refroidi aux cœurs des Italiens, et pas un de son bon gré, n’endura la tyrannie de ces Barbares, au contraire ils se liguèrent tous d’un courage franc et allègre, prenant les armes pour les chasser, et revendiquer l’ancienne liberté de leur Empire, et de la Patrie.
Et ne travailla jamais tant Belisaire à remettre les Italiens en liberté, comme ils se purent eux-mêmes pour sortir de la servitude, et de se venger de l’injure reçue, en recouvrant leur gloire et honneur.
Au reste, tes ancêtres n’ont pas eu encore tant de crédit, je ne dirai pas de posséder, mais seulement de voir l’Italie, par quoi tu n’as que faire de prétendre quelque droit sur celle-ci.
Car si tu as hâte de l’envahir, tu te rendras compte que les Italiens ne sont ni engourdis ni efféminés, mais de courageux mâles, d’esprit généreux.
D’ailleurs nous confesserons tant que tu voudras que tes Ancêtres Ottomans ont montré leurs prouesses, et vaillantises gloires, et honneur, et que tes conquêtes récentes ne sont de peu d’estime, puisque tu as mis en ta subjection l’Empire de Constantinople, et approché les confins de Gênes la mer entre deux.
Tu as obtenu le Péloponnèse en chassant les Chrétiens qui étaient dedans.
Tu as eu plusieurs victoires, en Achaïe, Aracanie, Épire, Bulgarie, Russie, Servie, et Valachie. Et tout fraîchement tu as subjugué la ville Sinopis où tu as pris le Tyran qui y commandait. La ville Impériale Trapezonde a éprouvé tes forces, quand tu as rendu captif l’Empereur, Tu as mainte fois mis tes ennemis en déroute.
Tu as enfin vaincu Usumcassan qui avait levé les armes contre toi. Or tu te piaffes de tant de victoires, qui te semblent émerveillables. Ce que nous ne voulons pas nier.
Jules César retournant de la victoire Pontique pour recevoir l’honneur du triomphe à Rome, commandant sur son chariot triomphant ce dicton fût affiché, Je suis venu, J’ai vu, J’ai vaincu.
Qui est autant comme s’il t’eut voulu admonester que toutes les nations que tu as subjugué ne lui avaient pas donné beaucoup de peine à dompter, comme inexpertes au maniement des armes pour se défendre, veut que Pompée avant toi, et puis toi même les avez tant aisément mises à raison, mais les Italiens sont bien d’une autre trempe, et ont bien autre esprit, et dextérité, car jamais ils n’ont encore éprouvé le joug étranger, au contraire ils ont imposé sur les autres, par quoi nous te faisons maintenant entendre, que l’Italie est toute en armes, équipée de tout point, garnie de gendarmerie tant de cheval que de pied.
Elle ne manque d’argent pour la solde qu’on a toujours estimé être le nerf de la guerre, tu ne trouveras pas pour te faire résistance, quelques femmes qui ont le cœur affaibli, ou gens efféminés qui redoutent les armes, tu n’auras pas seulement la Hongrie ou l’Italie, ou quelque autre Province Occidentale en test, car puisqu’il est question de se frotter à bon escient tiens toi assuré, que nous combattrons avec perches Asiatiques, et auront la poitrine si bien armée de maille, et corselets d’acier et d’azul, et auront chevaux si bien dressés, qui garderont l’ordre du combat, ne s’étonnant de feintes alarmes, qu’il faudra que ceux qui les voudront enfoncer soient plus fort armés et qu’ils soient d’esprit plus vigilant et de courage plus hardi et généreux, et aient aussi la main plus assurée que les nôtres.
Ne te pense point hausser et te promettre plus de faveur, pour les débats, noises et contentions que tu vois entre les Chrétiens, c’est mal avisé que de mettre son espoir en l’infélicité d’autrui, sois certain qu’aussitôt qu’ils entendront que tu feras semblant d’aborder les havres de la chrétienté, ils se ligueront pour courir unanimement sur tes troupes, et sera cause de ce bien là, qu’étant réconcilié au bruit de la descente de tes armes leur haine et inimitié changée en concorde, se jetteront sur toi, empêcheront tes approches et à communs frais extermineront leur commun ennemie.
Et ne sera pas expédient que pour ce faire toute la chrétienté s’arme pour s’opposer à tes invasions, et empêcher tes courses, repousser tes forces et arrêter tes desseins, aussi cela sera-t il bien difficile, mais quand une seule nation d’entre quatre s’armera, elle te combattra vaillamment, et renversera tes armées.
Or tu penseras que nous disions ceci par vantardise, et que c’est chose controuvée pour te donner épouvantement, je suis content de ne dire mot, tu as des personnages en ta cour, qui ont autrefois voyagé en Italie, où ils ont suffisamment contemplé les mœurs et façons des Italiens, se sont informés de leurs moyens et de leurs forces, de leur dextérité et gaillardise d’esprit.
Interroge les, et tu apprendras de leur rapport, si tes forces pourront suffire, pour déprimer les forces Italiennes et les ranger à ta dévotion.
Les anciens Romains ont eu plus de difficulté à conquérir l’Italie, qu’ils n’eurent de peine à mettre sous joug tout le reste du monde.
Que si quelqu’un d’entre tes conseillers se présente, qui te mette devant les yeux pour t’échauffer, le courage, les dissensions, et guerres intestines qui règnent parmi nos Princes, comme si cela te facilitait le moyen d’entrer en Italie par la trahison de quelqu’un qui se voudrait venger de son ennemi et voudrait porter nuisance à celui qui s’emploierait à repousser tes forces, auparavant que de lui prêter créance, songes-y par toi, qu’il n’y a Prince Chrétien tant soit-il saisi de mauvaise grâce et haine contre son prochain bien que l’on en voit vraiment aucune forte échauffourée à se ruiner l’un l’autre (à la mienne volonté qu’ils fussent bien réconciliés) qui aie quelque désir de tomber sous le joug d’un Prince infidèle, au contraire tous seront bien résolus de laisser la vie mourant pour la Foi Catholique, que de laisser enjamber sur leurs terres au préjudice de notre religion, de leur honneur et profit.
Jamais ne permettront d’entrer une autre religion que la vraie, car cela est odieux.
Ne pense point que les Italiens guerriers ressemblent à ceux que tes ancêtres, et toi, avez trouvé en la Grèce ou deux Princes prétendants pour l’empire, se sont ruinés l’un l’autre, chacun étant assisté de partisans, qui favorisaient à leur fantaisie, celui qu’ils pensaient avoir le bon droit, mais en fin la fortune a tourné le dos à l’un, et l’autre, et un tiers s’est saisi de la principauté, il ne faut pas que tu en penses faire autant en Italie, car les Princes Italiens sont d’une autre humeur, et se gouvernent par autre avis, ont meilleur conseil pour te repousser, et se fortifier contre tes forces.
La République de Venise, riche et opulente en trésors et richesses, très-résolue en conseil et providence, religieuse et dévote à Jésus-Christ, endurerait plutôt le sac, et souffrirait plutôt d’être abîmée, que d’endurer que l’ennemi de la foi mette le pied en Italie.
Car si elle veut, elle a bien le moyen de s’opposer toute seule sans l’aide et secours des villes voisines, à tes efforts par mer et par terre, elle peut résister à tes armées, voire ruiner tes richesses.
D’avantage, ne sais-tu pas bien quelle est l’excellence et magnificence de la cité de Florence, combien puissante et belliqueuse, laquelle aussi est totalement vouée à la vraie religion, et consacrée au service et la gloire de Jésus Christ ?
Voudrais-tu bien songer qu’une telle cité laisserait aborder les havres et ports d’Italie, ou qu’elle souffrirait qu’un ennemi de Dieu, et de la sainte religion, et qu’une nation privée de droit et d’action la mette sous le joug de la servitude ?
Il y a encore d’autres bonnes villes, en bon nombre, et non de moindre excellence et qualité, et plusieurs grands Princes et Seigneurs qui n’en feront pas moins.
Nous ne dirons rien ici du Royaume de Sicile, du fait qu’il est maintenant tout ébranlé, par émotions de guerre, tellement que nous n’avons aucun respect à son secours, bien que nous pouvons bien assurer et promettre que les deux Princes qui se combattent pour le droit du royaume aimeront mieux quitter leur droit prétendu, que l’obtenir par ton secours au préjudice de leur foi et religion.
Car si l’un d’eux avait recours à ta faveur pour vaincre son compétiteur, dès lors il encourrait la haine, et l’inimitié des Princes Italiens.
En la Gaule delà les Monts, parti de l’Italie est le Duc de Milan, qui n’est pas moindre qu’un Roi, fort renommé en prouesses, et faits belliqueux.
Les forces des Ducs de Mutine et de Gênes qui commandent à la Mer Ligustique ne sont à mépriser, Le Duc de Savoie et Prince du Piémont parti aussi d’Italie puissant et redoutable, ne t’est pas inconnu, non plus que le Marquis de Mantoue et plusieurs autres Seigneurs, et gouverneurs des villes, et frontières, qui ne trouveront rien plus à contrecœur que de voir les Itales tant illustres, empunaisies de l’erreur et superstition Mahommetique.
Quant à nos Églises, et Provinces sujettes au siège Romain nous n’en diront rien, du fait que notre profession ne t’est pas inconnue.
Tu sais que tout notre soin, et travail ne tend qu’à la conservation et augmentation de la foi Chrétienne, si tu en es bien informé, nous en sommes très joyeux, car tu connais la vérité, et que si d’aventure tu en es ignorant, nous te prions dès maintenant, de bien réfléchir part toi même à tout ce que nous t’avons proposé à considérer, et en cherchant la vérité, tu t’apercevras que nous ne l’avons en rien déguisé, et n’avons rien inventé, car nous ne servons de fables, nous sommes possesseurs de l’Évangile.
Il est tant difficile qu’à bon droit on le juge impossible, que persistant en ta méchante loi tu puisses obtenir ce que ton cœur désire.
Si cela est vrai que tu délibères d’unir à ta couronne l’Empire des Chrétiens, pouvant te vanter que tu as sous ton joug plusieurs Chrétiens, et qu’il est bien aisé d’en faire autant des autres.
Tu es bien dépourvu d’entendement, si tu ne juges de la disconvenance.
Car tu n’es pas ignorant qu’il y a sous ton Empire bien peu de Chrétiens de nom, et de vertu, du fait que peu cheminent la voie Évangélique, étant enfascinés par diverses erreurs.
Comme les Arméniens, Jacobites, Maronites, et autres qui font profession du Christianisme, mais ils sont entichés de diverses hérésies.
Ne sais-tu pas bien même que lorsque tu pris Constantinople les Grecs étaient schismatiques, et mal unis à l’Église Romaine, et que le Concile de Florence, n’était pas reçu ni publié en Grèce, et que les Grecs erraient en l’article de foi, de la procession du Saint Esprit, du père et du fils, et en l’article de la croyance du feu du Purgatoire, et ne s’accordaient avec l’Église Romaine ?
Et tu crois certainement que les Chrétiens qui vivent sous ton joug, t’obéissent plus par contrainte que de franche volonté, étant par nécessité contraints de temporiser.
Mais il ne faut pas que tu songes, que tu puisses ainsi commander sur les villes d’Italie tant florissantes et puissantes, qui tiennent plus raidement, et ont une résolution plus forte que toi, ni que tes forces les puissent ébranler.
N’es-tu pas mémoratif, comme la fortune te tourna le dos devant la ville de Taurine autrement nommée Belgrade, où toute ta gendarmerie fut défaite par gens qui n’étaient armés que du signe de la croix ?
Tu peux bien donc conter, que ton espérance est frivole de penser obtenir victoire sur les Italiens, vu que tu as tant honteusement été chassé par les Hongres.
Par quoi nous venons au scope, et but de notre harangue, nous voulons bien que tu saches, que la cause principale qui nous incite à t’écrire, est pour t’enseigner le chemin que tu dois tenir pour parvenir à une grande gloire et honneur, puisque tu en as si grand désir.
Or je te prie donc d’être attentif à ce que nous désirons te faire entendre en peu de propos.
Si tu désires donc dilater ton Empire sur la chrétienté, et acquérir une gloire immortelle, tu n’auras jamais autant besoin d’or ou d’argent, ou de nombreux exercite.
Tu n’as que faire de si grand nombre de galères, et de vaisseaux de mer, la plus petite chose qui soit au monde, te peut faire très-redouté, très-puissant, et très-grand Monarque.
Me demandes-tu ce que c’est ?
Elle n’est pas difficile à trouver, et il ne faudra voyager loin pour la trouver, car elle s’offre en tous lieux.
C’est un peu d’eau pour te baptiser, et t’enrôler au nombre des Chrétiens, en recevant l’Évangile.
Si tu acceptes cela, crois ardemment qu’il n’y aura Prince en tout l’univers qui te puisse égaler en gloire, honneur, puissance et renommée.
Ce sera dès lors, que vraiment nous te reconnaîtrons Empereur des Grecs et de tout l’Orient, tellement que de bon droit tu seras paisible seigneur et possesseur, de tout ce que maintenant tu occupes injustement par tyrannie et violence.
Tous les Chrétiens avec grande joie et applaudissement te porteront honneur et révérence, voire t’éliront pour juge et arbitre de leurs débats et différents.
Et ceux qui se sentiront foulés auront recours à ta majesté en dernier ressort comme au siège d’équité et justice.
Tout le monde désirera de te voir.
Plusieurs se rendront franchement sous tes ailes comme à l’abri de ta faveur, chacun te rendra tribut, l’Église se réjouira en ta grandeur et sera en émoi pour toi, te voyant cheminer par le sentier de vertu.
Tu seras respecté par le siège de Rome qui te favorisera, et portera sincère affection, t’aimera en charité comme il fait avec les autres Rois, et croîtra ta majesté de tant, comme elle se montra plus sublime et excellente, par ce moyen, tu conquerras plusieurs terres et royaumes sans effusion de sang.
Ainsi fit Vladislaus Prince de Lituanie frère de Vitaldus lequel étant infidèle, et désireux d’avoir le royaume de Pologne, se fit Chrétien, et sans aucune contradiction il obtint la couronne prétendue, duquel le fils appelé Casimir, y commande à présent par le décès de son père, depuis que son frère aîné Roi de Hongrie fut occis en la bataille qu’il eut contre ton père Amurath, où il s’acquit une gloire immortelle.
Que penses tu donc qu’on te ferait, si tu étais régénéré, et initié aux saints sacrements de l’Église ?
On te rendrait visite de toutes parts, et te donnerait réputation de grande gloire, et honneur de renommer tes sujets, et crois certainement que si tu eusses été Chrétien, quand Ladislas Roi de Bohème et de Hongrie fut tué en la susdite bataille, on t’eut sans contradiction proclamé Roi des royaumes susnommés.
Et les Hongres eussent eu espérance d’être allégé de tant de maux qu’ils ont soufferts aux guerres passées, et les Bohémiens les eussent suivis sans dilations, en se donnant à toi.
Mais parce que tu es ennemi public et juré de notre religion, les Hongres en force incomparables, et très-fidèles à leur Prince, ont mieux aimé retenir constamment leur religion avec guerre, que de la perdre pour jouir de la paix.
Combien y a-t-il d’habitants en Épire, en Péloponnèse, en Macédoine et en la Grèce, en la Dalmatie, aux Îles d’Égée, Carpathie, et en la mer Ionique, lesquels refusent à vivre sous ton Empire non pour autre raison, sinon pour ce que tu es forclos du parc de l’Église de Jésus-Christ ?