© La Luciole Masquée
Édition BoD – Books on Demand GmbH,
12/14 Rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris
Impression : BoD – Books on Demand GmbH, Nordersteds, Allemagne
ISBN : 9782322428250
Dépôt légal : mai 2022
Maquette et infographie : Maryse RECORDON
Photo de couverture : Irina KHARCHENKO
Illustrations : Llum Llum
Pour ma fille Yola, inspiratrice de ma vie et
mon mari, Denis, qui fait fleurir
dans mon cœur le jardin du bonheur.
Les légendes naissent pour guider, émerveiller et plonger les hommes dans un monde où chacun peut donner un sens à sa propre destinée. Ainsi, à l’aube des temps, lorsque le monde était répartie en royaumes, gouvernés par d’illustres et puissants guerriers, les mariages entre grands clans permettaient à chacun d’étendre son territoire. Dans l’un de ces empires, balayé par des vents vigoureux vivait un de ces peuples : les Bekrydes. Leur chef, Bebryx avait établi son palais dans l’une des plus vastes grottes connues des hommes. Il élevait de façon très protectrice son unique fille, la flamboyante Pyrène1, en âge de prendre un mari et prévoyait déjà d’accroître son pays, car elle était en âge de prendre un mari.
Pyrène était courtisée par tous les rois solitaires, les princes et les plus valeureux seigneurs des environs sans qu’aucun trouve grâce à ses yeux. La jeune femme souhaitait vivre sans contraintes et exercer cette liberté autant que la patience de son père le lui permettrait. Elle passait ses journées dans la nature. Elle adorait sentir le vent jouer avec ses boucles brunes, courir dans la tempête, grimper en haut des grands châtaigniers et se baigner dans les cours d’eau cristallins. Elle avait réussi à se faire adopter d’un aigle royal qu’elle nommait affectueusement Oukpik. Il était devenu ses yeux dans le ciel et la protégeait des attaques d’ours sauvages.
Lors d’une de ses escapades, tandis qu’elle nageait dans une rivière fraîche, elle fut alertée par Oukpik qui tournoyait au-dessus d’elle. Elle se retourna, et découvrit un homme d’une carrure extraordinaire posté sur la berge. La barbe bien taillée à la différence des guerriers de son clan, des vêtements étranges et une immense massue qu’il portait sur l’épaule, Pyrène en conclut qu’il n’était pas de leur contrée. Son cœur se mit à battre plus fort dans sa poitrine.
« Qui êtes-vous ? demanda-t-elle d’une voix ferme en sortant de l’eau pour se rhabiller et prendre au passage une dague fine que son père avait fait forger à son intention.
— Je me nomme Hercule, fils de Zeus et d’Alcmène. Répondit-il avec douceur avant de poursuivre : me permettez-vous de boire à cette rivière ?
— Bien entendu. Dis plus timidement Pyrène qui trouvait le nouveau venu plutôt séduisant. Oukpik vint se poser sur son bras.
— Votre ami est un bel atout dans ses bois dangereux. Comment vous appelez-vous ?
— Pyrène, fille de Bebryx roi des Bekrydes, annonça-t-elle tout en l’observant droit dans les yeux. Il émanait de lui un mélange de sincérité et de bonté.
— Puis-je vous demander l’hospitalité pour ce soir ? Je fais un long voyage.
— Mon père, je suis sûre, sera ravi d’écouter votre histoire. ».
Il la suivit jusqu’à la plus grande grotte qu’il ait jamais vue. Là, il fit la rencontre du peuple des Bekrydes. Le roi Bebryx était impressionné par la stature hors du commun d’Hercule, il décida de donner un repas en son honneur où il convia ses plus vaillants soldats. Grisé par le bon vin et par les yeux flamboyants de Pyrène, Hercule se mit à raconter son voyage et ses exploits : le lion de Némée par exemple qu’il lui fallut étouffer, car son épiderme était impossible à transpercer d'une arme. À la suite de cet exploit, il avait gardé la peau. L’assemblée applaudie faisant résonner comme jamais la caverne de Bebryx. Pyrène se rapprocha et caressa la peau de cet animal légendaire. Elle sentit aussi son cœur se réchauffer au passé héroïque de ce guerrier grec.
Il poursuivit en parlant de l’hydre de Lerne qui vivait dans un marécage non loin de Tyranthe. Chacun fit silence, lorsque Hercule décrivit le monstre qui possédait neuf têtes. Cette créature était également le fils de Typhon tout comme le lion de Némée. Son haleine empoisonnée dissuadait quiconque de l’attaquer et sa tête centrale était immortelle. Il raconta comment il utilisa le sang du monstre pour le vaincre. Et ainsi de suite, jusqu’au but de son voyage, sa dixième épreuve : voler les bœufs de Géryon. L’assemblée retint son souffle. Ce géant régnait sur l’Erythie, une contrée voisine. Et au lieu de s’entourer d’êtres humains, il vivait avec un troupeau de bœufs rouges redoutables. Il était craint par sa stature et son physique très particulier, un corps et trois têtes et également son chien Orthros, frère du célèbre Cerbère.
Pyrène arrêta le récit d’Hercule, elle se leva, frappa dans un tambourin et dansa pour lui. Ce dernier ne restait pas insensible aux charmes de la belle brune aux yeux de feu, portant à bout de bras un aigle royal.
Le soir, sous les étoiles étincelantes au-dessus des montagnes, Hercule se promena avec la princesse et il conquit secrètement son cœur. Leur amour enflamma le ciel tout entier, les vergers et leurs deux âmes. Mais Hercule n’en oublia pas sa mission et surtout la terrible malédiction que la déesse Héra lui avait jetée. Condamné à ne pas avoir de relation durable, il souffrait de cette punition, car il ressentait pour Pyrène des sentiments sincères. Malgré les supplications de sa douce, Hercule s’en alla pour tenter d’accomplir sa dixième épreuve : voler le bétail du roi Géryon.
Pyrène resta bien seule et triste. Tant est si bien que son père Bebryx commença à se demander si sa fille n’était pas tombée amoureuse de l’étranger sans royaume. La jeune femme qui savait son père colérique nia tout. Mais, quelque temps plus tard, elle sentit quelque chose changer en elle. Sa taille si fine s’arrondit, son appétit devint aussi plus grand. Elle questionna la sage de leur peuple qui lui confirma ses doutes. Elle attendait un bébé pour bientôt. Aussitôt, elle comprit que son père n’accepterait jamais un tel affront, et qu’elle risquait sa vie et celle de son enfant à rester parmi son peuple. Elle décida de fuir le royaume de Bekrydes et de se cacher dans la forêt en espérant le retour d’Hercule. Oukpik l’accompagna dans sa fugue en l’alertant des zones à éviter pour quitter le camp sans se faire remarquer.
La forêt qui avait toujours été son jardin secret devint sa nouvelle maison. Elle se confectionna un abri avec des branches, mangea des fraises sauvages, des mûres, des amandes et des noisettes. Oukpik lui chassa également quelques proies. Et ainsi passa le temps, jusqu’au jour où elle sentit les premiers signes de son enfantement. Prise de peur, elle confia à Oukpik le soin de retrouver Hercule et de le ramener au plus vite. Elle noua à l’une de ses pattes, un tissu provenant de ses cheveux et l’aigle s’envola.
Sur le chemin du retour, Hercule entendit les cris stridents d’un aigle royal qui tournoyait au-dessus de lui. Il leva les yeux, et reconnut l’aigle de Pyrène : Oukpik. Hercule lui tendit son bras et l’aigle vint se poser. L’aigle regarda vers les montagnes en criant. Hercule comprit aussitôt que quelque chose de grave devait arriver à son tendre amour pour que cette dernière lui envoie son oiseau. Sans perdre un instant, il accéléra le pas et guidé par Oukpik, ils traversèrent ainsi toute l’Espagne, suivit du troupeau de Géryon.
Pyrène s’impatienta de ne pas voir revenir Hercule et Oukpik et elle alla au-devant d’eux. Aidée d’un bâton, elle se mit en marche dans la montagne sans la protection de son aigle. Au cours de son chemin, elle sentit derrière elle le souffle chaud d’un animal, elle saisit son bâton de ses deux mains se retourna, mais l’animal était un terrible ours brun qui s’approcha d’elle et lui assena un terrible coup de griffe qui la terrassa. Pyrène, hurla de douleur.
Hercule qui entendit l’écho d’une voix agonisante, laissa sur place son troupeau et utilisa sa force de demi-dieu. En quelques bonds, il passa au-dessus des cimes et des torrents et accourut pour la recueillir dans ses bras sa bien-aimée mourante. Un étrange serpent aux écailles dorées était lové dans ses bras. Hercule ne comprit pas tout de suite, mais ce serpent était le fruit de leur amour. Le cœur d’Hercule resta muet tant la douleur était grande de voir ainsi Pyrène et leur enfant sans vie. Il nettoya sa bien-aimée, lui remit une robe blanche et des fleurs dans ses beaux cheveux et la porta dans ses bras jusqu’au royaume des Bekrydes.
Le roi Bebryx accueilli Hercule le cœur brisé en voyant sa douce Pyrène sans vie gisant dans ses bras. Durant des semaines, et des mois, ils l’avaient cherché sans succès dans tout le royaume. Hercule s’enfonça dans le réseau de galeries de la grotte, il trouva un endroit merveilleux, près d’un lac souterrain, il déposa la douce Pyrène et l’enferma dans un tombeau construit à la force de ses mains, avec des roches aux couleurs de nacre et d’or. Il invita ensuite tout son peuple à venir lui faire ses adieux. Puis, ils sortirent tous de la grotte et Hercule entassa tous les rochers qu’il trouva et façonna de la Méditerranée à l’océan, une immense chaîne de montagnes. Hercule ému par la perte de Pyrène prononça ces quelques mots d’adieu : « Je souhaite que personne n’oublie ton nom, ta force et ta beauté. De cet endroit je vais bâtir pour toi la plus belle des maisons, une montagne qui portera pour toujours ton nom : Pyrénées ». Puis, Hercule s’en alla le cœur blessé avec ses bœufs via la Gaule, l’Italie, l’Illyrie, l’Épire et l’Hellade vers Mycène et la suite de ses travaux.
L’amour a guidé Hercule vers Pyrène, leur passion donna naissance à une montagne qui inspire encore de nos jours par sa grâce et sa bienveillance tous les peuples qui vivent à ses pieds.
1 Conte librement inspiré par la légende de Pyrène et les douze travaux d'Hercules.
La soirée était agréable en ce beau mois d’août. Xoán avait invité son meilleur ami Justin à passer une semaine en Galice, une région verdoyante à l’extrémité atlantique de l’Espagne afin d’oublier sa dernière déception amoureuse en date. Après plus de dix heures de voiture, ils se trouvaient sur une route qui serpentait au milieu d’une nature majestueuse. Ils ne rencontrèrent sur leur chemin que quelques maisons abandonnées qui tombaient en ruine, recouvertes de massifs de ronces et de mûriers sauvages.
Justin, dont les jambes réclamaient de se dégourdir à tout prix, regardait Xoán avec insistance. Devant l’indifférence de son ami, il décida de lui poser LA question qui lui brûlait les lèvres depuis déjà quelques heures :
— On est perdu ? Tu sais, tu peux me le dire… Je ne t’en voudrais pas…
— Déstresse mon pote ! Je t’ai dit que tu aurais une surprise, répondit Xoán avec un sourire en coin.
— Tu es sûr qu’on n’est pas paumés ? Cela fait une bonne demi-heure qu’on ne voit pas une seule maison habitée. Tu ne vas pas me faire dormir dans une de ces ruines quand même ?
— Décidément, les surprises et toi ! Détends-toi !
La nuit commençait à tomber quand Xoán explosa de joie.
— On y est !
Justin aperçut sur le bord de la route un panneau rouillé qui indiquait le nom d’un village : Cuatrovientos. Puis, un peu plus loin, il découvrit la silhouette d’une maison devant laquelle Xoán gara sa voiture. Aussitôt, un berger allemand arriva en aboyant amicalement.
— Markès ! Mon brave, tu es toujours là ? lança Xoán avec tendresse.
Justin avait rarement vu son colocataire si heureux. Il inspecta les lieux. C’était une bâtisse de deux étages, peinte en vert forêt. L’entrée était surmontée d’une enseigne qui indiquait le mot « Bar ».
— Et voilà ! enchaîna Xoán avec un large sourire. Mes cousins Miguel et Sylvia gèrent un bar restaurant ! Allez, tu viens ?
Il prit les deux sacs à dos dans le coffre de sa voiture et invita son camarade à le suivre.
Justin n’était pas au bout de ses surprises, car si le parking était désert, à l’intérieur, le bar était bondé de monde. Des clients de tout âge, étaient accoudés au comptoir, certains trinquaient assis à des tables. D’autres jouaient aux cartes et une télévision braillait dans un coin. Un jeune homme arriva, un fût de bière sur l’épaule ; il interpella d’emblée Xoán tandis qu’une femme d’âge mûr vint le prendre dans ses bras. La famille de Xoán accueillit Justin comme si lui-même en faisait partie. Il reçut son lot d’embrassades et de tapes dans le dos. Puis les deux amis furent invités à se diriger dans une salle située derrière le bar où les attendait une grande table déjà dressée pour le souper. Ellia, la tante de Xoán, une femme aux yeux pétillants, leur avait concocté le fameux caldo, suivi de chorizo bouilli et de pommes de terre, sans oublier la célèbre empanada. La tablée comptait plus d’une trentaine de personnes, car toute la famille s’était réunie pour fêter leur arrivée.
— Maintenant, je suis vraiment à la maison ! s’exclama Xoán en se caressant le ventre.
— Oui, moi aussi apparemment, ajouta Justin, moins démonstratif. Mais, dis-moi, quelle langue parlent-ils ? Je ne pige pas tout ce qu’ils se disent !
— Deuxième surprise, c’est du galicien ! Mais ils comprennent très bien ton espagnol universitaire.
— Très drôle ! répondit Justin un peu vexé. La nuit était bien avancée quand Ellia les invita à la suivre à l’étage. Elle leur avait préparé une chambre, composée de lits jumeaux. Une fois seuls, ils commencèrent à déballer leurs affaires. Justin sortit ses chaussures de course et annonça à son ami :
— Demain matin, j’irai faire un tour ! J’ai besoin de me vider la tête.
— Sans moi ! Je suis en vacances. J’espère que tu vas te détendre un peu quand même, répondit Xoán en s’allongeant sur son lit. Et surtout, tu vas oublier cette pimbêche d’Olivia.
— Et bien, c’est exactement ce que je vais faire ! Rien de mieux qu’un petit décrassage matinal pour découvrir le coin et tenter d’effacer la splendide poupée qui m’a piétiné le cœur avec ses talons aiguilles.
— Au moins, tu ne rencontreras pas ce genre de nana ici. Dit-il en lui faisant un clin d’œil, puis il poursuivit d’une voix mielleuse. Prends une veste. On est à plus de mille mètres d’altitude, ajouta Xoán qui somnolait déjà.
Le lendemain, très tôt, Justin enfila un sweat shirt à capuche et sortit sans faire de bruit. Le soleil n’allait pas tarder à se lever, Markès aboya légèrement comme s’il savait qu’à certaines heures il valait mieux ne pas réveiller la maison. Une brume épaisse noyait la vallée en contrebas et le bar semblait léviter dans le ciel. L’air était frais et d’une pureté qui vivifia chaque cellule du corps de Justin. Il entama son programme d’échauffement en restant sur la route principale. Il courut pendant vingt minutes sans rien voir devant lui. Justin se concentra sur sa respiration et tenta de vider son esprit. Mais ces derniers temps, Olivia hantait toutes ses pensées. Il ne cessait de se remémorer ses magnifiques cheveux dorés, retombant gracieusement sur ses hanches, et ses yeux bleu océan qui le menaient par le bout du nez. Depuis leur rupture, il vivait un manque émotionnel et physique intense. Même le sport et ce voyage au fin fond de la péninsule ibérique n’y faisaient rien. Il sentit son cœur se serrer dans sa poitrine douloureusement. Sans la ténacité de Xoán, il ne serait jamais venu en Galice. Il décida de faire demi-tour avant de s’égarer. C’est alors qu’il entendit derrière lui le bruit de ce qui devait être la foulée régulière d’un animal sur le bitume. La bête se retrouva très vite à ses côtés. Dans la brume, Justin discerna la forme d’un chien, il crut que c’était celui du bar.
« Markès ? » lança-t-il en s’arrêtant pour le caresser. Mais ce chien-là n’avait ni la même couleur ni la taille du berger allemand de Miguel. Justin le regarda plus attentivement et la bête grogna, dévoilant ses babines et des dents pointues. Justin s’écarta lentement et l’animal disparut dans l’épais nuage blanc. Après quelques minutes de stupéfaction, le jeune homme eut la certitude d’avoir rencontré un loup. Xoán lui avait signalé que Cuatrovientos se trouvait au cœur d’une importante réserve naturelle et qu’il n’est pas rare de croiser des sangliers et même des ours dans les abords de la forêt.
Justin fit demi-tour et lorsqu’il arriva au bar, une jeune femme enveloppée dans un châle sombre attendait sur le parking. Markès n’aboya pas, comme il le faisait avec tout le monde. Au contraire, l’animal s’approcha d’elle en silence, les oreilles baissées en signe de soumission. La femme se pencha pour caresser le berger allemand et lança un regard mystérieux à Justin. Il se sentit sur le moment légèrement troublé, elle était d’une beauté naturelle, un peu sauvage. Elle avait les cheveux coupés courts, sombres comme la nuit et ses yeux brillaient d’un vert noisette. À son corps athlétique, son attitude volontaire, Justin pouvait deviner qu’elle était de celles qui n’ont besoin de personne.
— Bonjour, osa-t-il.
— Bienvenue, répondit la jeune femme d’une voix douce en continuant de flatter le vieux Markès.
— Super ! Vous parlez français ! Quelle chance ! Ça se voit tant que ça que je ne suis pas d’ici ?
— Cela s’entend surtout et puis peu de gens vont faire un footing dans la brume chez nous, dit-elle en esquissant un sourire.
Justin se perdit à nouveau dans ses yeux verts et l’éclatante noirceur de sa chevelure. Puis, il se tourna vers la porte d’entrée du bar :
— Au fait, je ne sais pas si le service est ouvert.
— C’est ouvert, vous venez ?
En effet, Miguel était déjà occupé derrière le comptoir. Il jeta un œil noir à Justin et à celle qui semblait l’accompagner.
— Un café, por favor, demanda l’inconnue en allant s’asseoir à une table dans le fond de la pièce.
Justin se dirigea vers la partie privée de la maison pour aller se changer, mais il renonça en voyant Xoán descendre l’escalier au même moment. Ce dernier ne manqua pas de le taquiner :
— Déjà ! Tu cours plus longtemps d’habitude, non ?
— Oui, mais aujourd’hui la brume m’a foutu la pétoche !
— Tu m’étonnes ! Même les Anglais n’ont pas un brouillard comme le nôtre. On a posé un brevet !
Xoán passa derrière le zinc, salua son cousin toujours nerveux, prépara deux cafés et vint s’asseoir avec Justin à l’une des tables du bar.
— Qu’est-ce qu’il a, Miguel ? s’inquiéta Justin.
— Bah ! Ça doit être à cause d’elle, répondit Xoán sans regarder la jeune femme au fond de la salle. — C’est son ex ou quoi ?
— Toi et tes love stories ! murmura Xoán. Non, dans le coin, on dit qu’elle est une Meiga2. Une sorte de sorcière, mais en plus vilaine. On a aussi des Brujas, plus sympas, qui remettent de l’ordre quand les Meigas font de mauvais tours. Tu vois, ici, en Galice, on est très bien organisés. On a les deux côtés de la force. Les Brujas sont des Jedi et les Meigas des Sith !
— Tu crois que Georges Lucas a pompé l’idée de la Guerre des étoiles sur vos légendes ?
— Qui sait ? répondit Xoán avec un clin d’œil.
— Comment les différenciez-vous ?
— Et bien déjà, quand tu croises une femme comme elle qui se promène seule dans la brume pour aller prendre un café ! Tu peux te dire qu’il y a anguille sous roche ! Mais bon, toi tu es le style de gars qui tombe toujours dans le panneau de jolies nanas !
— Très drôle ! Non, en plus je ne trouve pas qu’elle soit spécialement belle, je n’aime pas les filles qui ont les cheveux courts. Elles ressemblent à des mecs !
— Dis plutôt, que tu as peur qu’elle ait plus de couilles que toi ! ajouta Xoán en lui tapant dans le dos. De toute façon, il vaut mieux qu’elle ne te plaise pas, ce n’est pas prudent de sortir avec une femme comme elle !
Xoán avait l’habitude de se moquer de Justin, car ce dernier avait eu de très nombreuses mésaventures avec de trop jolies filles qui faisaient de lui ce qu’elles voulaient. Ils furent interrompus quand Markès, le berger allemand, fit son entrée dans le bar et se dirigea vers la mystérieuse cliente qui le caressa tendrement. Voyant cela, Miguel explosa de colère. Il fit le tour du comptoir, empoigna son chien par le collier et le jeta dehors sans ménagement. L’inconnue se leva d’un bond et marcha vers la sortie, en passant la porte, elle lança un regard à Justin qui sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Cette sensation était différente de la peine offerte par Olivia. C’était presque attirant. Son cœur semblait prendre des décisions à sa place.
— Waouh ! L’ambiance est tendue quand même, s’exclama Justin un peu perturbé.